Mondes Emergents

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samedi 1 mai 2010

L’OPEP du gaz à la rescousse du natty

Enrayer la chute des prix sur le natty, le marché gazier, voici ce que l’on pouvait lire sur toutes les lèvres lors de la tenue du Forum des pays exportateurs de gaz.

Surnomé l’OPEP du gaz, le FPEG a réuni lundi 19 avril, à Oran, des producteurs inquiets face à la chute des cours du gaz depuis 2 ans.

Les cours du gaz touchent le fond, et creusent encore !
La consommation mondiale de gaz en 2009 s’est contracté de 5% selon Cedigaz, principalement en Europe et en Asie. Cette baisse a amené les prix du gaz à ramper à 4$ million de BTU (British Thermal unit) en mars dernier.

Tuons dans l’œuf tout optimisme : La fin de la crise ne fera pas rebondir les cours. Vous voulez savoir pourquoi ?

Avec 0.9% de croissance prévue en Europe en 2010, et 1.8% au Japon, deux des plus gros consommateurs de gaz, la croissance du marché devrait péniblement atteindre 1% ou 1.5%.

La Chine, habituelle pourvoyeuse de bonnes nouvelles économiques, n’a pas l’intention de jouer encore une fois les locomotives de la demande. Le pays a misé essentiellement sur le charbon et les énergies renouvelables. Le gaz ne devrait pas excéder 10% de son mix énergétique.

Demande anémique et offre excédentaire, la recette d’une bulle gazière
Bien sur, la crise a contribué à faire chuter les cours, qui caracolaient à 13$ le million de BTU en 2008. Pourtant, elle n’est pas la seule responsable. Un autre facteur l’a aidé à noyer le marché : Les gaz non-conventionnels.

La production de gaz non conventionnel aux Etats Unis compte désormais pour un tiers de la production actuellement, et pourrait atteindre 60% en 2030. Grâce à la flexibilité du marché américain, ce offre supplémentaire s’est tout de suite répercuté sur les marchés spot : Le prix du gaz sur le Henry Hub est actuellement de 50% inférieur au prix des contrats à long terme !

L’homogénéisation des marchés, pour le meilleur et pour le pire
Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) a rendu le marché plus liquide, en abolissant la segmentation géographique du marché du gaz. La mauvaise nouvelle, c’est qu’en période de surcapacité, tout le monde trinque.

90 GM3 de GNL seront excédentaire en 2010 et 2011. Ils devrait se déverser sur les marchés d’Amérique du sud et d’Asie, contribuant à leur tour à faire chuter les prix sur ces marchés.

Le Dogme de l’indexation remis en cause
La chute des prix ont donné aux consommateurs l’occasion de critiquer le sacro-saint mode de calcul des prix du gaz : l’indexation sur les prix du pétrole.

Acheter son gaz à prix d’or, autour de 7-8$, quand de l’autre coté de la rue, il est bradé à 4$ sur les marchés spot, évidemment, c’est agaçant…

L’idée serait d’introduire davantage de flexibilité en prenant plus en compte ce qu’il se passe sur les marchés spot.

Devant les premières concessions lâchées par plusieurs compagnies, notamment Statoil et Gazprom, les pays producteurs ont décidé de se concerter sur les moyens d’enrayer la chute des cours.

L’OPEP du gaz, un projet prématuré
Reproduire la structure de l’OPEP pour contrôler le marché gazier en voie d’homogénéisation, l’idée semble judicieuse. Mais pour l’instant, le marché gazier est encore trop divisé :

L’OPEP, c’est l’association d’un « swing producer », l’Arabie Saoudite, avec les producteurs d’un même produit standardisé, vendu aux quatre coins du monde. La FPEG, pour l’instant, n’a ni patron, ni marché homogène, ni produit homogène.

La Russie possède les réserves les plus importantes, mais son marché est rigidifié par les gazoducs. Le Qatar semble engagé dans une stratégie court-termiste de gain de parts de marché, sans souci excessif de la rentabilité. L’Iran et l’Algérie sont trop faibles économiquement et politiquement pour pouvoir agir seuls.

Revenir aux fondamentaux
En attendant qu’un stratégie commune se dégage, les pays producteurs se sont prononcés unanimement pour un maintien de l’indexation du gaz sur les cours du pétrole, seul moyen d’atteindre un prix « juste ».

Chakib Khelil, le ministre algérien de l’énergie et des mines, a estimé qu’une parité de « 1 à 6 » avec le pétrole serait normale. Un tel calcul amènerait le MBTU à 13-14$.

Vers un G2 du gaz ?
L’avenir du gaz se jouera autour de la Russie et du Qatar. Les deux pays ont déjà commencé à se rapprocher, en lançant en mars dernier un projet de « commission de coopération » bilatérale. Premier pas vers un condominium gazier ?

Je vois deux raisons crédibles à sa réalisation :

1. Le GNL devrait se développer rapidement, grâce à sa flexibilité et sa meilleure couverture des risques financiers. Le Qatar, possédant les troisième réserves mondiales de gaz, et une importante flotte de méthaniers, sera donc bientôt capable d’inonder les marchés. Seule l’Europe et les Etats unis lui échapperont.

2. La Russie pourrait laisser le Qatar s’imposer comme le « swing producer », en échange d’une non intervention sur le marché européen, où les capacités GNL sont encore très faibles.