Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

lundi 20 décembre 2010

La Chine, à l'épreuve de sa dépendance énergétique


La Chine met tout en œuvre depuis 30 ans pour assurer l'approvisionnement en énergie de son économie. L'accroissement des besoins a eu de lourdes conséquences sur le plan interne et externe. Confrontée à des problèmes environnementaux, la Chine a commencé à donner une nouvelle inflexion à sa politique énergétique. Sur le plan extérieur, sa dépendance énergétique croissante a souvent amené la Chine à structurer sa politique étrangère en fonction de ses besoins énergétiques. Pourtant, la reconnaissance de ces problèmes rentrent régulièrement en contradiction avec la satisfaction internationale de voir un pôle de croissance assurer de nouvelles débouchés commerciales. Coincé entre problématiques environnementales et économiques, voire sociales, Pékin a avant tout besoin des meilleures technologies pour espérer un jour conjuguer croissance et environnement.

La Chine victime de sa croissance
Dans une récente conférence, organisée par la revue « Passage », Mr Zhang, conseiller à l'ambassade de France en Chine, s'est exprimé sur les besoins énergétiques grandissants de son pays. Le conseiller a reconnu que l'énergie était le véritable point noir du modèle de développement chinois. Deux conséquences ont été en particulier soulignées, la dépendance vis-à-vis de l'étranger, et les problèmes environnementaux que rencontrent le pays. Principal accusé, le charbon. La Chine est dépendante à 91% des énergies fossiles pour sa consommation d'énergie primaire, dont 70% pour le charbon. Sa part dans le mix énergétique chinois semble malheureusement condamnée à augmenter. Sa part était de 61% il y a 10 ans. Cette dépendance est dangereuse. « Parmi les 100 villes les plus polluées au monde, un tiers sont chinoise » a rappelé Mr Zhang.

Le 12e plan quinquennal change la donne
La Chine a pourtant commencé à investir massivement dans les énergies du futures. Le pays a multiplié les investissements dans les énergies renouvelables, notamment depuis l'annonce du 12e plan quinquennal en novembre dernier. L'objectif est de faire passer la part du renouvelable de 7% à 15% dans le mix énergétique chinois d'ici 2020. Dans l'énergie hydraulique, le pays a l'intention d'augmenter de 50% ses capacités d'ici 2015, pour atteindre 300 000 MW. La Chine a également promu au rang de priorité nationale la rénovation de son réseau électrique, qui est responsable de 8% de déperdition. Les « réseaux intelligents » seront notamment introduits. Schneider Electric, IBM ou encore GE entendent profiter de ce marché. En ce qui concerne le nucléaire, Hervé Machenaud, responsable de la production et de l'ingénierie chez EDF, et directeur d'EDF Asie-Pacifique, a rappelé lors de cette rencontre que la Chine est en train de mener « le plus grand programme nucléaire jamais réalisé dans le monde ». Pourtant, ce programme ne permettra pas de modifier radicalement la consommation énergétique chinoise. Malgré la réalisation de 10 unités par an, le pourcentage du nucléaire dans le mix énergétique n'évoluera pas au dessus de 5% d'ici 2020.

La diplomatie chinoise, entre la politique étrangère et la politique énergétique
Ces besoins énergétiques entrainent une forte dépendance de la Chine vis-à-vis de l'étranger. 50% du pétrole consommé en Chine est actuellement importé. Le pourcentage devrait passer à 75% d'ici 2050. Cette dépendance est un facteur d'inquiétude pour le gouvernement chinois. La politique étrangère et la politique de défense ont ainsi été modelées pour sécuriser les approvisionnements. Jean-Pierre Lafon, ancien ambassadeur de France en Chine, nous a expliqué la nature profondément « stratégique » de la politique étrangère chinoise actuelle. Sur le plan régional d'abord, la Chine a normalisé ses relations avec ses voisins. Cette stratégie lui a ainsi permis de signer de nombreux contrats énergétiques, notamment avec la Birmanie, le Kazakhstan, le Turkménistan et la Russie. Au plan international, la Chine est devenu un partenaire commercial majeur pour l'Afrique. Les États pétroliers africains comme le Gabon, le Soudan et l'Angola ont tous signé des accords avec leur partenaire chinois. La Chine a également massivement investi en Amérique du Sud, où le Brésil fait désormais figure de nouvel eldorado pétrolier, ainsi qu'au Moyen Orient. Militairement, la Chine a fait le choix de développer prioritairement sa marine. Ce choix correspond à la volonté de sécuriser les voies d'approvisionnement en hydrocarbures, notamment autour des Détroits d'Ormuz et de Malacca. 80% des importations de pétrole transitent par ce dernier Détroit.

Les opportunités en Chine sont devant nous
De l'avis général, l'accroissement de la dépendance énergétique chinoise offre des opportunités économiques aux partenaires étrangers, notamment français. Mr Zhang a pointé du doigt les possibilités de collaborations sino-françaises dans le secteur de l'agriculture et des sciences et technologies. « S'il y a des défis à surmonter, il y toujours des opportunités » a t-il ajouté. Dans une formulation moins asiatique, Mr Machenaud s'est retrouvée dans cette vision. Le directeur Exécutif d'EDF a rappelé qu'avec un salaire par tête 10 fois inférieur à celui du salaire américain, les marges de progression de l'économie chinoise restent encore très importantes. En particulier, la poursuite de l'urbanisation contrôlée devrait offrir de nouvelles opportunités de croissance.

Démysthifier le transfert de technologies
La question des transferts de technologies s'est alors imposée dans le débat. Le représentant de l'ambassade de Chine a appelé à intensifier les transferts de technologies entre la France et la Chine, tout en déplorant le coût de ces technologies. Mr Zhang a souligné au passage que ces transferts sont souvent un gage de durabilité pour les partenariats conclus avec des entreprises étrangères. Dans le même sens, Mr Machenaud a exhorter les groupes français à se « sortir d'une vision malthusienne des transferts de technologies ». Le directeur exécutif d'EDF a pris le cas d'Alstom pour illustrer son propos. La société françaises a réussi à remporter un deuxième contrat dans le domaines des turbines hydrauliques, après un premier contrat où le constructeur français avait vendu ses technologies. Cette réussite s'explique par les efforts constant du constructeurs pour améliorer ses technologies, lui permettant de se présenter constamment sur les marchés avec un produit innovant. « Les technologies s'améliorent là où elles sont produites » a t-il conclue.

dimanche 28 novembre 2010

Filière nucléaire française, chronique d'un déclin annoncé
La France perd du terrain sur le marché international du nucléaire


Le 23 novembre dernier, le cercle de réflexion « Inventer à gauche » organisait une rencontre sur la filière nucléaire française. François Roussely, chargé par le président français en début d'année de rendre un rapport sur l'évolution de la filière nucléaire française, est revenu sur son travail à l'occasion de cette rencontre.

Une industrie qui fait encore illusion
L'industrie nucléaire peut être observée comme un miroir des ambitions économiques françaises, à savoir un secteur bouffi d'orgueil incapable d'anticiper les défis futurs. Autrefois carte de visite de l'excellence française, l'industrie nucléaire française est effectivement en passe de se « banaliser », selon les propres mots de François Roussely. Si le secteur profite encore de l'illusion de ses clients et de ses concurrents, qui « l'imaginent plus fort qu'il n'est réellement », une série d'échecs depuis 2005 ont confirmé le début du déclin.

La fin du nucléaire de papa
François Roussely est revenu brièvement sur les trois facteurs qui ont fait le succès de cette industrie. Le premier atout a concerné la situation de monopole dont bénéficiait les trois organismes responsables de la construction du parc nucléaire français, Edf, le CEA et Framatome. Le deuxième facteur important a été la nécessité d'accompagner le décollage de l'économie française, qui a souvent permis de placer l'intérêt général au-dessus des batailles d'égo. Enfin, les trois acteurs ont bénéficié de la maitrise du temps, leur permettant d'enchainer la construction des centrales sans discontinuité. Ce dernier facteur a notamment permis d'accumuler les retours d'expérience, et de réduire rapidement de 30% le prix unitaire des centrales.

La France en ordre dispersé
Les années 1980 ont signé la fin de cette période. La cohésion de la filière nucléaire française a perdu petit à petit de sa légitimité, sous le double impact de l'achèvement du parc nucléaire national et de la mise en place d'une industrie tournée vers l'exportation. Ce fut le cas notamment de Framatome, puis d'Areva. Le CEA s'est pour sa part diversifié vers les énergies nouvelles. Edf a quand à lui commencé à préparer le renouvellement du parc français. Les trois organismes se sont ainsi lentement éloignés. Or Mr Roussely a rappelé que « la spécificité de la filière nucléaire française dans le monde était le retour d'expérience de l'exploitant .On se banalise si on se base que sur le front des prix ou des caractéristiques de telles turbines ».

La filière française rate son entrée dans la mondialisation
La principale conséquence de la fin de cet âge d'or a été de laisser la filière sans stratégie clairement établie. Ces dysfonctionnements n'ont pas permis à la filière française d'anticiper les nouveaux défis internationaux du secteur. Pourtant, la première explication donnée par François Roussely à cette longue dérive est indépendante du contexte français. L'efficacité de la filière françaises reposait sur une maitrise de tous les secteurs d'activité, de l'ingénierie à l'exploitation. Aujourd'hui, Mr Roussely a révélé qu'Edf et Areva n'ont plus l'occasion de déployer ce savoir faire. Au projet en Jordanie succédera bientôt un projet en Afrique du Sud, ou au États-Unis. La différence des contextes et des cahiers des charges contraignent les acteurs français à présenter une offre chaque fois différente, et donc destinée à ne pas procurer de retour d'expérience.

La nécessité d'adapter une offre
La filière française a par contre péché sur plusieurs autres points, au premier rang desquels l'incapacité à proposer une offre adaptée. Aujourd'hui, la France ne peut proposer qu'un seul modèle de réacteur à l'exportation, l'EPR. Or, « la demande internationale est portée par des pays différents, avec des besoins différents », a rappelé Mr Roussely. Autre facteur aggravant, l'EPR devait servir à l'origine à préparer le remplacement du parc nucléaire français. Ce produit n'était pas destiné à être exporté. Le cout et la puissance de l'EPR ont ainsi été décidés en fonction des exigences de deux pays développés, la France et l'Allemagne, possédant déjà une expérience dans le domaine de l'ingénierie et de l'exploitation de centrales. Or la « renaissance » actuelle du nucléaire est portée avant tout par les nouveaux arrivants dans le nucléaire, Asie en tête. La sophistication de l'EPR apparait désormais très excessive pour ces pays.

La catastrophe de la perte du marché chinois
A rebours de la plupart des commentateurs, c'est la perte du marché chinois en 2005 qui a signé le véritable échec de la filière nucléaire pour François Roussely, et non pas l'échec d'Abu Dhabi. Petit retour sur un échec passé sous silence.

L'achèvement du programme électro-nucléaire français dans les années 1980 a signé la fin de l'âge d'or du nucléaire en France. La suite donnée à l'aventure nucléaire française est passée par la conception d'un nouveau réacteur, projet sur lequel se sont donc penchés ensemble la France et l'Allemagne. De son coté, l'ancêtre d'Areva a commencé à exporter les réacteurs français à l'étranger. C'est alors que la France se rend compte du quasi monopole que possédera Areva dans 40 ou 50 ans, lorsqu'il faudra renouveler le parc nucléaire français. L'État français décide de réagir, et « d'aider à la création d'une industrie à l'étranger [avec Edf] qui soit réceptive au mêmes caractéristiques que celles de la France, et qui ait dans son parc les mêmes centrales et les mêmes pratique et codes. L'objectif est d'assurer un minimum de challenge financier et industriel quand l'heure du renouvellement viendra, en attribuant 20% à 30% du renouvellement à Edf ». Dans cette recherche, un marché correspond à ces caractéristiques, la Chine. Ainsi, la France et la Chine entament un partenariat à partir de 1984. Or après des années d'échanges, la France perd un contrat majeur au profit du trio Westinghouse, Toshiba et Shaw, en 2005. Ce tournant, salué en France comme une victoire contre le pillage des technologies françaises, a porté un coup d'arrêt majeur à la stratégie de la filière nucléaire française.

Centralisation et stratégie à l'export préconisées par Mr Roussely
Pour redresser la filière, et mettre fin à la bataille des égos, les recommandations de François Roussely sont simples : la direction de la filière nucléaire doit être confiée à EDF, car « Edf est le seul à pouvoir être un intégrateur, un « plateformiste » comme on dit dans l'aéronautique, car l'électricien français est le seul à posséder une compétence dans l'ingénierie et l'exploitation ». Ce fait particularise Edf sur les marchés, face à des concurrents américains peu intégrés. Mr Roussely a rappellé qu'aux États-Unis, « sur les 105 réacteurs en fonctionnement, les 105 fonctionnent différemment ».

François Roussely a appelé également à la mise en place d'un comité ou d'un groupe capable d'identifier la demande étrangère, et de faire remonter la demande auprès des producteurs français. « Il est urgent d'avoir un instrument qui s'intéresse à la demande. Il faut une structure commerciale comparable à celle d'Airbus, car nous avons besoin de qualifier la demande », a préconisé Mr Roussely. A cet égard, la création d'un ministre de l'industrie et de l'énergie apparait urgente.

Les échecs répétés de la filière nucléaire française ont été brillamment analysés par Mr Roussely lors de cette rencontre. Pourtant, les propositions de l'ancien patron d'Edf ont souvent semblé inspiré par le passé glorieux de l'électricien français. Parmi ces recommandation, si une meilleure conduite de la politique industrielle française est apparu tombée sous le sens, peu de cas a été fait des velléités indépendantistes d'Areva, ni de la richesse potentielle de son rapprochement avec d'autres acteurs internationaux comme Mitsubishi.

samedi 9 octobre 2010

La Chine veut transformer le marché des énergies renouvelables en nouveau moteur de croissance.



Le 21 juillet, le gouvernement de Wen Jiabao a dévoilé un plan de soutien de 740 milliards de dollars aux énergies renouvelables.

Éolien, biomasse, nucléaire et voiture électrique sont désormais au cœur de la politique énergétique chinoise.

Conscient des risques environnementaux que fait courir l'actuel modèle énergivore chinois, le pays espère bien se servir de cette transition énergétique pour faire monter en gamme son économie.

Un modèle particulièrement énergivore
La place de premier consommateur mondial d'énergie devait échoir à la Chine en 2012, selon l'IEA. La Chine a encore surpris tout le monde. En juillet 2010, la Chine consommait déjà 4% de TEP (tonne équivalent pétrole) de plus que les États Unis.

Conscient des faiblesses que ce record laissait apparaître, la Chine a nié en bloc sa performance.

Comment convaincre de son engagement environnemental avec un tel record ?

Le gouvernement veut refroidir sa consommation d'énergie
Pourtant la volonté est réelle. Sur le long terme, la Chine sait bien que son modèle énergétique est intenable :

Intenable sur la durée, car raréfaction annoncée des ressources pétrolières,

Intenable écologiquement, avec une pollution urbaine devenue dangereuse,

Et intenable politiquement, la Chine étant de plus en plus dépendante de ses importations (+114% pour le charbon sur les 5 premiers mois de l'année)

L'objectif est donc d'arriver à un tiers d'électricité renouvelable d'ici 2020. Plus étonnant encore, la Chine s'en donne les moyens, sous les yeux médusés des européens.

La vision de long terme de la Chine
Économiquement, le gouvernement de veut pas rater la révolution technologique des énergies renouvelables. Ces énergies sont identifiées comme un formidable moteur de croissance.

Pour se faire, plusieurs décisions radicales ont été prises cette année : Assèchements des crédits aux industries polluantes et énergivores, tour de vis législatif contre ces industries, fermetures arbitraires d'usines...

Le plan de soutien chinois : Massif et ciblé
Dernier étape, le financement. La Chine s'est donnée les moyens de son ambition. C'est un véritable plan de relance écologique, version superpuissance (hyperpuissance ?), que la Chine a dévoilé en juillet.

Quatre cibles principales : L'éolien, la biomasse, la voiture électrique et le nucléaire.

Valoriser les champions nationaux
Tarifs préférentiels, achats des surplus, le gouvernement subventionne depuis longtemps ses industries nationales. Cette stratégie a déjà commencé à payer. La Chine compte parmi les leaders dans plusieurs secteurs, dont l'éolien et le solaire.

L'éolien
Devant les États Unis en terme de capacités, la Chine est également le premier producteur mondial de turbines.

Obtenue en à peine 4 ans, cette performance est principalement due aux trois constructeurs nationaux : « Sinovel », « Goldwind » et « Dongfang ». Ces trois compagnies figurent parmi les 10 premières entreprises mondiales du secteur.

4 ans pour l'éolien, combien d'année pour devenir leader dans le solaire ou la biomasse ?

La biomasse, l'interrogation
L'objectif du gouvernement chinois dans ce domaine reste incertain. D'abord destinées au marché local, ces technologies pourraient devenir essentielles dans le cadre de la toute nouvelle collaboration avec le Brésil.

La compagnie « China Biodiesel International », fortement orientée à l'international, et déjà boostée par la hausse des prix des biocarburants, profitera certainement du soutien gouvernemental.

Le solaire, déjà autonome
Moins en vue que les 4 secteurs cités, la Chine est déjà le leader mondial dans la construction de panneaux photovoltaïques. En 2009, 43% des panneaux solaires construits dans le monde provenaient de Chine.

Des trois leaders nationaux, « Suntech », « Baoding Yingli » et « Jingao », je conseillerais particulièrement de surveiller « Baoding Yingli », qui connait la plus forte croissance.

La voiture électrique chinoise
Le gouvernement déploie une activité sans pareille pour assurer son développement. L'objectif est d'atteindre 5% de voitures vertes d'ici 2013.

Pour se faire, l'État multiplie les aides : Primes à la casse, soutiens aux constructeurs, financements d'infrastructures...

Localement, les initiatives se multiplient. Après avoir annoncé la construction de 400 bornes de rechargement, Shanghai verse désormais une prime de 3000 dollars pour l'achat d'une hybride, et 7500 dollars pour l'achat d'une voiture électrique.

Les énergies renouvelables permettront de monter en gamme
La Chine semble bien décidé cette fois à attraper le wagon des hautes technologies.

L'objectif est de passer d'un modèle commercial fonctionnant sur des couts de production faibles et des technologies occidentales, à un modèle à haute valeur ajoutée technologique.

Terres Rares, le monopole chinois qui risque de le rester
Cette ambition environnementale s'est traduit par le resserrement des exportations chinoises de terres rares, métaux essentiels pour les technologies de l'éolien, du solaire et des voitures électriques.

La Chine détient 95% des réserves de Terres Rares dans le monde. Or le pays vient de réduire de 72% les quotas d'exportations...

lundi 21 juin 2010

Scramble sur l'uranium, la compétition s'intensifie (2)


Le marché de l'uranium est attendu à la hausse, c'est entendu. Cette tendance relancera la ruée vers l'uranium.

En 2008, alors que les cours culminaient, de nouveaux acteurs étaient apparus. « Start-up » de l'uranium, pays émergents ou électriciens étaient venus concurrencer les « cadres », c'est à dire les géants miniers BHP Billiton, Rio Tinto, Comeco ou Areva.

Aujourd'hui, le marché s'est considérablement transformé. Si les cours ont chuté, les lieux et les acteurs ont également évolué. Nombre de start up ont disparus. A l'inverse, conscient du rôle stratégique que l'atome jouera au XXIème siècle, les États n'hésitent plus à lancer leurs poulains dans la bataille. Ils commencent même à se constituer des stocks d'uranium, pour voir venir...

Examinons où les acteurs investissent désormais, et qui a les reins assez solides pour y investir. Bonus à la sortie garantie...

Des ressources démocratiquement réparties...
Le minerai est plutôt bien réparti géographiquement. L'OCDE possède 39% des réserves, les BRIC, avec l'Afrique du Sud, en possède 26%. Les 35% restant sont réparti en Afrique et en Asie Centrale.

...mais plus ou moins bien exploitables
Les nouvelles ressources sont d'abord plus couteuses à exploiter, du fait de l'explosion des couts d'exploitation d'une mines.

Ensuite, la géopolitique de l'uranium s'est complexifiée. Le Canada, l'Australie et le Kazakhstan constitue le trio de tête actuel des producteurs d'uranium. Mais les nouvelles ressources identifiées sont plus difficiles d'accès. L'Afrique, le bassin de l'Amazon au Brésil, et l'extrême orient russe constituent désormais la nouvelle frontière de l'uranium.

On regrette déjà le désert australien...

Essoufflement du trio de tête
Ces nouveaux lieux doivent assurer la relève des mines actuelles.

MacArthur River (Australie), Cigar Lake (Canada) et Akuta (Niger), les trois plus grandes mines au monde, seront épuisées d'ici 2025, ce qui implique une baisse des rendements bien avant.

L'avenir des centrales de demain se joue aujourd'hui
C'est ce constat qui a déclenché un véritable scramble sur les ressources encore inexploitées.

Malgré le cout plus élevé de l'exploitation, et les risques politiques chez ces nouveaux pays, les acteurs de l'atome n'hésitent pourtant plus à y investir...

Qui investit dans l'uranium ?
Précaution préalable : Le capital des minières de l'uranium est difficilement pénétrable, et c'est un euphémisme...

L'uranium, trop sérieux pour être laissé au privé
Les premiers investisseurs sont de plus en plus publics. Les Etatscontrôlent désormais d'une main de fer le capital de leurs sociétés spécialisées dans l'uranium. 6 des 10 plus grandes minières au monde sont publiques, au premier rang desquelles Areva, Kazaktoprom (Kazakhstan) et ARMZ (Russie).

Les minières privées sont sévèrement surveillées. A titre d'exemple, les investisseurs privés ne peuvent pas détenir plus de 15% des actions du groupe canadien Cameco, premier producteur mondial.

Dans la course à l'uranium , avantage à la Russie
Rosatom, à travers sa minière AMTZ, est sur tous les fronts depuis deux ans. Son patron, Sergueï Kirienko, à l'intention d'augmenter sa production de 11%, après une hausse de 25% en 2009. Sa stratégie : investir massivement à l'étranger.

Stratégie pour l'instant en réussite : AMTZ est particulièrement bien positionnée sur le marché Kazakhstanais et Namibien, où le groupe vient d'investir un milliard de dollars.

La société minière publique a également profité du carnets d'adresse de Moscou. Le groupe est aujourd'hui présent au Brésil et en Mongolie, détenteur respectivement de 5.1% et 5% des réserves mondiales d'uranium.

Quelles sont les lieux « hype » du moment ?
La valeur sure : Le Kazakhstan, THE place to be !
Devenu premier producteur mondial en 2010, le pays a besoin des technologies et des capitaux étrangers pour poursuivre son exploitation intensive de ses sous-sols. Areva, Cameco et Toshiba y ont déjà investit.

Le pari : La Namibie, porte ouverte aux étrangers.
Le pays possède 10% des réserves mondiales. Producteur d'uranium depuis peu de temps, le gouvernement a annoncé son intention d'augmenter la production d'un tiers dans les années à venir. Areva, Rio Tinto et ARMZ sont déjà positionnés.
Uranium : la hausse des prix inévitable sur fond de renaissance du nucléaire (1)


Avec 45 centrales en constructions, et 266 à l'étude, les entrepreneurs doivent pouvoir compter sur des réserves de combustibles disponibles.

Les minières l'ont bien compris, et se lance dans l'acquisition tous azimuts de minerai.

Ne vous laissez pas abuser par les cours actuel de l'uranium. Les bourses yoyotent, les sociétés doutent, les États font faillite...mais une fois l'horizon économique dégagé, et les États recrédibilisés, les cours repartirons à la hausse.

Premier volet de cet Edito sur l'uranium : Hausse des prix, seule moyen de combler le déficit de production

Le nucléaire, l'énergie du XXIème siècle
Le nucléaire apporte des solutions efficaces à plusieurs problématiques modernes :

Réchauffement climatique : Le nucléaire est un instrument indispensable dans les politiques de lutte contre le réchauffement climatique. L'objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 est visé, indépendamment les uns des autres d'ailleurs, par les États-Unis, l'Union Européenne, et la Chine.

Énergie bon marché : Critère déterminant pour les émergents. Malgré l'investissement de départ, le nucléaire reste économique : Le kWh nucléaire coute 1.76$, contre 2.47$ pour le charbon et 6.28$ pour le gaz.

Réduire et diversifier ses importations énergétiques : Question brulante pour la Chine, qui est dépendante à plus de 50% du pétrole étranger, et qui a vu ses importations de charbon doubler en un an. Gardons à l'esprit qu'une livre de yellowcake (premier stade du traitement de l'uranium) produit l'énergie de 31 barils de pétrole, ou de 10 tonnes de charbon.

Les cours pataugent
Les cours de l'uranium tardent à repartir à la hausse. On vous l'a annoncé, claironné, l'uranium va partir à la hausse !.....et puis rien. Pire, le cours est passé de 45$ la livre à 41$ en 6 mois ! Les contrats à long terme se maintiennent autour de 60$.

Une explication : Le Kazakhstan. L'année dernière, le pays a augmenté sa production de 63%, ce qui a contribué à noyer le marché. Avec 24% de la production mondiale, le pays est alors devenu le premier producteur d'uranium.

Deux raisons de croire à un rebond des cours : La stratégie kazakh n'est pas durable. Sa production n'augmentera que de 30% cette année.

Le deuxième point est plus structurel : L'offre mondiale va avoir de plus en plus de mal à répondre aux besoins des émergents.

C'est le moment de rentrer sur le marché.

Essoufflement de la production actuelle
La consommation actuelle est de 168 millions de livres. La production primaire, déjà à la peine, ne représente que 2/3 des besoins. Prévu pour passer de 107 à 115 millions de livres en 2011, le rendements des mines devraient commencer à baisser d'ici quelques années. Après une hausse de 12% en 2009, la production devrait progresser de seulement 4% en 2010.

Coté réserves secondaires, qui assure 1/3 du marché, les perspectives ne sont pas plus optimistes. Moscou a annoncé la fin de son programme de désarment « Megatons to Megawatts » en 2013. Ce programme fournissait autour de 13% de la production mondiale.

En parallèle, le nucléaire séduit de plus en plus
Les projets de réacteurs se multiplient. Actuellement 436 centrales sont en fonctionnement. Ce nombre devrait augmenter de 35% au regard des projets en cours.

En conséquence, 59 millions de livres devront être produites annuellement sur 10 ans pour répondre à l'augmentation de la demande !

Pas de « Peak Uranium » à l'horizon
Tordons le cou à la théorie du « Peak » dans l'uranium. Les ressources existent, et en abondance !

En 2007, la demande en uranium était de 70 000 tonnes. Selon le Commissariat à l'Énergie Atomique, les réserves globales exploitables sont estimé à 5.5 millions de tonnes. Les ressources non-découvertes ou présumées sont estimées à 10.5 tonnes.

Donc tout est affaire de prix. Et aujourd'hui, force est de constater qu'ils lambinent encore à 40$ l'once.

Hausse des prix, unique solution devant la pénurie
Une augmentation des prix, pour cohérente qu'elle soit, est surtout obligatoire. Cette augmentation apparaît comme la seule façon de rendre leur rentabilité aux mines, et ainsi de combler le déficit mondial d'offre en minerai à moyen terme.

Le Hedge Fund canadien « Salida Capital » table sur l'once d'uranium à 100$, lorsque que le marché secondaire de l'uranium sera asséché.

2013, c'est demain.

samedi 1 mai 2010

L’OPEP du gaz à la rescousse du natty

Enrayer la chute des prix sur le natty, le marché gazier, voici ce que l’on pouvait lire sur toutes les lèvres lors de la tenue du Forum des pays exportateurs de gaz.

Surnomé l’OPEP du gaz, le FPEG a réuni lundi 19 avril, à Oran, des producteurs inquiets face à la chute des cours du gaz depuis 2 ans.

Les cours du gaz touchent le fond, et creusent encore !
La consommation mondiale de gaz en 2009 s’est contracté de 5% selon Cedigaz, principalement en Europe et en Asie. Cette baisse a amené les prix du gaz à ramper à 4$ million de BTU (British Thermal unit) en mars dernier.

Tuons dans l’œuf tout optimisme : La fin de la crise ne fera pas rebondir les cours. Vous voulez savoir pourquoi ?

Avec 0.9% de croissance prévue en Europe en 2010, et 1.8% au Japon, deux des plus gros consommateurs de gaz, la croissance du marché devrait péniblement atteindre 1% ou 1.5%.

La Chine, habituelle pourvoyeuse de bonnes nouvelles économiques, n’a pas l’intention de jouer encore une fois les locomotives de la demande. Le pays a misé essentiellement sur le charbon et les énergies renouvelables. Le gaz ne devrait pas excéder 10% de son mix énergétique.

Demande anémique et offre excédentaire, la recette d’une bulle gazière
Bien sur, la crise a contribué à faire chuter les cours, qui caracolaient à 13$ le million de BTU en 2008. Pourtant, elle n’est pas la seule responsable. Un autre facteur l’a aidé à noyer le marché : Les gaz non-conventionnels.

La production de gaz non conventionnel aux Etats Unis compte désormais pour un tiers de la production actuellement, et pourrait atteindre 60% en 2030. Grâce à la flexibilité du marché américain, ce offre supplémentaire s’est tout de suite répercuté sur les marchés spot : Le prix du gaz sur le Henry Hub est actuellement de 50% inférieur au prix des contrats à long terme !

L’homogénéisation des marchés, pour le meilleur et pour le pire
Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) a rendu le marché plus liquide, en abolissant la segmentation géographique du marché du gaz. La mauvaise nouvelle, c’est qu’en période de surcapacité, tout le monde trinque.

90 GM3 de GNL seront excédentaire en 2010 et 2011. Ils devrait se déverser sur les marchés d’Amérique du sud et d’Asie, contribuant à leur tour à faire chuter les prix sur ces marchés.

Le Dogme de l’indexation remis en cause
La chute des prix ont donné aux consommateurs l’occasion de critiquer le sacro-saint mode de calcul des prix du gaz : l’indexation sur les prix du pétrole.

Acheter son gaz à prix d’or, autour de 7-8$, quand de l’autre coté de la rue, il est bradé à 4$ sur les marchés spot, évidemment, c’est agaçant…

L’idée serait d’introduire davantage de flexibilité en prenant plus en compte ce qu’il se passe sur les marchés spot.

Devant les premières concessions lâchées par plusieurs compagnies, notamment Statoil et Gazprom, les pays producteurs ont décidé de se concerter sur les moyens d’enrayer la chute des cours.

L’OPEP du gaz, un projet prématuré
Reproduire la structure de l’OPEP pour contrôler le marché gazier en voie d’homogénéisation, l’idée semble judicieuse. Mais pour l’instant, le marché gazier est encore trop divisé :

L’OPEP, c’est l’association d’un « swing producer », l’Arabie Saoudite, avec les producteurs d’un même produit standardisé, vendu aux quatre coins du monde. La FPEG, pour l’instant, n’a ni patron, ni marché homogène, ni produit homogène.

La Russie possède les réserves les plus importantes, mais son marché est rigidifié par les gazoducs. Le Qatar semble engagé dans une stratégie court-termiste de gain de parts de marché, sans souci excessif de la rentabilité. L’Iran et l’Algérie sont trop faibles économiquement et politiquement pour pouvoir agir seuls.

Revenir aux fondamentaux
En attendant qu’un stratégie commune se dégage, les pays producteurs se sont prononcés unanimement pour un maintien de l’indexation du gaz sur les cours du pétrole, seul moyen d’atteindre un prix « juste ».

Chakib Khelil, le ministre algérien de l’énergie et des mines, a estimé qu’une parité de « 1 à 6 » avec le pétrole serait normale. Un tel calcul amènerait le MBTU à 13-14$.

Vers un G2 du gaz ?
L’avenir du gaz se jouera autour de la Russie et du Qatar. Les deux pays ont déjà commencé à se rapprocher, en lançant en mars dernier un projet de « commission de coopération » bilatérale. Premier pas vers un condominium gazier ?

Je vois deux raisons crédibles à sa réalisation :

1. Le GNL devrait se développer rapidement, grâce à sa flexibilité et sa meilleure couverture des risques financiers. Le Qatar, possédant les troisième réserves mondiales de gaz, et une importante flotte de méthaniers, sera donc bientôt capable d’inonder les marchés. Seule l’Europe et les Etats unis lui échapperont.

2. La Russie pourrait laisser le Qatar s’imposer comme le « swing producer », en échange d’une non intervention sur le marché européen, où les capacités GNL sont encore très faibles.

mardi 20 avril 2010

La Russie se pose en acteur incontournable du nucléaire mondial


Dans un précédent article, j’avais souligné la vitalité du nucléaire russe. Bien organisé, tourné vers l’exportation, les centrales russes avaient réussi à pénétrer plusieurs marchés étrangers. Il est un autre marché sur lequel le Kremlin est en passe de s’imposer, le marché de l’uranium.

Depuis le début de la réorganisation de la filière nucléaire russe, en 2005, Rosatom a multiplié les partenariats à l’étranger. Le géant de l’atome a également développé ses capacités et ses technologies d’enrichissement. Cette stratégie pourrait à l’avenir permettre à la Russie de profiter de l’envolée prévue des cours de l’uranium, et des besoins en combustibles des marchés émergents.

En parallèle, ce positionnement sur un secteur particulièrement sensible, touchant à la fois aux problématiques énergétiques et de prolifération nucléaire, pourrait donner à Moscou une visibilité et une responsabilité nouvelle sur la scène internationale.

Le marché de l'uranium en forme de U
L’activisme russe dans ce secteur est justifié par les prévisions à la hausse du prix de l’uranium dans les prochaines années. Actuellement à un niveau justifiant à peine son exploitation, autour de 40 dollars la livre, deux facteurs devraient tirer à la hausse le cours du minerai : l’augmentation de la demande mondiale d’énergie nucléaire et la raréfaction des mines facilement exploitables.

La demande sur le marché de l’uranium excède actuellement l’offre. En 2009, les mines produisaient 108 millions de livre, pour une consommation de 170 millions. L'écart était comblé par la reconversion des armes nucléaires russes, dont le plutonium était utilisé à des fins civiles. Mais la demande devrait augmenter de 67%, pour atteindre 284 millions de livres 2030, selon la « World Nuclear Association ».



Le principal obstacle demeure l’exploitation de nouvelles ressources d’uranium. Les mines les plus facilement exploitables ont déjà été mises en service. De nouvelles capacités demanderont davantage d’investissements, pour des rendements parfois équivalents. Le prix de l’uranium sera ainsi considérablement réévalué. Déjà, le prix de l'uranium négocié sur des contrats de long terme dépasse les 60 dollars.

La stratégie « Nespresso » de Rosatom
Conceptualisée par Anne Lauvergeon, la stratégie « Nespresso » adoptée par Rosatom, le conglomérat public du nucléaire russe, consiste à accompagner l’offre de centrale d’une offre de combustible. En s’imposant sur le marché des centrales, Moscou s’impose ainsi mécaniquement sur le marché de l’uranium, qui demeure une activité bien plus lucrative.

C’est cet intérêt bien compris qui a amené Sergueï Kirienko, le patron de Rosatom, a développer l’offre russe dans le combustible. En 2007, le parlement russe a adopté la loi de « développement du complexe industriel énergétique nucléaire pour les années 2007-2010 et jusqu'à 2015 ». Cette loi a tout d’abord permis de développer le potentiel minier russe, afin de renforcer l’autosuffisance du secteur à hauteur de 70% d’ici 2015 (20% actuellement). Dans un deuxième temps, Rosatom s’est vu attribuer un budget conséquent afin d’acquérir à l’étranger des actifs miniers, et d’accroître ses réserves de matières premières.

Rosatom renforce la concentration du marché
Afin d’accroître ses réserves, Rosatom a misé sur les partenariats étrangers. Dans cette optique, Atomredmetzoloto, la société chargée de l’extraction au sein de Rosatom, et Techsnabexport, la société chargée des exportations, ont reçu 457 millions d’euros de l’Etat en 2009. En toute logique, les sociétés se sont tournés vers les trois premiers pays producteurs d’uranium.

Au Kazakhstan, qui dispose de 15% des réserves mondiales d’uranium, Rosatom a établi une joint venture avec Kazatomprom chargée d’exploiter les mines d’uranium kazakhstanaises. Au Canada, qui produit 50% de l’uranium mondial, Rosatom a signé un accord de coopération avec le sociétés canadiennes « Comeco » en 2007 et « Uranium One » en 2009. En Australie, qui produit 30% de l’uranium dans le monde, le gouvernement a autorisé ce mois-ci les sociétés minières australiennes a vendre de l’uranium à la Russie, en vertu d’un accord signé en 2007 par Vladimir Poutine et John Howard, le premier ministre australien de l’époque.

Angarsk, le grenier de l’atome
L’acquisition de grandes quantités de minerai est destinée à servir les capacités d’enrichissement d’uranium du pays, dont Moscou maîtrise les technologies. Moscou dispose déjà de 40 % de parts de marché de l’enrichissement dans le monde. Le pays est également responsable de 17% des livraisons de combustibles dans le monde, chiffre qu’il entend porter à 25% en 2030.

Afin de renforcer son rôle dans ce secteur, Moscou a annoncé en mars dernier la constitution d’un stock stratégique d’uranium à Angarsk, sous contrôle de l’AIEA. Cette « première banque de combustible » nucléaire, selon Sergueï Kirienko, devrait être consituté de 120 tonnes de combustible, permettant de faire fonctionner deux réacteurs classiques de 1000 mégawatts. L’ambition de ce projet est de répondre à la demande des pays émergents désireux de se lancer dans le nucléaire.

Le nucléaire, vecteur de l’influence russe sur la scène internationale
La stratégie poursuivie par Moscou s’apparente bien à une volonté de peser sur le secteur nucléaire à l’international. En prenant possession d’un grand nombres d’actifs miniers à travers le monde, Moscou se pose désormais en maillon essentiel de la filière du nucléaire civil, dans une optique du redémarrage international de la filière.

Mais au de-là d’un leadership économique, la stratégie suivie entend surtout procurer au Kremlin une visibilité internationale. L’implication russe dans le dossier iranien en a témoigner. En début d’année, Moscou a proposé à Téhéran d’utiliser ses stocks d’uranium d’Angarsk afin d’alimenter les centrales iraniennes. Cette stratégie a permis à Moscou de se poser, conformément à ses ambitions de puissance, comme un pont entre le monde musulman et l’occident.

Ainsi, la filière nucléaire revêt une importance stratégique pour le pouvoir. Son instrumentalisation pourrait à l'avenir servir la quête de puissance sur la scène internationale.

jeudi 1 avril 2010

Moscou, à l’assaut des marchés de l’atome


Depuis plusieurs années, l’énergie nucléaire s’impose, par raison ou par choix, comme une énergie d’avenir dans le futur bouquet énergétique mondiale. La Russie, fruit de son glorieux passé soviétique, possède de formidables compétences techniques dans le secteur du nucléaire civile. Le pays peut également s’appuyer sur les septièmes réserves d’uranium dans le monde.

Fort de ces atouts, Rosatom, l’équivalent russe d’Areva, pourrait s’imposer très vite comme un acteur international majeur sur le marché du nucléaire, estimé à 1000 milliards de dollars sur les 20 prochaines années. La stratégie initiée par le Kremlin témoigne de la conscience du potentiel russe.

Pour s’imposer comme un acteur majeur, Moscou devra être capable de conquérir des marchés en dehors de sa sphère d’influence traditionnelle. En particulier, Moscou devra être capable de proposer une offre adaptée aux marchés émergents, principalement asiatiques, qui tireront la demande mondiale d’énergie.

La construction d’un « champion national »
La santé retrouvée du nucléaire russe est due à la réorganisation de la filière opérée en 2008. En début d’année, Vladimir Poutine fusionne les différents acteurs du secteur afin de former ce que la France appellerait un « champion national » : Rosatom.

En concentrant toutes les activités de l’atome, de l’extraction au retraitement en passant par la construction de centrales, Rosatom atteint une taille internationale. La centralisation du secteur atomique procure ainsi à Moscou les leviers nécessaires pour conduire le développement de la société à l’étranger.

Afin d’alimenter la compagnie d’état, le gouvernement lance en parallèle le programme de renouvellement des centrales nucléaires russes. Actuellement responsable de la construction de 7 réacteurs, le nombre de projet concernera 26 nouveaux réacteurs au total, et permettra à Rosatom de bénéficier d’un marché captif en plein expansion.

La « sphère d’influence » russe
Moscou jouie d’une position de leader sur le marché de l’enrichissement d’uranium, avec 40% de parts. Cet atout stratégique s’est renforcé grâce à la coopération avec le Kazakhstan, qui permet désormais à la Russie d’avoir accès aux 3ème réserves mondiales d’uranium. Moscou a d’ailleurs décidé de constituer un stock d’uranium, en collaboration avec l’AIEA. Estimé à 120 tonnes, ce stock permettra à Moscou de peser sur le marché de l’enrichissement et des livraisons de combustible.

Pour l’instant, Rosatom est présent essentiellement dans la « sphère d’influence » traditionnelle russe. La société construit, ou doit construire, 2 réacteurs en Slovaquie, 2 en Bulgarie, et réhabiliter l’unique centrale d’Asie Centrale, au Kazakhstan. De même, Moscou est le principal fournisseur de combustible aux centrales de l’ancien bloc de l’Est. Rosatom s'est également impliqué dans des projets en Asie Centrale et en Turquie.

Anticiper l’émergence de l’Asie
Pourtant le kremlin nourrit de grandes ambitions. Moscou entend profiter de sa proximité géographique et politique avec les pays émergents pour conquérir 25% du marché du nucléaire mondial, contre 16% aujourd’hui. Cette ambition passera par la conquête des marchés asiatiques, qui devraient être responsable à 50% de la hausse de la consommation mondiale d’énergie primaire d’ici 2030.

La croissance de la consommation d’électricité en Chine en Inde a ouvert les perspectives les plus prometteuses. Ainsi, la Chine a programmé la construction de 60 réacteurs sur 10 ans. La Russie, impliquée actuellement dans la construction de 4 réacteurs, devrait obtenir entre 20% et 25% du marché chinois.

En Inde, la construction de 30 réacteurs est prévue. Bénéficiant de relations privilégiées avec ce pays, Moscou a signé récemment un projet de construction de 10 réacteurs. New Delhi s’est particulièrement réjouie d’avoir conclue un second accord avec Moscou assurant l’approvisionnement en combustible.

Enfin, Rosatom a conquis la quasi totalité du marché vietnamien, stratégie qui pourrait permettre au géant russe de prendre pied en Asie du sud est, notamment en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie.

Un leadership occidental déjà contesté
Ce retour de Moscou sur les marchés internationaux du nucléaire coïncide avec une période de retour en grâce du nucléaire. La croissance mondiale de la consommation d’énergie, et la fin annoncée des énergies fossiles d’ici 2050, ont en effet converti les plus réticents au nucléaire.

Pourtant, les opportunités offertes sur les marchés asiatiques pourraient rapidement se refermer. L’émergence d’une offre spécifiquement asiatique pourrait bientôt concurrencer les plus grandes entreprises occidentales, comme Rosatom, Areva ou Westinghouse. L’échec français à Abu Dhabi est apparu comme un premier avertissement.

Les Coréens avec Kepco, et bientôt les chinois avec CNNC et CGNPC, sont désormais capable de proposer une offre à moindre coût, et surtout mieux adaptée aux marchés émergents. Le salut de Rosatom, d’Areva ou de Toshiba, viendra de leurs capacités à adapter leur offre, en développant des technologiques de pointe tout en restant accessibles économiquement aux marchés émergents.

mardi 30 mars 2010

« Troisième paquet énergie » : La Commission Européenne multiplie les priorités énergétiques


La politique énergétique de l’Union Européenne a lancé un processus de libéralisation, amorcé dans les années 1980 en théorie, et appliqué à partir des années 1990. Après les directives de 1996 et 1998, puis de 2003, la libéralisation du secteur est rentrée dans sa troisième phase en 2009, avec l’adoption du « troisième paquet énergie».

Depuis l’adoption des deux premières directives, l’environnement européen et international a considérablement changé depuis 1990. La crise économique, ainsi que les résultats mitigés de la libéralisation, notamment concernant la baisse des prix du kWh, ont incité la Commission a modifier sa stratégie.

Ainsi le troisième paquet introduit deux nouvelles priorités : la lutte contre le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements. Louables en soit, la Commission devra cependant faire preuve d’habilité pour surmonter deux obstacles. D’une part, la Commission devra résoudre les contradictions potentielles de ces objectifs entre eux, et contenir l’influence des grands groupes énergétiques européens, favorables à une plus grande liberté sur les marchés.

Les invariances de la politique énergétique européenne
Malgré la crise économique et les demi-succès de sa politique, le principe du troisième paquet perpétue la politique anti-trust, censée conduire à la création d’un marché unique de l’énergie.

Le paquet accroît ainsi la séparation des activités du secteur (« unbundling »), en insistant sur la séparation entre les activités de gestion de réseaux et les activités de production et de distribution. Cette politique s’est accompagnée de mesures visant à intensifier les échanges intra-européens, et à développer les infrastructures communautaires.

La Commission a mis en avant le nivellement des réglementations techniques et l’homogénéisation de l’accès à l’énergie, afin de faciliter les échanges. Sur le plan des infrastructures, le président Barosso a lancé des pistes pour la construction d’un « nouveau super réseau européen de l’électricité et du gaz » sur le type des « smart grid » américains.

La politique énergétique, pilier de la politique climatique
Intégrée très vite dans les priorités de la Commission, la thématique environnementale tend aujourd’hui à être de plus en plus intégrée à la politique énergétique, et à se substituer à la théorie libérale comme principal justificatif de la libéralisation. Accessoirement, ce transfert permet de redonner une plus grande légitimité à la Commission.

Le volet énergétique de la politique climatique est particulièrement contraignant. D’ici à 2020, la commission s’est fixée l’objectif des 20-20-20 (- 20 % d’émissions de gaz à effet de serre, + 20% d’efficacité énergétique, 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie). Ces objectifs auront un impact direct sur le mix énergétique européen et sur le réseau énergétique.

Sur le mix énergétique, la Commission a décidé de subventionner les énergies renouvelables. Cette mesure permet d’équilibrer la rentabilité de certaines énergies « vertes », avec celle du charbon par exemple.

La nécessité de privilégier les énergies vertes devrait également conduire les acteurs européens à financer de nouveaux réseaux, reliant de nouveaux territoires, à l’instar des batteries de panneaux solaires dans le Sahara, ou d’éoliennes dans la Mer du Nord.

La sécurité énergétique, avec et contre qui ?
La sécurité énergétique est le dernier volet de la politique énergétique. A la fois pour répondre à la menace des « guerres du gaz » entre la Russie et l’Ukraine, et aux coupures d’électricité que plusieurs pays européens ont connus, notamment l’Italie en 2003 et l’Allemagne en 2006, le concept a été introduit dans le troisième paquet.

Ces préoccupations sont compatibles avec certains objectifs écologiques. Ainsi, les investissements dans les énergies renouvelables permettront de réduire la dépendance énergétique de l’Union. De même, l’investissement dans les « smart grid » renforceront la solidité de ces réseaux. Pourtant, certaines orientations risquent d’opposer sécurité et environnement.

Le dilemme de la « Trinité énergétique »
Le choix de ces trois objectifs pose un problème en terme de cohérence. Comme le souligne Thomas Veyrenc, dans son rapport sur la politique énergétique européenne, il est « impossibilité d’agir de manière symétrique sur les trois leviers ».

La volonté de réduire l’utilisation du charbon dans le mix énergétique européen ne pourra pas être compensée directement par les énergies renouvelables. Cette réduction sera certainement compensée par un plus grande utilisation du gaz. Or le principal fournisseur de gaz demeure la Russie. Ainsi, le choix environnemental pourrait se faire au détriment de la sécurité européenne.

La Commission, un gouvernement sans pouvoir
Le principal problème de la Commission est sont manque de pouvoir. En particulier, la commission reste faible financièrement pour soutenir les grands projets d’infrastructures, et faible politiquement dans ses relations extérieures.

Ces faiblesses ont permis à plusieurs pays, notamment propriétaires de grands groupes, de mener des politiques unilatérale. Ainsi, en traitant directement avec Moscou de leurs approvisionnements en gaz, la France et l’Allemagne ont empêché la Commission de proposer un projet de partenariat extérieur crédible.

Mr Oettinger, trop proche des grands groupes ?
De manière plus profonde, la récente nomination de Mr Oettinger à la tête de la Commission Energie marque peut être une inflexion de la politique énergétique européenne. Partisan de la libéralisation, Mr Oettinger est pourtant soupçonnée d’être proche des grands groupes allemands, tel que E.ON et RWE.

Dans un contexte de retour de l’Etat dans la politique, et d’échec relatif de la libéralisation, les grands pays européens pourraient effectivement choisir de préserver les structures de leurs grands groupes, d’une part pour défendre leur champions nationaux, et d’autre part pour leur permettre d’affronter la concurrence sur la scène internationale.

jeudi 25 mars 2010

Politique énergétique chinoise : L’heure des choix

Dans son ascension économique foudroyante, la Chine s’appuie sur une consommation énergétique gigantesque. Aidée par de considérables ressources charbonnières, la Chine a jusque là pu fournir à son industrie une énergie bon marché et en quantité, tout en préservant son autonomie énergétique.

Pourtant, la faible efficacité énergétique de cette ressource, couplée à une augmentation sans cesse croissante de la demande de l’industrie et des ménages, devraient mettre à mal dans les années à venir les choix énergétiques hérités des années 1950.

La recherche de l’indépendance énergétique
L’origine de l’attachement de la Chine à son indépendance énergétique est à rechercher dans son enfance communiste. Fidèle aux principes du communisme soviétique, auxquels la Chine était encore attachée au début des années 1950, le premier plan quinquennal imposa l’industrie lourde au centre de l’économie, tout en prônant l’indépendance énergétique. Le charbon, dont la Chine dispose des troisièmes réserves mondiales, permit de réaliser les plans de développement économique de Pékin.

Au tournant des années 1970, la Chine s’intéressa un temps à l’exploration pétrolière. Mais le plafonnement rapide de sa production, ainsi que la crainte d’une présence étrangère dans un secteur stratégique, fit rapidement abandonner toute velléité de diversification.

Aujourd’hui, le Charbon compte encore pour 70% des approvisionnements en énergie primaire, dont 70% sont consommés par l’industrie, bien que les importations de pétrole augmentent de façon croissante.

Un élément clef du modèle économique chinois
La grande domination du charbon sur l’énergie chinoise s’explique par le choix d’un modèle économique tourné vers l'exportation.

Grâce à la compétitivité du charbon, renforcée par les barrières posées à l’entrée des marchés pétroliers et gaziers, l’industrie a bénéficié jusqu’ici d’une énergie bon marché, lui permettant de gagner en compétitivité sur les marchés internationaux.

Au total, 40% de l’énergie consommée en Chine est utilisée pour exporter. Cette corrélation entre charbon et exportations se vérifie d’ailleurs dans la proximité respective de leur taux de croissance, 10% pour l’économie entre 2000 et 2007, 9.7% pour le charbon sur la même période.

Un modèle devenu insoutenable
Dans une période où les médias égrainent au fil des jours les nouveaux secteurs où la Chine est devenue leader, une analyse à long terme des perspectives de croissance de l’économie chinoise rend pourtant ce modèle énergétique non viable.

Face à l’augmentation sans cesse croissante de la consommation énergétique, la production de charbon s’avérera insuffisante dans les années à venir. Cette évolution risque d’entraîner de profonds bouleversements, qui affecteront autant l’industrie que la société dans son ensemble.

Le pays devra avant tout être capable de mettre en place des mécanismes de marchés lui permettant de s’approvisionner sur les marchés mondiaux. A titre d’exemple, l’abandon de la politique de subvention et de quotas à l’énergie, devrait permettre au gaz de redevenir compétitif face au charbon.

La Chine devra également être capable d’apporter une réponse aux déséquilibres économiques et sociaux qu’une libéralisation des prix de l’énergie entraînera chez les entreprises et les ménages.

Une politique énergétique, miroir des défis chinois
Une telle évolution constitue un profond bouleversement pour un pays qui a construit sa politique énergétique sur la double logique de l’ouverture et de l’autosuffisance énergétique. De manière plus large, l’abandon de la sacro-sainte autonomie énergétique obligera Pékin a assumer les responsabilités d’une puissance majeure sur la scène internationale. Ce n’est qu’à ce titre que la Chine pourra se hisser au rang de grande puissance.

A titre d’exemple, en freinant l’ouverture du marché du gaz, la Chine continue de sécuriser ses approvisionnements énergétiques. Pourtant, cette politique ralentit les transferts de technologies que des investissements étrangers apporteraient, et paradoxalement, accroît la vulnérabilité de son économie en ne permettant pas de réduire l’intensité énergétique de son industrie.

Sur un autre échelle, l’inflexibilité chinoise à Copenhague, ou sur le dossier iranien, protège son modèle économique énergétivore, mais hypothèque ses chances de voir les positions américaines ou européennes s’adoucir sur d’autres dossiers, comme Taiwan ou le Tibet.

La question énergétique chinoise pointe ainsi du doigt une question essentielle : La Chine sera t’elle capable d’adapter ses politiques aux exigences qui incombent à une grande puissance en devenir ?

La réponse sera partiellement donnée lorsque la Chine aura mis en place un mix énergétique durable. A ce titre, les récents investissements de la Chine dans le nucléaire et dans l’énergie éolienne pourraient prolonger cette période de relative autonomie énergétique, et repousser ainsi l’inflexion de la politique chinoise sur la scène internationale.

jeudi 18 mars 2010

La France regarde enfin vers l’Est

La France, à travers les célébrations de l’année de la Russie en 2010, essaie de rattraper son retard sur ses partenaires européens. Sur les ruines d’une hypothétique politique énergétique européenne, plusieurs pays européens avaient commencé à mener des politiques énergétiques unilatérales.

Longtemps demeurée à l’écart de ce mouvement, la France s’emploie désormais à concurrencer ces pays sur le thème du partenariat stratégique avec le grand voisin de l’est. La percée des fleurons énergétiques français, au premier rang desquels GDF Suez, Total et EDF, a ouvert la voie à ce rapprochement. Désormais, la tache de M Sarkozy est de gommer l’image rugueuse de la Russie, et sceller le rapprochement russo-européen.

De l’atlantique à l’Oural, la "maison commune" sur les rails
Les certitudes gaulliennes sur une Russie partenaire naturelle de l’Europe ont commencé à s’imposer, tant le centre de gravité de l’Europe semble s’être (à nouveau) déplacé vers l’Est depuis 10 ans.

Mais si la France regarde depuis peu vers l’Oural plutôt que vers les Rocheuses, elle apparaît encore loin derrière d’autres acteurs européens, tel l’Allemagne et l’Italie, plus prompt à saisir les modifications des équilibres au sein du continent européen.

La France à contre-temps
En 2007, les accents droits-de-l’hommiste de la diplomatie française, conjugués à l’atlantisme patenté de Nicolas Sarkozy, avaient suffit à geler les relations du quai d’Orsay avec le Kremlin, et à laisser les fruits du rapprochement aux pays voisins.

Ainsi, au début des années 2000, le groupe allemand E.ON et Gazprom s’entendaient pour construire le gazoduc Nord Stream, destiné à approvisionner l’Europe du nord-ouest en gaz, tout en contournant les pays de transit par la Mer Baltique.

En 2007, ENI, la compagnie énergétique italienne, s’associait avec Gazprom pour construire South Stream, un autre gazoduc construit pour approvisionner l’Europe en gaz.

Enfin, en 2009, Siemens signifiait abruptement la fin de sa collaboration avec Areva, pour se tourner vers Atomenergoprom, l’équivalent russe d’Areva.

Enfin EDF vint…
Depuis un an, la France a procédé à son « aggiornamento » diplomatique. Au cœur de ce renouveau, l’année Franco-Russe, célébrée aussi bien à l’Hermitage qu’au Louvre. Ce pragmatisme, a eu l’avantage de replacer la France au centre de la compétition européenne.

2009 a marqué le retour des grands groupes français. En novembre, lors de la visite de Vladimir Poutine, EDF obtenait la signature d’un accord cadre, lui octroyant 10% dans le projet de gazoduc South Stream, et laissait envisager un partenariat avec Inter RAO UES, le plus important électricien russe. Début mars, la visite de Medvedev à Paris satisfaisait les appétits d’un autre leader énergétique tricolore, GDF Suez, en lui permettant d’acquérir 9% du projet Nord Stream.

La coopération nucléaire était également fortement encouragée. Stratégie soutenue par François Roussely, l'ancien président d'EDF, à qui Nicolas Sarkozy a confié une mission sur l'avenir de la filière nucléaire, EDF annonçait début mars un projet d’accord avec Rosatom.

Aux coté de l'énergie, la France a également renforcé ses liens économiques grâce à la vente probable de quatre vaisseaux BPC de type Mistral à la Russie. De même, des partenariats ont été créé entre Alstom avec Transmashholding (TMH), ou entre Renault avec Lada.

Une puissance régionale
Ce rapprochement en fanfare ne doit pourtant rien à une récente découverte d’Alla Pugacheva par Nicolas Sarkozy, mais bien à un calcul économico-politique. La France a renforcé sa collaboration avec la Russie, car le pays-continent possède de sérieux leviers économiques et géopolitiques en Eurasie.

En Europe, la Russie, principale fournisseuse d’énergie, n’en est pas moins un partenaire économique majeur. Actuellement troisième partenaire commercial de l’Union Européenne, le potentiel du marché russe, notamment en ce qui concerne les hautes technologies, suscite des intérêts extrêmement forts.

Sur la scène internationale, la Russie demeure un acteur incontournable, tant dans le dossier afghan, grâce à ses liens historiques avec l’Inde et l’Asie Centrale, que sur le dossier iranien, et sa collaboration au programme nucléaire. Enfin, trop souvent ignoré, les récentes vagues d’immigrés russes vers Israël ont procuré à la Russie un levier important sur la politique de ce pays.

Une fenêtre d’opportunité
La construction d’une relation solide entre les européens et la Russie doit s’opérer tout de suite, car une fenêtre d’opportunité s’est récemment ouverte.

Tout d’abord, la fin des turpitudes européennes autour du Traité de Lisbonne permet désormais aux dirigeants de regarder au de-là de leurs frontières. La Russie, qui ne demande qu’à être considéré, serait probablement flattée d’être enfin traitée comme un partenaire stratégique éssentiel, ce qu’elle est par ailleurs.

Surtout, les européens devraient profiter de l’espace laissé vacant par Barack Obama. Absorbé par sa réforme de la politique de santé et sur l’Afghanistan, le président américain a offert aux européens l’opportunité de proposer un partenariat à la Russie, incluant aussi bien les questions de sécurité européenne que de collaboration économique.

vendredi 12 mars 2010

L'interdépendance énergétique remise en cause : la fin de la Pax Sovietica
Le cas de l’électricité en Asie centrale.

Si l’effondrement de l’URSS a entraîné dans sa chute l’idéal communiste, 1991 a également signifié la disparition d’un autre idéal léniniste, l’électrification du territoire. En effet, comme le proclamait le leader de la Révolution d’Octobre, le communisme se définit par « les Soviets, plus l’électricité ».

Or en 1991, l’effondrement signe la fin de l’architecture électrique soviétique. Nationalisme et quête d’identité pour les nouvelles Républiques se conjuguent pour célébrer l’indépendance retrouvée. Cet enthousiasme se heurta pourtant très vite à une réalité matérielles : Les pays étaient toujours reliés les uns des autres par des câbles électriques.

Souvent de manière autoritaire, le pouvoir soviétique avait pourtant réussit à créer des réseaux régionaux efficaces. En Asie Centrale en particulier, la structure de cette industrie permettait d’une part d’alimenter toutes les populations, et d’autres part de servir les ambitions économiques soviétiques dans la région.

L’Asie centrale et l’héritage de la guerre de sécession
En Asie centrale, la structuration du réseau électrique était une conséquence du choix de la mono-culture : le Coton. Historiquement, c’est pour palier la chute des importations de coton américain, les Etats Unis étant en plein guerre de sécession, que Moscou attribua à l’Asie centrale la charge de produire le coton pour ses filatures. Cette politique fut reprise et accentuée par les soviétiques, notamment lors du lancement en fanfare de la « Campagne des Terres Vierges » de Nikita Khrouchtchev.

Le coton demandant beaucoup d’eau, les importantes ressources hydrauliques de la région, situées dans les deux pays montagneux de la région, le Kirghizstan et le Tadjikistan, furent ainsi mises au service des pays de plaine producteurs de coton, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Moscou imposa ainsi aux « châteaux d’eau » de ne relâcher leur eau qu’au printemps, c’est à dire lors des périodes d’irrigation du coton.

Or bleu contre or noir
Les « châteaux d’eau » faisaient, et font toujours partis, des pays les plus pauvres de la CEI. Or leurs ressources hydrauliques étaient leur unique richesse, et leur seul moyen de produire de l’électricité en l’absence de ressources pétrolières et gazières.

Moscou imposa alors un troc, où l’Ouzbékistan et le Kazakhstan devaient fournir pétrole et gaz en hiver à ces deux pays, en contre partie de l’irrigation de leurs champs au printemps.

La révolte des « châteaux d’eau »
Or ce modèle se brisa en 1991, sous le double coup de la montée des nationalismes et du libéralisme économique.

Le Kirghizstan et le Tadjikistan prirent tout d’abord conscience que leur unique ressource demeurait largement sous-exploitée. L’hydroélectricité pouvait alimenter les industries et les foyers en hiver, tout en produisant des excédents destinés à être revendu, à la Russie, à la Chine ou l’Afghanistan. De toute façon, ces pays n’avaient pas les moyens de payer les importations d’hydrocarbures au prix du marché.

En conséquence, les pays de plaine, en particulier l’Ouzbékistan demeuré très dépendant de son coton, retrouvèrent à plusieurs reprise leur champs inondés en hiver. L’absence de coopération, en dépit de la création de plusieurs organisations intergouvernementales, exacerba les rancunes et les susceptibilités de ces nouveaux nés sur la scène internationale.

L’industrie électrique, victime de l’anarchie post-impérialiste
Si le conflit est en voie de règlement, notamment grâce à des projets d’infrastructures ménageant les intérêts de chacun, ce schéma s’est reproduit à diverses reprises depuis 1991. La question du transit du gaz ukrainien repose sur la même logique. Habitués à un système de troc, où intérêts politiques et économiques s’entremêlaient, les pays post-soviétiques eurent beaucoup de difficulté à établir des liens marchands entre eux.

On est tenté de comprendre la montée de ces tensions dans la CEI comme l’exemple typique du passage d’un système impérialiste stable, à l’anarchie d’une système multipolaire. Le « bandwagoning », pour reprendre une expression de Robert Gilpin, tel que le pratiquait les satellites soviétiques consistait à accepter un rôle économique peu profitable, pour eux ou pour la région (voir le destin de la Mer d’Aral), en contre partie d’autres avantages (fourniture de pétrole et de gaz, prestige politique).

1991 signa la fin de cette logique. 15 nouveaux Etats se mirent à rechercher désespérémment sécurité (énergétique notamment) et stabilité. Pour ce faire, les pays 'appuyèrent soit sur une politique de statu quo, conservant autoritarisme et centralisation soviétique, soit sur une politique national, parfois au mépris des solidarités régionales.

Dans cette optique, l’industrie électrique d’Asie Centrale est un bon témoin des contradictions rencontrées par les pays post-soviétiques, et de leur difficultés rencontrées à mettre en place des politiques nationales qui prennent en compte les ambitions nationales et l'héritage soviétique.

mardi 9 mars 2010

Turkménistan : La fin de l’isolationnisme



Le Turkménistan, peut être le pays le plus opaque d’Asie Centrale, est il en train de normaliser sa situation sur la scène internationale ? Le pays semble effectivement regarder au de-là de ses frontières, et accepter de jouer le jeu de la diplomatie, sous l’impulsion du nouvel homme fort du pays, Gurbanguly Berdimuhamedov.

Plus habitué à animer les rubriques folkloriques des pages « international » de nos magazines, le Turkménistan pourrait à l’avenir apparaître dans plusieurs autres rubriques, au premier rang desquelles la diplomatie régionale et la bataille de l’énergie.

Un pays Ermite
Au sortir de l’indépendance, le tout puissant président Niyazov, « Turkmenbashi » selon sa propre dénomination (Père des Turcs), avait choisit d’isoler son pays du reste du monde. Le pays acquit le statut de neutralité, et réussit à passer pratiquement inaperçu tout au long des années 1990, période qui connut pourtant une certaine agitation dans la région.

Le pays refusa également les contacts régionaux, en refusant d’adhérer à l'OTSC (l'Organisation du Traité de sécurité collective) et à l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le pays n’est également plus que simple observateur dans la CEI.

De timides réformes intérieures
En 2006, la mort de Saparmurat Niyazov, et l’arrivée au pouvoir du ministre de la santé, Gurbanguly Berdimuhamedov, avait laissé espérer un changement de trajectoire du pays. En 2010, le bilan s’avère nuancé.

Au plan économique, la situation économique du pays s’est améliorée. La population, bien que consciente de l’hypocrisie des chiffres officiels du chômage, apprécient désormais que les « les pensions [soient] versées aux retraités » (1). Le nouveau président a également déclaré son intention de diversifier l’économie, afin que les revenus des hydrocarbures ne représentent plus que 30% du PIB d’ici 2020 (80% aujourd’hui).

Sur le plan des libertés individuelles, quelques avancées ont été remarquées, comme l’autorisation de partir travailler à l’étranger, ou l’amélioration de l’accès à Internet.

Gurbanguly Berdimuhamedov n’est pas Gorbatchev
Pourtant, l’heure est plutôt à la déception parmi les diplomates étrangers. S’il est désormais incontestable que le nouveau président turkmène n’est pas un nouveau Gorbatchev (d’ailleurs le souhaite t’on vraiment au Turkménistan ?), le rythme des changements des débuts avait laissé éspérer une réelle transformation du pays.

Quatre ans après, force est de constater que le rythme des réformes s’est ralentit. Le régime demeure extrêmement oppressif, et le récent frein mis aux échanges universitaires à l’étranger témoigne d’une volonté de préserver une certaine autarcie, héritée du régime précédent.

L’évolution majeure concerne au final surtout la politique étrangère. En développant ses contacts avec ses voisins, et en multipliant les projets de coopération, le Turkménistan semble vouloir exploiter au maximum ses richesses et sa position géographique.

Gaz Turkmène : La fin du tête à tête russo-turkmène
Le gaz du Turkménistan représente une autre pièce du puzzle de la géopolitique des tubes de l’Eurasie. « Gazprom » était jusqu’à récemment dans une situation de quasi monopole d’achat du gaz turkmène, à l’exception d’un gazoduc iranien construit en 1998. Mais en quelques années, les réserves turkmènes, sur lesquelles il existe pourtant beaucoup d’incertitudes (de 7.94 trillion m3 selon BP, à 2.7 trillion m3 selon Cedigaz), ont attiré de nouveaux investisseurs. Les rapport de force s’est alors inversé avec Moscou, ce qui a permis au pays d’aligner les prix du gaz vendu à la Russie sur les prix du gaz acheté par les européens.

Aschabat courtisé de toutes parts
Aschabat a tout d’abord développé ses relations avec son voisin iranien. En 2010, un deuxième gazoduc était mis en service vers ce pays, portant ses exportations à 20 milliards de m3 vers ce pays.

L’Union européenne a également manifesté un intérêt pour le gaz turkmène, afin d’assurer la viabilité de son projet gazier « Nabucco ». Moscou et Bruxelles se sont d’ailleurs livrés une bataille d’influence rappelant le « Great Game » anglais, ou de la « danse des ombres » version russe, afin de faire basculer le Turkménistan du bon coté de la barrière.

Mais c’est un autre partenaire qui, à force de pragmatisme, semble pour l’instant avoir réussi à tirer son épingle de l’écheveau de gazoducs, la Chine. En un temps record, alors que russes et turkmènes s’enlisaient dans des négociations sans fin depuis 2007, elle réussit à construire un gazoducs reliant le Turkménistan à la chine occidentale, et acheminant désormais 40m3.

Le « model chinois » enfin exporté ?
Le Turkménistan commence à se saisir, à nouveau, de sa géographie, et apparaît conscient des opportunités qui s’offrent à lui. Glissera t’il vers une réorganisation de ses alliances régionales, autour d’une identité Turque, regroupant l’Ouzbékistan, la Turquie et les minorités disséminées dans les pays voisins, ou autour d’une identité plus asiatique, autour d’un bloc comprenant l’Iran et le Pakistan ?

Le pays fera t’il le choix du statu quo, arguant que la relation avec la Russie, en dépit des anicroches du printemps dernier, demeure la plus stable des relations que le pays puisse avoir, alors que les autres pays voisins sont soit pointés du doigt par la communauté internationale, soit en guerre ?

Un dernier scénario existe encore, l’adoption d’un modèle chinois, qui mêlerait ouverture économique, et rigidité politique. S’il est encore trop tôt pour juger, il faut garder à l‘esprit que le pays se sent naturellement plus proche d’un « quiet partner » comme la Chine que d’un donneur d’ordre version américaine.

mardi 2 mars 2010

La « Révolution » du gaz non-conventionnel !

Selon les propres termes de Tony Hayward, le patron de BP, les récentes avancées technologiques permettant désormais d’exploiter des gaz non-conventionnels préparent une vrai « révolution » sur les marchés du gaz. Cette avancée pourrait notamment remettre en cause nombre de stratégies des acteurs du gaz, au premier rang desquelles celle du géant gazier russe « Gazprom ».

« Gazprom » déjà affaibli par la crise économique
C’est effectivement dans un contexte déjà déprimé que « Gazprom » doit affronter cette question des gaz non-conventionnels. Au premier semestre de 2009, le quotidien « Kommersant » révélait que les pays européens avaient réduit leurs achats de gaz de 29% (-21% pour la France), tendance qui s’est prolongée tout au long de l’année. La Turquie avait même émis l’hypothèse de revenir sur le principe du « take or pay », sacro-saint principe des contrats gaziers obligeant les pays à acheter une part minimale (autour de 80%) des quantités distribués par la société gazière.

Si la firme à la flamme bleue est consciente qu’elle devra faire des compromis sur cette dette européenne (après tout, les européens se sont gardés de passer aux actes lorsqu’ils ont dénoncé l’arrêt des approvisionnements russes lors de la crise Ukrainienne en 2009), il est un autre événement, autrement plus dangereux, qui pourrait amener à redéfinir complètement l'équilibre du marché du gaz européen : les gaz non –conventionnels.

Le gaz non conventionnel à l’essai
Ces gaz conventionnels, où « shale gaz », sont l’équivalent de ce que sont les sables bitumineux du Canada pour le pétrole. Ils constituent potentiellement des ressources en gaz considérables, pour des pays qui jusque là étaient obligés de l’importer.

Au Etats Unis, pionnier dans l’exploitation du gaz non-conventionnel, sa production représente 4% de la consommation, mais pourrait passer à 50% à l’horizon 2020, selon certains experts. C’est ici que l’on touche du doigt le point essentiel: les "shale gaz" pourraient à l’avenir dégager certains pays de leur dépendance énergétique !

L’Europe bénéficiaire
Ces gaz, dont la production demeure encore faible, soulèvent pourtant de nombreux espoirs en Europe.

D’abord, la mise en exploitation de gisements de gaz non-conventionnels en Europe contribuerait mécaniquement à faire baisser les prix du gaz, conséquence de l’accroissement de l’offre. Ce mécanisme est déjà à l’œuvre aux Etats Unis.
Cet exemple serait probablement repris comme argument par les grandes majors du gaz en Europe pour exiger une baisse des prix du gaz, fixés par les contrats bilatéraux de long terme avec « Gazprom », voire à dissocier leurs calculs des prix du pétrole.

Un deuxième argument en faveur de leur mise en exploitation de ces nouveaux champs gaziers serait la réduction de la dépendance des pays d’Europe de l’Est aux gazoducs russes. Cette dépendance s'était d'ailleurs renforcée après le lancements des projets "Nord Stream" et "South Stream", censés contournés les pays d’Europe orientale. Si l’état des réserves européennes ne sont pas encore établies, nous savons que des réserves existeraient en Europe de l’Est.

Avis de tempête pour « Gazprom »
Ces divers scénarios participent à rendre « Gazprom » nerveux depuis quelques mois. Et en effet, ces développements pourraient sérieusement mettre en périle sa stratégie industrielle.

La principale conséquence consisterait à saper la compétitivité de ses projets géants, actuellement mis en oeuvre en Mer de Barents (Chtokman) et dans l’océan arctique (Yamal). Ces gisements, à l’origine exploités pour approvisionner les nouveaux ports GNL américains, pourraient perdre de leur compétitivité depuis que la production de « shale gas » a remplacé les importations américaines de gaz.

Selon la « Sobietsky Institute », un think tank polonais, « Gazprom » pourrait même voir la rentabilité de son principal projet européen, le gazoduc « Nord Stream », remise en cause.

Les gaz non conventionnels , « Mythe » ou « Révolution » ?
Dans ce contexte tendu, deux discours radicaux se sont opposés. Alexandre Medvedev, le directeur du service exportation de la compagnie, a dénoncé le « mythe » construit autour des gaz non conventionnels, et a rappelé que leur exploitation demeurait très coûteuse.

A l’inverse, Greg Pytel, analyste de la « Sobieski Institute », a prédit « que de nombreuses livraisons russes seraient remplacées par des productions de gaz conventionnel, éffectuées par les multinationales ». Ce pronostique a été repris par l’Agence Internationale de l’Energie.

L'avenir peu favorable de « Gazprom »
Si ces déclarations ne peuvent pas être dissociées des relations compliquées qu'entretiennent russes et polonais, l’enjeux apparaît pourtant crucial pour chacun. La fin du monopole russe sur les exportations de gaz signifierait la perte d’un levier économique et politique majeur pour le Kremlin.

En Pologne, la découverte de « shale gaz » lui permettrait de prendre sa revanche sur la Russie et l’Allemagne, et sur leur projet de gazoduc contournant son territoire.

Si aucune réserve n’est prouvée à ce jour, les résultats des prochains forages en Europe se révéleront essentiels pour l’avenir du marché du gaz européen.

dimanche 28 février 2010

La géopolitique des tubes en Eurasie, ou la revanche de Goliath contre David

L’histoire commence un froid matin d’hiver 2006, lorsque les médias occidentaux révèlent que la Russie, n’ayant pas réussi à trouver un accord sur les prix de transit du gaz avec l’Ukraine, a décidé de couper ses approvisionnements gaziers vers l’Ukraine. La mauvaise nouvelle réside surtout dans le fait que 80% du gaz russe que l’Europe importe passe par l’Ukraine.

L’Europe assiste, impuissante, à l’arrêt de ses importations de gaz. Si la crise fut courte, et n’affecta que peu leurs économies, les pays européens furent surtout surpris de se trouver à la merci de pratiques contre lesquels ils se croyaient immunisés, bien abrités derrière la forteresse Union Européenne.

Si aujourd’hui, nous savons que cette crise relevait moins d’une tentative de « blocus » énergétique russe sur l’Europe, que d’une simple dispute de « couple », exacerbée par le contexte post-« Révolution orange », les Européens décidèrent pourtant de réagir. Encouragés par les répliques de la crise en 2007, 2008 et 2009, les européens furent incités à examiner d’autres pistes d’approvisionnement. S’ils n’avaient plus de gaz, ils auraient des idées !

« Nabucco », ou la référence à l’oppression étrangère.
De cette période est née la politique européenne de diversification de ses approvisionnements énergétiques. Deux types de diversification s’offraient à eux : La diversification par les sources d’énergies, et par les voies d’approvisionnements. L’Europe décida d’utiliser ces deux méthodes.

Son projet, c’est « Nabucco ». « Nabucco », outre un Opéra, est avant tout un projet politique. En reliant l’actuel gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum, qui contourne la Russie par la Géorgie et la Turquie, le projet permet aux européens d’exploiter les prometteuses réserves de gaz de la Caspienne, sans demander la permission à la Russie.



Si le projet permet de satisfaire seulement 5 à 10% de la consommation européenne de gaz, il est particulièrement vitale pour la stabilité des approvisionnements de pays comme la Hongrie, dont l’économie dépend à 80% du gaz (dont 60% provient de Russie).
Il faut souligner également que le projet est soutenu par les Etats Unis, qui y voit notamment un moyen de renforcer leur alliés locaux, à savoir la Géorgie, la Turquie, et à l’Irak.

L’indépendance énergétique européenne : La fin d’une chimère
En juillet 2009, à l’occasion de la signature de l’accord intergouvernemental entre les différents pays partis prenantes au projet « Nabucco », Andris Pielbarg, l’ancien commissaire européen à l’énergie, célébrait la « liberté » recouvrée des pays européens grâce à ce projet.

Pourtant, la chimère d’une liberté recouvrée s’évanouit très vite au contact des moulins à vent de la réalité. La Russie n’est pas plus un géant menaçant que l’Europe une puissance capable de s’unir autour d’une politique énergétique commune. Si les problèmes politiques et économiques s’accumulent autour du projet « Nabucco », la contre proposition russe se charge de révéler la part d’hypocrisie, peut être d’ignorance, de certains dirigeants européens vis à vis d'une politique énergétique commune.

Le gazoduc russe « South Stream » : Diviser pour mieux régner.
« South Stream », c’est le projet concurrent porté par la Russie et l’Italie, à travers ENI. Le gazoduc part de Novorossisk, plonge sous la Mer Noire, et remonte vers la Roumanie jusqu’en Italie.



Lancé comme un projet concurrent de Nabucco, ce gazoduc, plus cher (8.5 Milliards $ contre 7.5 Milliards $), mais d’une capacité double (63 milliards de m3 contre 25 milliards m3 de gaz), a immédiatement attiré les pays d’Europe de l’Est. En 2009, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie et la Slovénie, s’étaient engagés dans le projet. De même, la Turquie, grande bénéficiaire de « Nabucco », a commencé à revoir sa position après les déclarations russes sur une possible participation au projet Turc Samsun-Ceyhan (reliant la Mer Noire à la mer Méditerranée en évitant le Bosphore).

Nabucco aphone
En parallèle, le projet européen a perdu en crédibilité. Les doutes qui pèsent aujourd’hui sur le projet sont autant de nature politique qu’économique.

Economiquement, les difficultés d’approvisionnement du gazoduc, soulignées par Moscou, apparaissent. En effet, les options s’avèrent, sur le court terme, peu nombreuses. En Azerbaïdjan, les prévisions font état de seulement 3 milliards de m3 disponibles en 2015, Nabucco devant être lancé en 2014. Le Turkménistan et le Kazakhstan, dont les gisements commencent à peine à être exploités, s’avèrent difficile à impliquer dans le projet, du fait de la nécessité d’un accord au préalable de tout les état riverains de la Caspienne concernant un gazoduc sous marins (dont la Russie).

Politiquement, les doutes qui pèsent sur le projet concerne les pays lointains mais prometteurs, censés remplir Nabucco : l’Iran et l’Irak. De manière peut être prématuré, les européens comptaient sur une reconstruction rapide de l’Irak, et l’intégration de l’Iran dans l’économie mondiale, pour diversifier leurs sources d’approvisionnement.

Un investissement sur l’avenir.
Surtout, un constat semble s’être imposé définitivement parmi les différents acteurs des projets : Dans la géopolitique de l’énergie en Eurasie, la Russie est, et restera, un acteur incontournable. Si ce constat a clairement été fait par les européens de l’ouest depuis 1991, il semble s’imposer, peut être à contre cœur, parmi les voisins de la Russie, depuis quelques années.

Aujourd’hui, il semble évident que ni les européens, ni la Turquie, ne prendront désormais le risque de se brouiller avec la Russie, quitte à apporter un soutien de façade aux ukrainiens dans leur bras de fer avec Moscou. C’est dans cet esprit qu’il faut appréhender le refus de l’Union Européenne d’apporter sa garantie au projet "Nabucco", demandée par plusieurs pays de l’est, ainsi que le réchauffement des relations entre la Russie et la Turquie.

Dans ce contexte, on peut conclure que la Russie, aussi menaçante qu'elle puisse paraitre, ne menace au final que ses voisins proches. Ce constat, fait par les puissances européennes telles que l'Allemagne, la France et l'Italie, les a autorisé à se lancer dans d'importants projets de collaboration ("Nord Stream" et "South Stream). Cette analyse commence timidement à être faite par les pays plus à l'est de l'Europe.

Au final, le retour de la realpolitik risque de laisser les pays limitrophes de la Russie en situation de face à face dangereux avec le géant russe. La géopolitique des tubes dans cette région risque bientôt de signer la défaite des David, la Géorgie, l'Ukraine ou l'Arménie, que l'on a pourtant aimé un temps, et encouragé à se révolter contre "l'impérialisme russe" !