Mondes Emergents

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lundi 20 décembre 2010

La Chine, à l'épreuve de sa dépendance énergétique


La Chine met tout en œuvre depuis 30 ans pour assurer l'approvisionnement en énergie de son économie. L'accroissement des besoins a eu de lourdes conséquences sur le plan interne et externe. Confrontée à des problèmes environnementaux, la Chine a commencé à donner une nouvelle inflexion à sa politique énergétique. Sur le plan extérieur, sa dépendance énergétique croissante a souvent amené la Chine à structurer sa politique étrangère en fonction de ses besoins énergétiques. Pourtant, la reconnaissance de ces problèmes rentrent régulièrement en contradiction avec la satisfaction internationale de voir un pôle de croissance assurer de nouvelles débouchés commerciales. Coincé entre problématiques environnementales et économiques, voire sociales, Pékin a avant tout besoin des meilleures technologies pour espérer un jour conjuguer croissance et environnement.

La Chine victime de sa croissance
Dans une récente conférence, organisée par la revue « Passage », Mr Zhang, conseiller à l'ambassade de France en Chine, s'est exprimé sur les besoins énergétiques grandissants de son pays. Le conseiller a reconnu que l'énergie était le véritable point noir du modèle de développement chinois. Deux conséquences ont été en particulier soulignées, la dépendance vis-à-vis de l'étranger, et les problèmes environnementaux que rencontrent le pays. Principal accusé, le charbon. La Chine est dépendante à 91% des énergies fossiles pour sa consommation d'énergie primaire, dont 70% pour le charbon. Sa part dans le mix énergétique chinois semble malheureusement condamnée à augmenter. Sa part était de 61% il y a 10 ans. Cette dépendance est dangereuse. « Parmi les 100 villes les plus polluées au monde, un tiers sont chinoise » a rappelé Mr Zhang.

Le 12e plan quinquennal change la donne
La Chine a pourtant commencé à investir massivement dans les énergies du futures. Le pays a multiplié les investissements dans les énergies renouvelables, notamment depuis l'annonce du 12e plan quinquennal en novembre dernier. L'objectif est de faire passer la part du renouvelable de 7% à 15% dans le mix énergétique chinois d'ici 2020. Dans l'énergie hydraulique, le pays a l'intention d'augmenter de 50% ses capacités d'ici 2015, pour atteindre 300 000 MW. La Chine a également promu au rang de priorité nationale la rénovation de son réseau électrique, qui est responsable de 8% de déperdition. Les « réseaux intelligents » seront notamment introduits. Schneider Electric, IBM ou encore GE entendent profiter de ce marché. En ce qui concerne le nucléaire, Hervé Machenaud, responsable de la production et de l'ingénierie chez EDF, et directeur d'EDF Asie-Pacifique, a rappelé lors de cette rencontre que la Chine est en train de mener « le plus grand programme nucléaire jamais réalisé dans le monde ». Pourtant, ce programme ne permettra pas de modifier radicalement la consommation énergétique chinoise. Malgré la réalisation de 10 unités par an, le pourcentage du nucléaire dans le mix énergétique n'évoluera pas au dessus de 5% d'ici 2020.

La diplomatie chinoise, entre la politique étrangère et la politique énergétique
Ces besoins énergétiques entrainent une forte dépendance de la Chine vis-à-vis de l'étranger. 50% du pétrole consommé en Chine est actuellement importé. Le pourcentage devrait passer à 75% d'ici 2050. Cette dépendance est un facteur d'inquiétude pour le gouvernement chinois. La politique étrangère et la politique de défense ont ainsi été modelées pour sécuriser les approvisionnements. Jean-Pierre Lafon, ancien ambassadeur de France en Chine, nous a expliqué la nature profondément « stratégique » de la politique étrangère chinoise actuelle. Sur le plan régional d'abord, la Chine a normalisé ses relations avec ses voisins. Cette stratégie lui a ainsi permis de signer de nombreux contrats énergétiques, notamment avec la Birmanie, le Kazakhstan, le Turkménistan et la Russie. Au plan international, la Chine est devenu un partenaire commercial majeur pour l'Afrique. Les États pétroliers africains comme le Gabon, le Soudan et l'Angola ont tous signé des accords avec leur partenaire chinois. La Chine a également massivement investi en Amérique du Sud, où le Brésil fait désormais figure de nouvel eldorado pétrolier, ainsi qu'au Moyen Orient. Militairement, la Chine a fait le choix de développer prioritairement sa marine. Ce choix correspond à la volonté de sécuriser les voies d'approvisionnement en hydrocarbures, notamment autour des Détroits d'Ormuz et de Malacca. 80% des importations de pétrole transitent par ce dernier Détroit.

Les opportunités en Chine sont devant nous
De l'avis général, l'accroissement de la dépendance énergétique chinoise offre des opportunités économiques aux partenaires étrangers, notamment français. Mr Zhang a pointé du doigt les possibilités de collaborations sino-françaises dans le secteur de l'agriculture et des sciences et technologies. « S'il y a des défis à surmonter, il y toujours des opportunités » a t-il ajouté. Dans une formulation moins asiatique, Mr Machenaud s'est retrouvée dans cette vision. Le directeur Exécutif d'EDF a rappelé qu'avec un salaire par tête 10 fois inférieur à celui du salaire américain, les marges de progression de l'économie chinoise restent encore très importantes. En particulier, la poursuite de l'urbanisation contrôlée devrait offrir de nouvelles opportunités de croissance.

Démysthifier le transfert de technologies
La question des transferts de technologies s'est alors imposée dans le débat. Le représentant de l'ambassade de Chine a appelé à intensifier les transferts de technologies entre la France et la Chine, tout en déplorant le coût de ces technologies. Mr Zhang a souligné au passage que ces transferts sont souvent un gage de durabilité pour les partenariats conclus avec des entreprises étrangères. Dans le même sens, Mr Machenaud a exhorter les groupes français à se « sortir d'une vision malthusienne des transferts de technologies ». Le directeur exécutif d'EDF a pris le cas d'Alstom pour illustrer son propos. La société françaises a réussi à remporter un deuxième contrat dans le domaines des turbines hydrauliques, après un premier contrat où le constructeur français avait vendu ses technologies. Cette réussite s'explique par les efforts constant du constructeurs pour améliorer ses technologies, lui permettant de se présenter constamment sur les marchés avec un produit innovant. « Les technologies s'améliorent là où elles sont produites » a t-il conclue.