Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 31 juillet 2011

New Delhi et Pékin s'affrontent en haute mer (1)



L'énergie est au cœur de la politique chinoise depuis 30 ans.


Depuis que la Chine est devenue importatrice net de pétrole en 1993, Pékin a progressivement considéré l'énergie comme une affaire de sécurité nationale. Si cette vision stratégique de l'énergie rappelle à bien des égards l'attitude américaine et leur vision « géoénergétique » du monde, c'est une autre puissance qui risque de concurrencer Pékin dans les années à venir, l'Inde.


Pour rentrer dans ce mois d'aout de plein pied, je vous propose de commencer par nous pencher sur le cas chinois. La semaine prochaine, nous verrons que les ambitions indiennes ne sont inférieures aux ambitions chinoises que pas manque de moyens pour les réaliser.


L'océan indien, un océan trop petit pour deux puissances

Au regard du rythme de croissance de la population et du niveau de la consommation, l'Inde et la Chine partagent des problématiques similaires. En ce sens, ils se distinguent complètement de leurs homologues émergents, comme le Brésil, l'Afrique du Sud et bien entendu de la Russie. La concurrence entre ces deux puissances pour l'accès aux ressources énergétiques s'est naturellement accrue ces dernières années.


Elle s'est en particulier concentrée autour du contrôle des routes maritimes menant aux pays du Golfe, en particulier au niveau du détroit d'Ormuz. Le deux ports de Chahabar et de Gwadar, que respectivement l'Inde et la Chine occupent à proximité de ce détroit, sont ainsi le reflet d'une rivalité qui pourrait imposer ce passage comme une des zones majeures de tension du 21ème siècle.


La Chine développe une vision stratégique de l'énergie

Depuis 2010, la Chine est le premier importateur de pétrole du monde. D'ici 2020, la Chine devra importer 60% de ses produits pétroliers. Or la majorité de ses besoins seront satisfaits par les pays du Moyen Orient. Cette région représente à elle seule 40% des approvisionnements en pétrole de la Chine.


Face à cette dépendance extrême, la Chine a pris soin d'imposer sa présence tout le long de la route maritime conduisant à son territoire. Cette présence a pris la forme de bases militaires, de postes d'observations et de stations d'écoute. Le port de Gwadar est alors devenue le symbole de ce que l'administration américaine a appelé le « collier de perle ».


La Perle pakistanaise, la clef de voute du système

Le port de Gwadar est le symbole de cette vision stratégique de l'énergie. Situé sur le territoire d'un allié traditionnel de la Chine, le Pakistan, Gwadar est situé à 240 kilomètres du détroit d'Ormuz. Cet emplacement permet à la Chine d'être présente sur une des artères énergétiques désormais parmi les plus importantes du monde.


Pour l'instant, la menace militaire chinoise dans l'océan indien est toute relative. L'objectif de la Chine jusqu'à maintenant était de protéger avant tout son territoire. La marine de haute mer est donc encore largement en retard, notamment face aux États-Unis. Mais à plus long terme, les chinois espèrent bien transformer ce port de Gwadar en un « hub énergétique ». En parallèle de l'activité militaire, Gwadar pourrait être le point de départ d'un pipeline qui rejoindrait la Chine par l'ancienne route terrestre de Karakoram.


La présence chinoise à Gwadar a ainsi très vite inquiété New Delhi. Signe de l'hostilité au projet, l’Inde appelle désormais ce port le « Gibraltar sino-pakistanais ».


S'il y a encore quelqu'un devant son ordinateur un 7 août, la suite la semaine prochaine.





lundi 11 juillet 2011

Quand Rupert Murdoch a voulu briser la forteresse chinoise


Il fut un temps où la Chine ne nous intimidait pas.

Non, je ne pense pas au Grand Bond en avant, ni aux guerres de l'opium, encore moins aux dernières années de la dynastie Ming...Non, je vous parle des années 1990.

Je profite des déboires du groupe de l'homme le plus haï actuellement d'Angleterre pour rappeler que Rupert Murdoch a également répondu aux sirènes de l'émergence de la Chine. C'était avant de se rappeler que ces sirènes nous mènent souvent à notre perte...


Le temps béni des illusions

Ce que j'aime avec les années 1990, c'est que les projets les plus incroyables sont subitement devenus crédibles aux yeux de grands conservateurs élevés dans l'art de la nuance voire de la demi-mesure.

La chute du mur de Berlin, la vague de démocratie en Europe de l'Est, l'entrée de la Chine dans l'économie de marché, autant d'évènements qui ont donné l'illusion de la toute puissance, voire de l'« hyperpuissance », du capitalisme face aux identités nationales.

Et les exemples abondaient pour confirmer ce nouvel ordre mondial. En l'espace d'à peine 10 ans, l'union improbable du FMI et d'oligarques auto-proclamées n'a t-elle pas réussi à privatiser à la fois les ressources et les élections russes ?

Profiter d'un tel scénario en Chine était tentant. Le patron de News Corp pose alors ses valises à Hong Kong.


Quand la Chine s'éveille....

Ruper Murdoch a commencé dès 1991 à traiter avec la Chine. L'objectif est simple : Obtenir un canal de diffusion en Chine.

Le groupe se dote d'abord de l'infrastructure, en rachetant à prix d'or une chaîne Hong Kongaise sur le déclin, Star TV.

Pour diffuser en Chine, le magnat des médias a besoin de connexions. Il va ainsi tout faire pour être le plus proche des dirigeants au pouvoir. Et Rupert Murdoch ne va pas ménager sa peine.

Il va ainsi jusqu'à faire publier par sa maison d'édition HarperCollins les mémoires (hagiographiques) de Deng Xiaoping. Il invite aussi son successeur, Jiang Zemin, a une séance de cinéma où il projette Titanic. Il réalise également son aggiornamento politique, mais à l'envers, en s'alignant sur les positions du parti en ce qui concerne les évènements de Tian'anmen. Il va jusqu'à qualifier le Dalaï-lama de « vieux moine très politicien qui se promène en chaussures Gucci ».

La stratégie marche, et la Chaine progresse sur les télés chinoises.


Un glamour de jeunesse

Très vite, Ruper Murdoch passe à la vitesse supérieure. Après la conquête de la chaine Star, le groupe lance deux nouveaux produits, une nouvelle chaine de télévision et un site Internet.

Il se rapproche d'abord de l'homme d'affaire Liu Changle, très bien introduit dans les sphères politiques chinoises. En sentant désormais le pouls du PCC, l'australien-américain peut désormais lancer son projet de chaine de télévision chinoise, la chaîne Phœnix.

Avec ses présentateurs aussi surexcités qu'une matinale de NRJ et l'arrivée du Live et du On-air, les chinois font exploser l'audimat.

La stratégie Internet du groupe, dirigée au passage par la troisième de femme de Rupert Murdoch, reproduit la même stratégie, avec les mêmes effets. Lancé en 1997, le site ChinaByte devient l'année de son lancement le premier site visité du pays.

Pourtant, le groupe va rapidement va rapidement voir son aura pâlir.


La machine de guerre de Rupert Murdoch enrayée

Pour respecter tout à fait la chronologie des évènements, les ennuis ont commencé un peu plus tôt pour le groupe en Chine.

Dès le lancement de Star, le PCC a limité la pénétration du groupe en Chine en restreignant puis en interdisant l'achat de paraboles. Star est alors obligé de s'en remettre à la « tolérance » des autorités face au commerce illégal des paraboles pour avoir une audience. Et encore, une audience gratuite.

Pékin va utiliser la même méthode avec la chaîne Phœnix. Sa diffusion est limitée aux hôtels 3 étoiles !

Mais le pire est à venir. En 2003, Rupert Murdoch perd ses appuis politiques. L'arrivée de Hu Jintao à la tête de l'Etat signe la fin de son ascension. Murdoch avoue publiquement que désormais, il « se heurte à un mur ».


Le contenu de Star et de Phœnix siphonné

Le plus étonnant peut être dans cette aventure aura finalement été l'extraordinaire banalité des mésaventures de Rupert Murdoch en Chine. Comme un bon nombre d'industriels, Rupert Murdoch ne s'est pas méfié de l'ambition chinoise.

En multipliant les joint ventures, Murdoch a développé les programme de coopération. Les officiels chinois ont été invités à Londres se renseigner sur le bouquet satellite BskyB du groupe.

Les officiels ont très vite vu l'intérêt de reproduire ce schéma en Chine, à la nuance près que Murdoch ne faisait pas parti des plans. A partir des années 2000, Star, Phoenix et ChinaByte sont copiés de manière industrielle, et revendus sur les chaines nationales.

Comme Alstom, Chanel, Airbus, la Warner et d'autres, Rupert Murdoch s'est fait piraté son « contenu » en Chine.

Aujourd'hui, après avoir laissé 2 milliards de dollars et sa chemise en Chine, Rupert Murdoch ne croit plus en la Chine.

Pourtant le géant des médias est resté en Asie. Nouvel objectif : L'Inde !

(Bientôt l'occasion d'un nouveau post !)



dimanche 3 juillet 2011

Pourquoi les pays émergents ont raté la marche du FMI


Les pays émergents doivent actuellement se demander qu'est ce qu'ils ont fait de mal.

Alors que leurs économies sont toujours aussi florissantes, leur réserves de changes débordantes, et leurs Banques Centrales vigilantes, le FMI vient de se choisir une européenne comme présidente.

Bien sur, on connait la traditionnelle mainmise des européens sur le FMI, et comme toute tradition, elle bénéficie du poids de l'habitude (d'aucun dirait de l'immobilisme).

Pourtant le tour de passe-passe des pays européens reste un coup de maitre. L'espace de quelques semaines, on a remplacé le débat Keynes-Friedman par celui de Mandrake - Copperfield.


L'argument féministe

Tout le monde voyait la ficelle, mais personne n'a rien dire. Oui, l'«affaire DSK» (au vue des récents évènements, je ne sais plus s'il faut parler de tragédie ou de soap opera) a paradoxalement permis à l'Europe de faire un dernier baroud d'honneur à la tête du FMI.

En présentant Christine Lagarde à la tête du FMI, la candidature était inattaquable. Et peu importe que l'on frise le conflit d'intérêt, les banques françaises étant exposées à hauteur de 53 milliards sur la dette Grecque.

Mais le plus incroyable c'est que depuis 10 ou 15 ans, les pays émergents ont fait la preuve de leur bien meilleure gestion monétaire.


Quand les sur-endettés se reconvertissent dans le conseil financier

« Les pays responsables de la plus grande crise depuis la Grande Dépression....vont élaborer les codes de conduite pour le reste du monde ». La déclaration vient du vociférant ministre brésilien des finances Guido Mantega.

Le ministre brésilien a été récemment été conforté dans son opinion par le rapport annuel de la BRI, la Banque de Règlements Internationaux.

« Contrôle des risques systémiques », « réserves obligatoires de banques », « surveillance de l'équilibre financier », tous ces critères étaient déjà appliqués par les banques centrales émergentes selon le rapport.

Les pays développés commencent seulement à développer ces outils. Et encore, Ben Bernanke reste accroché à sa « crise de 29 pour les nuls » en gardant les taux directeurs de la FED à 1.5%.

Alors pourquoi les pays émergents restent ils désespérément dans l'antichambre des institutions internationales ?


Un union politique en devenir, et qui le restera...

Les pays émergents arrivent de mieux en mieux à faire valoir leurs intérêts nationaux, mais de moins en moins leur intérêt collectif. C'est bien ce qui se dégage de cet épisode.

Ces pays resteront en marge sur le plan multilatéral tant qu'ils n'arriveront pas à s'unir sur le plan politique. Et cet horizon m'apparaît bien lointain, comme je l'ai souvent exposé sur ce blog.

Si je ne vois pas de coalition de pays émergents possible, je suis convaincu que ces pays compteront dans la désignation du prochain président du FMI. Une coalition Emergés-Emergents sera bien plus facile à mettre sur pied.

Mais d'ici là, le concept d'émergent aura eu le temps de changer de sens une bonne dizaine de fois.