Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 13 mai 2012


La démocratie, le premier atout de l'Inde contre la Chine ?



C'est une habitude, nous sommes fascinés par l'autoritarisme.

ça ne date pas d'aujourd'hui. En France, les années 1920 et 1930 ont donné lieu aux plus surprenantes conversions politiques. Communisme et fascisme attiraient à eux les déçus du parlementarisme de la IVe République, celle-ci n'en finissant pas de se consumer dans d'inter-minables tractations et autres affaires d'inceste politico-économiques. L'affaire Stavisky, symbole de la corruption de cette démocratie, fut plus qu'un révélateur, elle fut un épouvantail. Elle poussa des bataillons entiers d'électeurs dans les bras de partis politiques extrémistes, aveuglés par le phantasme d'une pseudo efficacité soviétique ou nazie.

Aujourd'hui, une même hypnose s'exerce envers la Chine communiste.

Murés dans notre fascination pour les parades militaires sur la place rouge, des taux de croissance de 10%, ou des moissons de médailles au derniers Jeux Olympiques de Pékin (51 chinoises contre 36 américaines), nous restons prostrés devant cette ascension. Comme dans les années 1930, notre paralysie devant un autre modèle est d'autant plus forte que la transparence de nos démocraties ne nous fait pas ignorer nos taux de chômage, d'endettement, voire de corruption. Frappé de catalepsie, nous restons sur le rivage des Syrtes, en fantasmant à nouveau la réussite et la puissance des modèles autoritaires. Pourtant, comme dans le roman de Julien Gracq, c'est l'ignorance qui nous paralyse. Et nous nous y complaisons, comme pour expier les défauts de nos démocraties. Ne rien connaître pour ne rien savoir, il semble que nous appliquions fidèlement ce précepte du philosophe chinois Han Fei Zi.

Pourtant nier les liens entre croissance et liberté revient à nier ce qui a fait le succès de l'Europe depuis 500 ans. C'est surtout nier la capacité des démocratie à surpasser les dictatures. C'est actuellement tout l'objet du débat entre les partisans du modèle indien et du modèle chinois.

L'Inde, le "moins mauvais" des pays émergents ?
Devenir un fervent soutien du modèle économique indien à l'heure actuelle relève de la gageure. Selon la Banque Mondiale, l'Inde se classe 134ème sur 183 pays pour la facilité à faire des affaires. Et je ne parle pas de sa place dans la catégorie « démarrage d’une entreprise », « obtenir un permis de construction » ou encore « respect des contrats ».

Pourtant le modèle indien continue d'avoir le soutien d'irréductibles. Un des premiers à croire dans le modèle indien fut Guy Sorman. Pour l'intellectuel français, l'Inde a un avenir bien plus florissant que son voisin du nord-est. Ses grandes universités (sur lesquels j'ai déjà consacré un article sur ce blog) comme l'Indian Institutes of Technology, ses multinationales comme ArcelorMittal ou Infosys, assuraient à l'Inde une réussite durable.

Le débat ne s'est bien entendu par arrêté avec Guy Sorman. Il vient de rebondir après la publication d'un article d'Eric X.Li dans le New York Times le 16 février dernier. L'article, sobrement intitulé  Why China’s Political Model is Superior, ici, fait le constat que le modèle démocratique de nos pays a échoué. L'article, publié dans le New York Times, a bien entendu fait écho aux inquiétudes de certains américains sur la viabilité de leur modèle, et, par extension, sur le modèle occidental.

Un ouvrage publié récemment a ainsi essayé de théoriser les différences entre modèle démocratique et autoritaire. Les deux auteurs, Daron Acemoglu et James Robinson, ont développé le modèle d'institutions « extractives » (autoritaires), et « inclusives » (démocratiques) dans leur ouvrage Why nations fail. Pour eux, comme l'explique très bien un article de Contrepoint ici, seules les institutions inclusives permettent de développer une certaine liberté politique. Celle-ci permet de renouveler constamment les équilibres politiques, donc les équilibres économiques, et au final de permettre un processus de « destruction créatrice », selon le concept de l'économiste Joseph Schumpeter, qui bénéfique au commerce.


Inde, l'économie de la connaissance
Bien sur, il est facile de trouver des contre-modèles. Ainsi Singapour, développé sous le règne autoritaire de Lee Kuan Yew, est devenu un des pays les plus riches du monde. Appelé « paradoxe de Lee » (un régime autoritaire réussi à prospérer), ce succès est peut être simplement du à la particularité du pays. Sa faible population et sa spécialisation dans l'industrie financière ont peut être évité au pouvoir politique d'être confronté au besoin d'une économie réellement diversifiée, de créer une amble classe moyenne, et à terme d'ouvrir des droits politiques.

Je partage donc l'optimiste sur l'avenir indien, et les réticences sur le « miracle » chinois des auteurs. Dans son récent ouvrage « La puissance au XXIe siècle », Pierre Buhler souligne que « les étapes  du rattrape par l'imitation [en Chine] ont largement été franchies, les phénomènes des rendements décroissants se renforcent, le modèle productiviste fondé sur l'industrie ne permet pas d'absorber les bataillons de l'exode rural ».

C'est désormais l'heure de la création de la croissance par la créativité et l'innovation.

Or à ce jeu là, l'Inde est mieux parti.