Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

mardi 28 juin 2011

Le plus grand hub du monde émerge


Il y a des réalités qui nous échappe parce que l'on reste attaché à une émotion, à une idée reçue, à l'éclat d'un souvenir...« l'Afrique est un continent en guerre », « Martigues est une jolie ville », « les ONG nous veulent du bien »...j'ai moi-même longtemps cru que Jim Jarmush était un cinéaste parce qu'il utilisait le noir et blanc.

Il est en train de se produire le même phénomène dans le Golfe Persique.

A l'insu des pays développés, les pays du Golfe sont devenus en quelques années des pays émergents !


Les pays du Golfe ont deux inconvénients qui nous ont aveuglé

D'abord, ils possèdent du pétrole, ou sont entourés de pays qui en possèdent. Ensuite, ils ont pour voisin un pays récalcitrant à l'ordre occidental, l'Iran.

Ces deux raisons expliquent pourquoi les termes de Kirkouk, Aramco ou encore Pasdaran ont presque fini par devenir familiers à nos oreilles, alors que nous ignorons encore tout des voitures que préfèrent les Dubaïotes, le peintre à la mode à Abu Dhabi, où le tube de Shakira que les Qataris détestent.

Ce que je veux dire, c'est que l'omniprésence du pétrole dans nos rapports avec ces pays nous a empêché de voir l'essentiel : Ces pays émergent !


Le Golfe sort la tête du baril

Il y a avait pourtant quelques signes annonciateurs. L'arrivée fracassante de compagnies dans l'aérien, comme Emirates ou Qatar Airways, dans le transport maritime, avec Dubaï Ports World, ou dans la banque, avec la banque islamique Abu Dhabi Islamic Bank.

Mais 2011 devait être l'année du sacre. Le 22 juin dernier, le MSCI devait donner son avis sur le passage du Qatar et des Émirats Arabes Unis du groupe des « frontier markets » au groupe star des émergents, les « emerging markets ». L'annonce paraît anodine, l'importance est immense.

Le MSCI est le premier instrument d'investissement au monde. Vous voulez placer le bas de laine de votre grande mère sur la dette chilienne ? Sur les pays émergents avec un levier 2 mais

votre grand mère hésite avec un levier 3 ? Le MSCI a déjà créé un indice sur ces thèmes, et vous

permet d'y investir.

L'avantage ? Il vous donne un passeport et de la visibilité sur les places financières.

Beaucoup attendait un échec suite aux évènements dans le monde arabe. L'annonce a finalement été reporté pour décembre. Ce n'est qu'une question de mois pour que le Golfe parlent gros sous avec la Chine.


La stratégie du hub

Lorsque l'on trace une droite sur un planisphère en partant de l'Europe et en direction du Moyen Orient, notre droite s'arrête automatiquement sur le Golfe. Si on la prolonge, la droite croise l'Inde, Singapour, la Malaisie, c'est à dire le nouveau rond point commercial international.

Les pays du Golfe ont construit leur croissance comme ça, en devenant une étape essentielle des trajets inter-continentaux. D'ailleurs, les sociétés que j'ai cité plus haut sont toutes spécialisées dans le transport, que ce soit de personnes, de marchandises ou de capitaux.

L'important, c'est que ça se déplace !


Une stratégie de long terme

Cette stratégie sera également mise en valeur par un autre axe, l'axe Asie-Afrique, bientôt les deux continents les plus peuplés du monde.

Et les pays du Golfe pensent déjà à l'après « hub ». Ils commencent à mettre en place les infrastructures pour anticiper l'arrivée d'autre populations que les cabinets financiers ou les femmes de ménage philippines.

Les services et surtout le tourisme sont parmi les priorités du Conseil de Coopération du Golfe, la tête pensante du Golfe Persique.


Une émergence économique, qui le restera

Malheureusement, le pétrole a eu un autre effet autrement plus pervers pour la région que sa sur-médiatisation, il les a privé de poids politique.

Leur armées sont toutes sous la coupe des États-Unis.

Or sans influence politique, il est peut probable qu'Abou Dabi bénéficie un jour de l'aura international que Pékin, New Delhi ou Brasília ont su capter en prenant position sur des questions internationales.


Il est donc à craindre que les pays du Golfe subissent à terme le "syndrome japonais". Ils brilleront dans le commerce, mais seule une poignée de spécialistes connaîtra le nom de leur premier ministre.


dimanche 19 juin 2011

L'Amérique du Sud à nouveau sur le radar de Brasília


On connait les ambitions du Brésil sur la scène internationale (voir article du 16/04). On connait mal sa politique régionale.

Cette zone d'ombre s'explique facilement. Lula s'est longtemps senti plus à l'aise devant George Bush Jr, Hu Jin Tao ou Ban Ki Moon que devant les représentants du Mercosur (le marché commun sud-américain).


Le Brésil est-il devenu snob ?

Le rôle croissant que Brazilia joue à l'ONU ou au sein de BRICS a probablement contribué à détourner Brazilia de ses intérêts régionaux. Mais il faut reconnaître que la faiblesse de ses voisins n'a pas aidé.

L'Argentine, l'autre grande nation du continent, a déçu. Si la crise argentine de 2001 explique en partie cet échec (poussée dans sa chute par un FMI que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître....), les dirigeants n'ont pas réussi à placer leur pays parmi le groupe de tête des pays émergents. Avouons qu'un passage des BRICS aux BARICS n'aurait peut être pas été aussi accrocheur...

Aux cotés de l'Argentine, les relations avec le Venezuela et surtout avec la Bolivie sont toujours restées houleuses, sur fond de rente gazière et de nationalisme galopant.

La fraicheur des relations du Brésil avec ses voisins est paradoxalement devenu un handicape pour ses ambitions internationales. Les pays sud-américains ne semblent actuellement pas prêt à laisser Brasília représenter le continent dans les instances internationales. Le Mexique et l'Argentine en particulier bloquent pour l'instant la candidature du Brésil à un siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU.

La diplomatie brésilienne semble avoir un peu vite oublié l'adage de Napoléon, « les États font la politique de leur géographie ».


Sexe, drogue et fonds de placements

Brasília a donc commencé à s'intéresser à nouveau à ses frontières. Immigrés surinamiens, drogues vénézueliennes, gaz bolivien, armes colombiennes, électricité paraguayenne...les sujets de coopérations ne manquent pas.

Le Brésil a d'abord commencé par renforcer les capacités de l'Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) sur le plan sécuritaire. Mais c'est principalement sur le plan économique que le Brésil a décidé d'être plus entreprenant.

Banco do Brasil, la plus grande banque du continent, vient de déclarer vouloir s'implanter dans plusieurs pays sud-américains. La banque vise le Chili, l'Argentine et la Colombie, deux pays qui possèdent les économies les plus développées du continent. Du fait de ses taux de croissance exceptionnels depuis 10 ans, le Pérou fait également parti des plans de la banque brésilienne.

C'est également sur le plan des idées que le Brésil veut progresser en Amérique du Sud. Une raison de plus de multiplier les « fêtes de voisins » régionales.


L'influence du « lulismo »

L'influence du Brésil sur le plan des idées est en train de devenir une source d'influence majeure du pays sur le continent.

Lors de l''arrivé au pouvoir du candidat socialiste Ollanta Humala à la tête du Perou début juin, les observateurs ont un peu trop rapidement fait basculé ce pays dans le camp de la gauche « chaviste », traditionnellement opposée à la gauche « luliste » depuis 10 ans.

Or l'influence du modèle brésilien sur cette candidature a été bien plus grande qu'on ne le pense. Le candidat au passé chaviste a été conseillé tout au long de sa campagne par les propres conseillers de Lula. Cette victoire a ainsi contribué à brouiller les cartes de la gauche socialiste sud-américaine, annonçant peut être l'essoufflement de la dynamique anti-capitaliste et anti-américaine de Chavez.

Après la déferlante de l'École de Chicago dans les années 1970, l'École de Brazilia est-elle en passe de s'imposer sur toute l'Amérique du Sud ?




mardi 14 juin 2011

L'Asie troque ses électrons contre des neurones



Une Révolution !

Cette fois oui, on nous l'assure, c'est une vrai Révolution ! Plus de doute possible.

Après des années de dur labeur, il paraît que les géants de l'électricité ont trouvé LA solution pour consommer mieux de l'énergie, voire moins, en tout cas différemment...

Et cette Révolution a un nom : Les Smart Grid !

Remarquez, en français, l'expression « réseau intelligent » nous laisse un vague sentiment d'incompréhension rapidement dissipé par une vague de désintérêt. Alors qu'avec les « Smart grid », on imagine déjà notre maison dans un spectacle Son & Lumière version Chambord...

Mais on en est pas tout à fait là. Et pour tout dire, la Révolution se fait un peu attendre....


Du concept fumeux au compteur électrique

Vous partagez peut être cette impression. Attendre l'électricien qui nous installera un smart grid revient encore le plus souvent à attendre Godot.

Je n'ai pas noté de lueur particulièrement intelligente dans l'ampoule de mon frigidaire, ni dans cette celle de ma lampe de chevet, quand à Chambord dans ma salle de bain, j'attends encore....

L'explication est assez simple. Concrètement, en France, cette « Révolution » n'a consisté encore qu'à installer des « compteurs intelligents ». Cette fois, même l'expression en anglais, « smart meter », n'arrive pas à nous faire rêver. Il s'agit de compteurs dotés d'un écran numérique qui affiche notre consommation en direct. Révolutionnaire en somme.

Et nous en sommes qu'à la phase de teste. Seule un poignée de particuliers ont pu expérimenter la joie de lire en direct la consommation de leur friteuse ou de leur lave-linge.

D'ailleurs, au regard de la difficulté à équiper les quelques ménages du Rhone et de la Tourraine qui ont été choisis pour le test, le plaisir ne doit pas être si intense.

Non, la seule chose intéressante à ce stade qui existe sur les smart grid, c'est leur géographie.

Les smart grid sont actuellement testés en France, sont un peu plus répandus en Italie, et en phase de test aux États-Unis.

Mais vous savez où est ce que les constructeurs de réseaux s'installent ? En Chine et en Inde !


Consommer plus tout en produisant moins, la recette miracle pour les émergents

La Chine et l'Inde partagent deux problématiques. D'une part ils ont besoin de consommer toujours plus d'énergie. D'autre part ils sont conscient depuis longtemps du danger d'accroitre leur dépendance énergétique.

Et quand on veut consommer tout autant en polluant moins, il n'existe qu'une seule solution : consommer différemment.

C'est justement le rêve prométhéen des smart grid, et c'est bien ce rêve que veulent leur vendre les énergéticiens.

En l'espace de quelques mois seulement, des géants de l'énergie sont arrivés à coup de milliards sur le secteur des smart grid en Asie.

C'est d'abord Alstom qui a pris la décisions en mars d'installer son centre de R&D « Alstom Grid » en Chine.

En mai dernier, c'est Schneider Electric qui a racheté coup sur coup Telvent et surtout l'indien Luminous, tous les deux spécialisés dans les smart grid.

Enfin, Toshiba a annoncé fin mai le rachat de Landi+Gyr pour 2.3 milliards de dollars. Ce rachat lui permet de détenir la société qui a été choisie pour équiper les foyers chinois en « compteurs intelligents ».


Une tournant industriel et technologique

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'avenir des smart grid se jouera en Asie. Vu de France, le concept est fumeux, incertain, voire inutile. Vu de Chine, le marché est gigantesque, illimité voire délirant.

Surtout, ce tournant fera de l'Asie un des pôles technologiques internationaux. Le réseau intelligent, c'est l'enfant illégitime de la révolution des télécommunications des années 1970 et 1980.

C'est pourquoi les smart grid attireront bientôt à Shanghai et Shenzhen les noms les plus prestigieux des high tech. Après Toshiba suivront Google, Microsoft ou encore IBM.

La fuite des cerveaux, mêmes électriques, s'accélèrent.

dimanche 5 juin 2011

Pour en finir avec l'illusion des BRICS

Cela faisait tellement longtemps que l'on annonçait à cor et à cri la fin de l'Europe, le pourrissement des démocraties européennes, l'enfoncement dans un ecolo-pacifisme stérile, que la probable reconduction d'un européen à la tête du FMI a pris à rebours encore une fois la plupart des commentateurs.

Ce scénario tient a deux raisons.


Les BRICS, un malentendu

Cette reconduction ne tient pas tant à l'unité européenne qu'au manque de cohérence des pays émergents. Je suis souvent revenu dans ce blog sur l'inanité du groupe des BRIC, devenu BRICS récemment. Goldman Sachs, à l'origine de l'acronyme, n'a jamais désigné autre chose que l'émergence économique de ces pays.

Libre à ceux qui le désiraient de s'engouffrer dans la brèche et de prétendre émerger sur la scène politique. Ce qui fut fait avec l'institutionnalisation des rencontres annuelles des BRICS, rencontres régulièrement recouvertes d'une fine couche de politique.

Par un mystère aussi inexplicable que désespérant, les pays européens ont commencé à croire à la force cette union, et à entretenir un complexe d'infériorité devant celle-ci. Bien que cette union ait à mes yeux autant de poids géostratégique qu'une association de pêcheur à la palangrotte du marais poitevin, les BRICS ont fait irruption dans une presse internationale avide de simplification et de rapport de force imaginaire.

La deuxième raison tient davantage à la nature de la diplomatie européenne.


L'Europe comme table de négociation

Ce qui est déplaisant pour une table de négociation, c'est qu'on s'assoit dessus la plupart du temps. L'avantage, c'est qu'elle est au centre des discutions. A force de prôner des valeurs de tolérance, d'écoute plutôt que d'affrontement, l'Europe a compensé son déficit en « hard power » par une vrai capacité de dialogue sur la scène internationale.

Au prix d'un abandon d'une politique de défense de ses intérêts, l'Europe à réussi à s'attirer la confiance de plusieurs pays émergents. Le Brésil est depuis plusieurs années un allié de la France. L'Inde court depuis longtemps derrière un accord de libre échange avec l'Union Européenne.

En présentant Md Lagarde à la tête du FMI, l'Union Européenne semble jouer sur ce statut ambiguë de puissance inoffensive. Bien entendu, l'heure n'est pas aux programmes idéologiques, et cette candidature européenne de consensus convient à ces heures difficiles.

Mais il ne faudrait pas que l'Europe se recroqueville dans ce rôle de technicien. Alors que les Etats Unis se préparent à une rechute de leur économie, et que les BRICS, dans leur forme actuelle, restent incapables de s'unir pour proposer une gouvernance mondiale cohérente, l'Europe a encore une carte à jouer...si seulement Md Asheton se réveillait.