Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 24 avril 2011

Pourquoi les BRICS dominent l'industrie minière internationale



Ce lundi, mon patron s'est tourné vers moi, le regard illuminé, et m'a déclaré tout de go : « il serait pas temps de sortir un petit article sur les Terre Rares ? »

Tout heureux qu'un mois se soit déjà passé depuis mon dernier article sur le sujet, il a alors estimé que nos lecteurs risquaient d'oublier THE sujet du moment, THE sujet explosif, THE

thème qui nous fait bondir nos abonnements !

Et je dois avouer, je suis chaque fois étonné qu'autant de gens ignorent encore l'importance de ces 15 métaux. Non pas parce que je passe la moitié de mon temps à écrire dessus, mais parce qu'ils sont vraiment importants.

Voiture électrique, aéronautiques, panneaux photovoltaïques, Ipod, voire frigo intelligent et ampoule basse consommation...nous dépendons tous des terres rares.

Même ma grand mère, qui refuse pourtant obstinément de lire Roger Martin du Gard sur le Ipad que nous lui avons offert à Noël...


La partie émergée du terril

Le sujet est de plus en plus médiatisé depuis que nous nous sommes rendu compte que la Chine produit 95% des Terres Rares dans le monde.

Si vous voulez plus de détails, j'ai publié en janvier dernier sur ce blog un article spécifiquement sur les Terres Rares.

Au de-là des Terres Rares, c'est l'effet zoom de cette question qui m'intéresse.

Chine + High Tech + Énergies Renouvelables, j'étais sur d'attirer quelques lecteurs à la recherche de sensation forte.

Mais le cas des Terres Rares ne représente que la partie émergée de l'iceberg (ou du terril, si vous préférez...).

La réalité, c'est que les pays développés ont perdu la main dans l'ensemble de l'industrie minière. Et franchement, nous avons donné le bâton pour nous faire battre...


Quand l'École des Mines s'occupait encore des mines

Dans les années 1960 et 1970, la formation des géologues tournait à plein. Aidés désormais des moyens les plus modernes (géochimie, géophysique, méthodes spatiales...), ces ingénieurs ont multiplié les découvertes.

A tel point que dans les années 1990, le monde de la géologie est tombé dans une ère de glaciation. Pourquoi creuser le sol, alors que nous possédons déjà tous les métaux, et en grande quantité ?

Nous avons alors délocalisé, déjà, ce que nous considérions désormais comme une production trop salissante, pas assez « économie 2.0 ». La production des Terres Rares notamment a été confiée à la Chine, puis ce fut le cas de l'aluminium à la Russie, et du fer au Brésil.

Le problème, c'est qu'avec le retour de la demande au tournant des années 2000, ces producteurs se sont alors retrouvés sur de petits tas d'or.

C'est là que l'histoire commence à mal tourner pour nous.


Le retour de l'enfant prodigue

C'est à partir des années 2000 que nous avons vu fondre sur nos petites gloires nationales les grands groupes industriels des pays émergents.

Péchiney et Arcelor en France, Chaparral aux États-Unis ou encore Inco au Canada, ont vu arriver les Vale, les Mittal, les Chinalco, les Bao steel...

Ces groupes se sont depuis diversifier, et ont réussi à passer du low tech au high tech minier.

Désormais, nous achetons notre fer, notre cuivre, nos terres rares aux émergents.

Par suffisance, par aveuglement, nous avons raté, en particulier les pays d'Europe continentale, le retour de la mine parmi les secteur de croissance. Nous payons aujourd'hui, selon les mot de Benoit de Guillebon, notre attitude « néo-colonialisme » des années 1990.



samedi 16 avril 2011

Le Brésil vampirisé par la Chine


Ce blog n'a encore jamais traité de la puissance brésilienne. Attiré comme beaucoup par les sirènes de la renommée chinoise, je me suis souvent tourné vers l'Asie pour décrypter ces mondes émergents.

Pourtant, à voir le Brésil sur la scène internationale, l'habit de grande puissance n'a pas l'air de le gratter dans le dos.


Béni par la nature et par les Borgia

Devant la balkanisation de la partie espagnole de l'Amérique du sud depuis 2 siècles, la puissance du Brésil s'est imposée naturellement.

Le pays possède 3 atouts majeurs :


  • Une géographie favorable, sans Cordillère pour isoler des régions entières.
  • L'uni du territoire jamais remis en cause par un quelconque conflit.

  • L'absence de conflit entre indiens et européens pour miner la cohésion sociale.

Dans les faits, cette puissance s'est traduite par un ministère des affaires étrangères puissant et efficace, l'Itamaraty. Ce ministère a ainsi été le bras armé de la politique de Lula, qui visait à placer le Brésil au centre du jeu international.

L'idée était de se servir des institutions internationales comme d'une plateforme, voire comme d'un ins

trument, pour contester l'architecture internationale. Cette architecture, c'était l'œuvre des architectes libéraux censés refonder le monde.

Vous savez, c'était le temps des fantasmagoriques années 1990, où l'on croyait que la géoéconomie allait remplacée la géopolitique, et U2 les Rolling Stones...


BSF, Brésil-Sans-Frontières

Le Brésil des années 2000, des années Lula en clair, a ainsi multiplié les initiatives diplomatiques.

Dans un premier temps, l'idée était d'institutionnaliser la stratégie des ONG anti-mon

dialisation des années 1990. Ces ONG avait bien réussi à bloquer le sommet de l'OMC à Seattle. Le Brésil allait les copier, mais en agissant au sein de l'OMC. Ce sera le sommet de Cancun.

Dans un deuxième temps, le Brésil a créé ses propres sommets. Brasília a ainsi réussi à se placer au centre d'un nombre considérable d'organisations et de sommets en tout genre : UNASUR, G20, G77, Isba, BRICS, Sommet Pays Arabes, rapprochement avec les États-Unis, rapprochement avec l'Afrique...

On parlait de « pactomanie » dans les années 1950 pour désigner la politique étrangère américaine. Le Brésil a inauguré la « sommetomanie ».


Une puissance agricole, qui risque de le rester

Pourtant, à vouloir parler avec tout le monde, le Brésil est progressivement devenu inaudible. C'est l'interrogation d'Alain Rouquié, spécialiste de l'Amérique latine contemporaine, lorsqu'il se demande : « le Brésil aurait-il (…) perdu sur tous les tableaux en hésitant entre le proche et le lointain ? ».

Personnellement, c'est en regardant le sommet des BRIC que je vois apparaître les principales faiblesses brésiliennes.

Le Brésil est présenter de plus en plus comme la « ferme du monde », au coté de « l'usine du monde » chinoise et du « bureau du monde » indien.

On retrouvait déjà l'agriculture au sein du blocage des négociation OMC à Cancun. La Brésil avait capitaliser, avec succès, sur la vitalité de son agriculture pour agréger autour de lui les pays agricoles du sud.

Or aujourd'hui, le Brésil est passe d'être cantonné au rôle de grenier par la Chine.


Le Brésil redécouvre la théorie de la dépendance

Depuis 10 ans, le commerce entre la Chine et le Brésil a augmenté de 1300 %. De quoi donner un peu de cohérence au sommet BRICS.

Mais ce rapprochement s'apparente de plus en plus à une voie sans issue. Alors que le Brésil exporte de plus en plus de matières premières vers la Chine, ses importations de biens manufacturés ont augmenté de 60% en 2010 !

Le danger d'une spécialisation dans le boisseau de soja devrait pousser le Brésil a prendre ses distances avec la Chine. Déjà, Brasília vient de se ranger derrière les américains pour demander une réévaluation du yuan.

A quand la demande de libération de Lu Xiabo ?

mardi 5 avril 2011

Internet chinois, un plan de 600 milliards de dollars pour se développer


Oubliez l'"usine du monde", oubliez le "made in China"... la Chine fait sa révolution numérique !

Le nombre d'ordinateurs par famille décolle, le nombre d'internautes monte en flèche, et surtout, les achats en ligne explosent.

Pourtant, cette dynamique montante ne profite pas aux leaders type Google ou Microsoft. Non, la Chine possède déjà ses propres acteurs.

C'est la tendance majeure, la toile parle de plus en plus chinois.

Heureusement pour vous, je me suis mis au chinois récemment...

Le gouvernement veut mettre en orbite les technologies de l'information
Dans l'Edito, nous avons toujours été impressionnés par l'efficacité du volontarisme chinois. Et pour cause. En quelques années, il a permis de construire des géants mondiaux dans les mines et l'énergie.

Aujourd'hui, le gouvernement met le paquet sur les technologies de l'information. Il est grand temps pour nous de s'y intéresser.

Une ambition affichée depuis 2006
Depuis 2006, Pékin prépare le décollage des technologies de l'information. A cette date, le plan quinquennal de développement misait sur quelques secteurs technologiques seulement. De grands groupes sont alors sortis de terre, comme Huawei.

En 2011, la Chine procède différemment en listant les technologies qui lui manquent.

L'objectif est clair : calibrer le prochain plan quinquennal 2011-2016 sur les technologies.

600 milliards de dollars sur 5 ans
Pékin a bien compris que l'avenir se jouera dans les NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication). Le plan quinquennal de développement 2011-2016 dévoilé ces jours-ci devrait le confirmer :

Le gouvernement aurait l'intention d'investir 600 milliards de dollars sur 5 ans !

Les technologies de l'information seront au coeur de sa stratégie de développement. 600 milliards sur 5 ans... C'est énorme.

Le cas échéant, pas de doute. 2011 sera l'année où il faudra se placer sur cet immense marché.

Le marché chinois représente une opportunité gigantesque
La Chine est potentiellement le plus grand marché du monde de l'Internet. Un Chinois sur trois est internaute, ce qui représente déjà 400 millions de clients !

Et le taux de pénétration d'Internet en Chine s'accélère. Il va rapidement atteindre le pourcentage américain (90%). Cette accélération signifie que l'on pourrait approcher le milliard d'internautes d'ici 2020 ou 2015 !

L'enjeu financier est énorme.

Le marché numérique chinois pesait déjà 420 milliards de dollars en 2008. Avec un taux de croissance de 20% par an, imaginez les profits possibles !

Les géants chinois se frottent déjà les mains...

Baidu, Alibaba et Tencent, les trois dragons chinois du web
Les acteurs de l'Internet chinois montent en puissance. Leur stratégie est simple : copier les fleurons de la Silicon Valley en ajoutant une touche asiatique.

La méthode a réussi.

Le moteur de recherche chinois Baidu en est un symbole. En quelques années, il a évincé Google. Aujourd'hui, il s'est imposé comme LE moteur de recherche du pays avec 70% de parts de marché.

Le jeu en vaut la chandelle. Au troisième trimestre 2010, le marché chinois de la recherche par Internet a crû de 59% pour atteindre 3,13 milliards de yuans (471 millions de dollars).

Walmart bientôt relégué au rang de supérette de web
Alibaba a aussi fait des étincelles. Le groupe possède le très rentable site de vente en ligne Taobao. Ce site a déjà doublé ses ventes entre 2009 et 2010, pour atteindre les 60 milliards de dollars de biens échangés. 60 milliards de dollars.... vous avez bien lu.

A ce rythme de croissance, le commerce électronique chinois pourrait dépasser celui des Etats-Unis en quelques années.

Consécration suprême, les ventes du site pourrait même dépasser celles de Walmart d'ici 10 ans !

Les Occidentaux écartés. L'indépendance technologique prime
Les Occidentaux ont profité un temps du marché de l'Internet chinois. Cette période s'est achevée en 2010.

Alors que l'Inde compte plus que jamais sur Google ou Twitter, la Chine a écarté progressivement les icônes de la Silicon Valley. L'indépendance technologique est devenue une grande cause nationale.

Les compagnies occidentales ont été contraintes de s'allier avec des acteurs nationaux. Alibaba s'est allié à Microsoft. Baidu s'est associé au japonais Rakunen.

Quant aux vraies opportunités d'investissements, elles sont à rechercher parmi les valeurs montantes du net chinois.

La toile chinoise se diversifie
Les Chinois sont trop libéraux pour laisser un monopole se créer. Les sites Internet naissent donc dans tout le pays, et boostent les valeurs technologiques.

Il suffit de regarder le succès des introductions en Bourse. Le YouTube chinois, Youku, a bondi de 161% le premier jour de son introduction.

Et ne craignez pas la bulle Internet, les résultats suivent. Avec 203 millions de visiteurs par mois, le site attire déjà deux fois plus de visiteurs qu'eBay !

Les pépites chinoises 2.0
Les prochaines nouveautés Internet connaîtront le même sort.

Je vous conseille de regarder du côté des sites de jeux en ligne, qui connaissent une croissance impressionnante. Les sites de réseaux sociaux chinois se développent également à vitesse grand V.

Gardez ça en tête : sur la toile, la demande ressemble à n'importe quelle autre demande, seule la langue change...


Cet article a été publié dans l'Edito des Matières Premières le 07 mars

dimanche 3 avril 2011

Le cinéma indien, Tour de Babel ou marché émergent ? (2)

L'élève dépassera t-il le maître ?

Les choses changent en Inde. Ironiquement, c'est l'héritage d'Hollywood qui a donné à l'Inde les outils de son succès à l'international.

Les studios américains étaient très présents en Inde au début du XXème siècle.

Dans les années 1930, l'arrivé du cinéma parlant a changé la donne. En plus de faire disparaître les Lina Lamont de l'écran, il a entraîné un vaste mouvement de réappropriation du cinéma par les populations locales. Le mouvement de traduisit par le départ précipité des grands studios Hollywoodiens.

Pourtant, les indiens n'ont pas fait table rase de cette époque. Les studios indiens ont notamment conservé l'organisation hollywoodienne. Surtout, les indiens ont conservé la conception du cinéma comme un média « populaire ».

Revenir à une production indienne oui, mais production quand même...et industrielle de préférence.

C'est cette approche qui a donné au cinéma indien sa force, et sa capacité a s'imposer à l'étranger.


Le soft power indien en action

Sa capacité de production et une certaine proximité culturelle ont permis à New Delhi de s'imposer à l'échelle régionale. Le cinéma indien tient une place hégémonique au Sri Lanka, au Népal et même au Pakistan.

Mais au de-là de ces marchés, Bollywood a su trouver sa place bien au de-là de sa sphère régionale.

La force du soft power indien ne réside pas seulement dans sa capacité technologique à diffuser des films aux quatre coin du monde. Le conservatisme des films indiens, sur l'image du corps, sur la morale ou tout simplement sur les relations hommes femmes, a aussi été un argument de poids face au recyclage des codes du porno par les studios américains. Ce conservatisme a notamment permis de s'imposer dans les pays musulmans .

L'Asie du sud fait ainsi parti des marchés importants pour l'Inde. La Chine est également un client qui compte. Plus étonnant, l'Egypte est particulièrement attachée aux films indiens.

Conscient des capacités de sa soft power, l'Inde a protégé tout au long des années 1990 les intérêts de son industrie cinématographique. Lors du sommet de l'OMC à Seattle en 1999, elle s'est même joint à la France pour défendre «l'exception culturelle ».

Pourtant les années 2000 ont vu mûrir les réflexions de chacun. Aujourd'hui, indiens et américains semblent se retrouver au sein d'une communauté d’intérêts.


George Clooney, Brad Pitt et Tom Hanks bientôt produits par des studios indiens

A partir des années 2000, l'Inde a commencé à repenser sa stratégie à l'international. En se reposant sur la seule production de Bollywood, l'industrie du film indien courrait le risque de s'enfermer dans une vision kitch et folklorique.


L'Inde a ainsi mené une politique de séduction des marchés occidentaux au tournant des années 2000. La découverte Aishwarya Rai au festival de Cannes 2002 fut un des éléments de la stratégie indienne. En parallèle, les studios de Bombay se sont doter d'infrastructures modernes et d'une politique de coopération avec Hollywood.

Cette stratégie est en train de porter ses fruits. En se posant comme un trait d'union entre le cinéma populaire indien, et le cinéma commerciale hollywoodien, Bombay commence à brouiller la carte qui autrefois séparait le Nord du Sud.

Les plus grands réalisateurs, d'Oliver Stone à Steven Spielberg, envisagent désormais de produire des films en Inde. Disney et Warner y ont également des projets. A l'inverse, « Reliance Big Entertainement », le conglomérat indien, vient d'investir un milliard sur les studios Hollywoodiens.

Le temps de la lutte contre le colonialisme culturel semble bien loin. Chacun a finalement trouvé son avantage à commercer avec l'autre. Les studios hollywoodiens, confrontés à une stagnation des marchés occidentaux, recherchent à tout prix de nouveaux marchés qui ne seraient pas saturés du sourire de Tom Cruise (oui, ils existent). A l'inverse, les studios indiens cherchent à s'imposer sur des marchés où la place de cinéma dépasserait les 1$.

Pour l'instant, cette coopération ne semble pas conduire à des projets d'une grande originalité. Le prochain "Mission Impossible III" devrait se dérouler en Inde...

Les studios indiens courent ils le risque de s'autodétruire dans les 5 secondes ?