Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 6 novembre 2011

La Chine face à la bulle du Jade


La Chine n'aidera pas le vieux continent. C'est en soit ce que Pékin a expliqué à l'Europe lors d'un sommet du G20 qui aura bénéficié du rebondissement grec pour cacher la faiblesse de ses résultats.

On s'attendait à tout. La Chine aurait pu exiger ce qu'elle voulait contre un prêt à l'Europe. Des ports européens, des voitures allemandes, des raffineries françaises....mais non, la Chine préfère laisser la main au FMI. N'y voyez pas un manque de solidarité. Le Brésil ou l'Inde sont sur la même longueur d'onde. Pourquoi Pékin ne s'est pas servi sur le marché européen ?

D'abord, il n'est jamais bon de solliciter un prêt quand on vient d'effacer 50% de la dette d'un de ses membres. Mais au de-là, la capacité d'intervention de la Chine est probablement surestimée par les commentateurs. Entre cavalier blanc (Pékin) et cygne noir (le référendum grec), je glisserais un élément de nuance : La Chine n'a pas voulu s'occuper du cas européen car elle a déjà ses propres problèmes économiques. La Chine a de l'argent certes, mais aussi des difficultés. On a tous un prêt à rembourser...

Les déséquilibres de l'économie chinois se laissent deviner derrière la prolifération de bulles en tout genre. Une des plus intéressantes concerne la bulle du jade, dont les prix ont été multipliés par 10 en quasiment 10 ans.


Une production à la peine fait grimper les prix

Début 2010, un sceau de jade blanc ayant appartenu à l'empereur Qing Qianlong (1711-1799) a atteint la valeur de 12.3 millions de dollars ! Il s'agit d'un record dans le domaine du jade. Actuellement, la jade le plus fin, appelé « mutton fat », se négocie à 3000$. Il est désormais bien au dessus des prix de l'or.

Comme pour chaque formation d'une bulle, les fondamentaux du marché font partis des explications. La demande a augmenté, et l'offre n'a pas suivi. Un des plus importants producteurs de jade, la Birmanie, a mis des barrières à l'exportation de jade de haute qualité. De même, une autre région productrice, le Xin Jiang, est fréquemment confrontée à des tensions ethniques. Pékin pourrait freiner la production afin d'éviter que la minorité musulmane Ouïghour ne trouve dans le jade de nouvelles ressources financières.

Coté demande, elle est soutenue par une volonté d'échapper aux effets ravageurs de l'inflation chinoise, qui a atteint 6% cette année. A l'instar de l'or, le jade est en Chine une valeur refuge, ainsi qu'une façon d'étaler sa richesse pour les nouveaux riches chinois. Pourtant, au de-là des fondamentaux du marché, le jade est également porté par sa dimension symbolique.


Le jade, cette étoffe dont sont faits les rêves...chinois

Cette ruée sur le jade nous paraît excessive, voire dangereuse. Elle est pourtant cohérente. Elle correspond à un réinvestissement de la population chinoise dans son histoire, dans sa culture.

Pendant la dynastie Shang (-1767 à -1122), qui marqua l'émergence du jade comme un produit de luxe, la légende voulait que seuls les empereurs pouvaient posséder les mines de jade. On retrouve cette valeur symbolique avec l'or, qui nous fait tout suite voyager dans l'Espagne du XVIe siècle, ou dans le far west américain du XXè siècle. En plus d'être considéré comme une valeur refuge, la jade est donc un produit culturel, spécifiquement chinois. Cet aspect est souligné par un producteur Ouïghour du Xin Jiang, interviewé dans un article du New York Times, « le jade ne représente rien pour notre culture, mais nous sommes reconnaissant à Allah que les chinois en soient fous ».

Pourtant, des mouvements similaires aux marchés du jade se multiplient sur toute la Chine, révélant l'irrationalité de la hausse de certains marchés. Le plus connu est actuellement la bulle immobilière. Mais bien d'autres marchés connaissent des croissances délirantes.


Des bulles qui se forment de toute part

La volonté d'investir dans des biens précieux qui ne soient pas libellés en yuan laisse un vaste choix. Ainsi, les spécialistes voient une augmentation sans précédente de la valeur de biens comme les montres de luxe, le vin ou la peinture contemporaine. Ce qui caractérise ces produits, c'est une grande valeur, des prix en dollars et en euros, et une possibilité d'être transporté.

Ainsi, l'année dernière, une montre Patek Philipps de 1943 a atteint le record de 5.7 millions de dollars dans une vente aux enchères chez Christie's. De même, les prix des grands vins a explosé avec la demande chinoise. Une bouteille de châteaux Lafite se vend actuellement à 60 000 dollars, alors qu'elle atteignait 4000 ou 5000 dollars il y a encore 10 ans. Et comme je l'ai déjà évoqué sur ce blog, l'art chinois est en train de réellement exploser, autour d'artistes comme Zao Wou-ki ou Zeng Fanzhi.


Bulle et spéculation, ou les joies de l'économie de marché

Le problème, c'est que cette recherche de biens de valeurs discrets ont attiré de nouveaux acteurs, les spéculateurs. Pour revenir au cas du jade, un important vendeur de jade de la région de Qingdao estimait qu'entre 70 à 80% des acheteurs de jade étaient des spéculateurs.

Ce ne serait pas un problème si on ne savait pas que les histoires de bulles économiques finissent mal en général. Ce fut le cas de la bulle de la tulipe au 18e siècle, première bulle identifiée au monde, ou de la bulle immobilière américaine de 2007 en passant pas la bulle internet de 2000.

Actuellement, c'est la bulle de l'immobilier chinois qui fait les gros titres des journaux. Grâce à plusieurs mesures de la banque centrale chinoise visant a resserrer le crédit, les autorités ont étonnement réussi à réduire les prix de l'immobilier dans certaines villes.

Est ce que les autorités réussiront à faire de même pour le jade ? Rien n'est moins sur. La bulle ne menace pas l'équilibre globale de l'économie comme le fait l'immobilier.

Plutôt, l'explosion de la bulle du jade sera un nouveau signe que la Chine est rentrée dans l'économie de marché, où la psychologie et l'effet de mode comptent autant que les plans quinquennaux de l'Etat.

mercredi 7 septembre 2011

Pétrole, gaz et ballon rond, la nouvelle puissance Russe !


Il existe des signes de puissance classique, mais qu'il est désormais habituel de cacher. Le hard power est toujours employé, mais de moins en moins de manière affiché. Il y a au contraire des signes de soft power qu'il est de plus en plus fréquent d'afficher.

La Russie, temple de la realpolitik et de la geopolitique à visage humain, a décidé de s'essayer au soft power : le Football !

Samuel Eto'o, ancien joueur de Barcelone et jusqu'il y a peu sous contrat avec l'Inter Milan, est devenu le joueur le mieux payé de l'histoire en acceptant de recevoir un salaire de 20 millions de dollars annuel. Ni à Manchester, ni au Real, le jouer revêtira les couleurs du club de Anzhi

Makhachkala, dans la province méridionale russe du Daghestan.

Ayant fait fortune dans le pétrole, puis dans la potasse, lié au pouvoir, régional et probablement national, le propriétaire du club, Suleiman Kerimov a toutes les caractéristiques de l'oligarque russe triomphant.


Pourtant, le folklore de l'annonce (Eto'o touchera 20 000 dollars à chaque but marqué et 10 000 par passe décisive), ne doit pas cacher la tendance de fond que révèle ce transfert.

Si le pétrole et les engrais financeront ce football, ce n'est véritablement pas l'intérêt central de cette annonce. Après tout, Marseille n'était-il pas financé par un négociant en matières premières et Milan par la télé privé ? Non, l'intérêt est ailleurs. En frappant les esprits avec le plus haut salaire de l'histoire, l'oligarque russe a surtout voulu faire passer un message, la Russie est de retour !


Le football érigé en trophée politique
L'émergence du football russe est déjà une réalité depuis quelques années. En 2005, le CSKA Moscou donne à la Russie pour la première fois de son histoire un trophée européen, avec la Coupe UEFA. 3 ans plus tard, le Zénith St Pétersbourg confirme la percée russe en remportant à son tour ce trophée. Ces coupes s'ajoutent au succès de la Russie et d'Andreï Archavine lors de l'Euro 2008, ou de l'arrivée de l'oligarque russe Roman Abramovitch à la tête du club de Chelsea. Ce qui est plus frappant, c'est que le mouvement est orchestré depuis le Kremlin.


Lorsque l'on se penche sur les grands rendez vous de la Russie à venir, on se rend compte qu'intérêts sportifs et politiques concordent. L'éclosion du club d'Anzhi fait suite à l'étonnant publicité faite autour du club de Terek Grozny, en Tchéchénie, mise en musique par le satrape local Ramzan Kadhirov. Le Caucase reconvertit dans le tourisme de luxe pour joueurs fortunés est quelque peu surprenant. Le battage médiatique autour de ces deux club Potemkine a en réalité un premier objectif, réhabiliter une région ou se tiendra les Jeux Olympiques d'hiver en 2014 à Sotchi.

Au de-là de ce projet, la grande ambition de Vladimir Poutine sera de préparer le triomphe de sa ambition, l'organisation de la Coupe du Monde de football en 2018 !
Paradoxalement, c'est par la soft power que Vladimir Poutine devrait triompher, lui qui s'était fait le chantre de la renaissance de la puissance russe. Sans aller jusqu'à imaginer que l'ancien membre du KGB a fait son aggionamiento, le théorique premier ministre a fait preuve d'une grande capacité d’adaptation.



Le foot européen bientôt insolvable
Pour autant, la Russie n'est pas la seule à s'être saisie du football pour faire briller son étoile. A vrai dire, c'est pratiquement devenu une stratégie classique. Désormais, il n'y a bien que les chinois qui arrivent à terrifier trois européens en faisant défiler leurs derniers missiles sol-air sur la place rouge.

Désormais, pour exprimer sa puissance, on construit des tours d'un kilomètre de haut, on organise des expositions universelles, et on organise des compétitions sportives ! Après l'Afrique du sud, et avant la Russie, le Brésil organisera coup sur coup Jeux Olympiques ET Coupe du monde.

Pourtant cette évolution n'est pas le seul fait de pays en mal de visibilité. Le football se déplace car il stagne en Europe. C'est moins l'essor des pays émergents qui l'attire, que la faiblesse des nos pays européens.

Alors que les joueurs espagnoles et italiens se sont mis en grève devant les risques d'impayés de salaire, démontrant au passage qu'il n'y a pas que les joueurs français qui sont nuls en com, l'Europe représente désormais un marché saturé pour la Fifa. Les transferts de Chritiano Ronaldo ou de Wayne Rooney ont fissuré le football européen comme la crise de la dette grecque est en train de ruiner la finance européenne.



Sao Paulo ou Nijni-Novgorod bientôt en final de la Ligue des champions ?
Comme le souligne Fabio Liberti de l'IRIS, dans une interview donnée à l'Expresse, la Fifa « veut conquérir de nouveaux marchés, de nouveaux pays ». Le foot ne fait que suivre les flux financiers, à la recherche de nouvelles perspectives de croissance. Le mouvement a d'ailleurs été amorcé depuis un certain temps, avec le départ d'un nombre croissant de joueurs hors d'Europe.

Le football européen, après l'automobile, l'informatique ou le textile, devra à son tour affronter la concurrence internationale, sans que la Commission Européenne n'y puisse rien. Bientôt les clubs russes ou brésiliens, en attendant les clubs chinois, pourront payer des salaires assez élevés pour attirer les meilleurs joueurs européens, Il se pourrait que des joueurs comme Eto'o soit considéré à l'avenir comme des pionniers, et plus seulement comme des mercenaires.

La Ligue 1 sera d'ici là redevenu un jeu, avec des poteaux en t-shirt...













mercredi 24 août 2011

La rivalité de l'Inde et de la Chine autour de l'accès aux ressources énergétiques s'accroit (2)


L'Inde sera l'adversaire n°1 de la Chine sur la route des hydrocarbures.

Aux vues de sa consommation, New Delhi va rapidement devoir sécuriser ses approvisionnements. Déjà, ses importations de brut ont doublé depuis 10 ans. Le pays importe désormais 90% de sa consommation. D'ici à 2030, cette dépendance pourrait être multipliée par deux.


L'Inde a ainsi commencé à développer une vision stratégique de l'énergie, comme son rival chinois. Et comme la Chine, l'Inde a une priorité : Le Moyen Orient.

Pourtant, dans sa stratégie d'alliance, New Delhi semble vouloir se rapprocher d'un partenaire qui n'incarne pour le moins pas la constance, l'Iran.


Une diplomatie active dans le Golfe

Les pays du Golfe sont devenus en l'espace de quelques années une priorité pour l'Inde. Aidé également par la nouvelle politique du "Look East" adoptée par les membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), l’Inde a ainsi considérablement accru sa présence dans la région. Les membres du CCG, dont notamment l’Arabie Saoudite, le Koweït, Oman et les EAU, représentent aujourd’hui 45 % des importations de pétrole indien.

New Delhi s’est rapproché particulièrement de l’Arabie Saoudite. L’Inde est désormais le quatrième importateur de brut saoudien, derrière la Chine, les États-Unis et le Japon. Le Qatar est également le fournisseur quasi exclusif de GNL.

Au total, le Moyen-Orient fournit 65%des approvisionnements énergétiques de l’Inde.

La réponse du berger à la bergère

Devant la croissance de ces besoins, le port de Gwadar est inévitablement devenu une pierre dans le jardin indien, qui plus est au Pakistan.

Le pays a très vite mesuré le danger. Un ancien amiral de la marine indienne, Sureesh Metha, a récemment déclaré que la position stratégique de Gwadar offrait au Pakistan l’opportunité «de prendre le contrôle d’une artère énergétique mondiale, et d’y interdire les tankers indiens ».

En plus des risques que fait peser Gwadar sur les approvisionnements énergétiques, New Delhi a également du réagir au risque d'encerclement de la part de la marine chinoise. A travers la stratégie du « collier de perle », la Chine a réussi a entourer l'Inde. Pékin est désormais présent en Birmanie, au Bangladesh, au Sri Lanka...

La réponse indienne s'appelle Chabahar.

Situé sur la cote iranienne, ce port est distant de 72 kilomètres de Gwadar. Ce port pourrait à terme être le point de départ d’une autoroute énergétique qui rejoindrait le projet de gazoducs IPI (Iran-Pakistan-Inde).


Le mauvais cheval ?

La réponse de l'Inde s'est appuyé sur un de ses partenaire historique, l'Iran. Pourtant, l'Iran apparaît très impatient de jouer sa propre partition dans le Golfe, et notamment en s'opposant à l'hegemon local, les Etats-Unis. Au risque peut être de mettre en péril ses partenariats régionaux.

C'est ce qui a commencé à se passer fin 2010 dernier lors de problèmes intervenus lors du paiement par l'Inde d'uns livraison de pétrole en provenance d'Iran. Les États-Unis soupçonnait la chambre de compensation iranienne impliquée dans le règlement de permettre à Téhéran de contourner les sanctions internationales. L'Inde a alors décidé de cesser le paiements, provoquant la colère de Téhéran.

Anecdotique sur le plan financier, cet épisode révèle néanmoins le risque qu'à pris l'Inde en s'appuyant sur l'Iran pour contrer la Chine. Si le Pakistan est un État faible, tiraillé entre les États-Unis, les tribus du nord et la Chine, l'Iran paraît posséder au contraire un pouvoir unifié, au moins en apparence, et une volonté de l'exercer.

En se rapprochant de l'Iran, New Delhi n'a peut être pas misé sur le partenaire le plus sur. Reste que l'Iran est un acteur énergétique majeur, qui réussira peut etre un jour à réintégrer le giron de la communauté internationale. Le Pakistan, à l'inverse, ne possède aucune ressource énergétique, et craint constamment de voir son Etat voler en morceau.

L'Inde semble donc avoir privilégier une stratégie de long terme, en considérant, comme De Gaulle, la continuité des populations derrière les dirigeants éphémères.

dimanche 31 juillet 2011

New Delhi et Pékin s'affrontent en haute mer (1)



L'énergie est au cœur de la politique chinoise depuis 30 ans.


Depuis que la Chine est devenue importatrice net de pétrole en 1993, Pékin a progressivement considéré l'énergie comme une affaire de sécurité nationale. Si cette vision stratégique de l'énergie rappelle à bien des égards l'attitude américaine et leur vision « géoénergétique » du monde, c'est une autre puissance qui risque de concurrencer Pékin dans les années à venir, l'Inde.


Pour rentrer dans ce mois d'aout de plein pied, je vous propose de commencer par nous pencher sur le cas chinois. La semaine prochaine, nous verrons que les ambitions indiennes ne sont inférieures aux ambitions chinoises que pas manque de moyens pour les réaliser.


L'océan indien, un océan trop petit pour deux puissances

Au regard du rythme de croissance de la population et du niveau de la consommation, l'Inde et la Chine partagent des problématiques similaires. En ce sens, ils se distinguent complètement de leurs homologues émergents, comme le Brésil, l'Afrique du Sud et bien entendu de la Russie. La concurrence entre ces deux puissances pour l'accès aux ressources énergétiques s'est naturellement accrue ces dernières années.


Elle s'est en particulier concentrée autour du contrôle des routes maritimes menant aux pays du Golfe, en particulier au niveau du détroit d'Ormuz. Le deux ports de Chahabar et de Gwadar, que respectivement l'Inde et la Chine occupent à proximité de ce détroit, sont ainsi le reflet d'une rivalité qui pourrait imposer ce passage comme une des zones majeures de tension du 21ème siècle.


La Chine développe une vision stratégique de l'énergie

Depuis 2010, la Chine est le premier importateur de pétrole du monde. D'ici 2020, la Chine devra importer 60% de ses produits pétroliers. Or la majorité de ses besoins seront satisfaits par les pays du Moyen Orient. Cette région représente à elle seule 40% des approvisionnements en pétrole de la Chine.


Face à cette dépendance extrême, la Chine a pris soin d'imposer sa présence tout le long de la route maritime conduisant à son territoire. Cette présence a pris la forme de bases militaires, de postes d'observations et de stations d'écoute. Le port de Gwadar est alors devenue le symbole de ce que l'administration américaine a appelé le « collier de perle ».


La Perle pakistanaise, la clef de voute du système

Le port de Gwadar est le symbole de cette vision stratégique de l'énergie. Situé sur le territoire d'un allié traditionnel de la Chine, le Pakistan, Gwadar est situé à 240 kilomètres du détroit d'Ormuz. Cet emplacement permet à la Chine d'être présente sur une des artères énergétiques désormais parmi les plus importantes du monde.


Pour l'instant, la menace militaire chinoise dans l'océan indien est toute relative. L'objectif de la Chine jusqu'à maintenant était de protéger avant tout son territoire. La marine de haute mer est donc encore largement en retard, notamment face aux États-Unis. Mais à plus long terme, les chinois espèrent bien transformer ce port de Gwadar en un « hub énergétique ». En parallèle de l'activité militaire, Gwadar pourrait être le point de départ d'un pipeline qui rejoindrait la Chine par l'ancienne route terrestre de Karakoram.


La présence chinoise à Gwadar a ainsi très vite inquiété New Delhi. Signe de l'hostilité au projet, l’Inde appelle désormais ce port le « Gibraltar sino-pakistanais ».


S'il y a encore quelqu'un devant son ordinateur un 7 août, la suite la semaine prochaine.





lundi 11 juillet 2011

Quand Rupert Murdoch a voulu briser la forteresse chinoise


Il fut un temps où la Chine ne nous intimidait pas.

Non, je ne pense pas au Grand Bond en avant, ni aux guerres de l'opium, encore moins aux dernières années de la dynastie Ming...Non, je vous parle des années 1990.

Je profite des déboires du groupe de l'homme le plus haï actuellement d'Angleterre pour rappeler que Rupert Murdoch a également répondu aux sirènes de l'émergence de la Chine. C'était avant de se rappeler que ces sirènes nous mènent souvent à notre perte...


Le temps béni des illusions

Ce que j'aime avec les années 1990, c'est que les projets les plus incroyables sont subitement devenus crédibles aux yeux de grands conservateurs élevés dans l'art de la nuance voire de la demi-mesure.

La chute du mur de Berlin, la vague de démocratie en Europe de l'Est, l'entrée de la Chine dans l'économie de marché, autant d'évènements qui ont donné l'illusion de la toute puissance, voire de l'« hyperpuissance », du capitalisme face aux identités nationales.

Et les exemples abondaient pour confirmer ce nouvel ordre mondial. En l'espace d'à peine 10 ans, l'union improbable du FMI et d'oligarques auto-proclamées n'a t-elle pas réussi à privatiser à la fois les ressources et les élections russes ?

Profiter d'un tel scénario en Chine était tentant. Le patron de News Corp pose alors ses valises à Hong Kong.


Quand la Chine s'éveille....

Ruper Murdoch a commencé dès 1991 à traiter avec la Chine. L'objectif est simple : Obtenir un canal de diffusion en Chine.

Le groupe se dote d'abord de l'infrastructure, en rachetant à prix d'or une chaîne Hong Kongaise sur le déclin, Star TV.

Pour diffuser en Chine, le magnat des médias a besoin de connexions. Il va ainsi tout faire pour être le plus proche des dirigeants au pouvoir. Et Rupert Murdoch ne va pas ménager sa peine.

Il va ainsi jusqu'à faire publier par sa maison d'édition HarperCollins les mémoires (hagiographiques) de Deng Xiaoping. Il invite aussi son successeur, Jiang Zemin, a une séance de cinéma où il projette Titanic. Il réalise également son aggiornamento politique, mais à l'envers, en s'alignant sur les positions du parti en ce qui concerne les évènements de Tian'anmen. Il va jusqu'à qualifier le Dalaï-lama de « vieux moine très politicien qui se promène en chaussures Gucci ».

La stratégie marche, et la Chaine progresse sur les télés chinoises.


Un glamour de jeunesse

Très vite, Ruper Murdoch passe à la vitesse supérieure. Après la conquête de la chaine Star, le groupe lance deux nouveaux produits, une nouvelle chaine de télévision et un site Internet.

Il se rapproche d'abord de l'homme d'affaire Liu Changle, très bien introduit dans les sphères politiques chinoises. En sentant désormais le pouls du PCC, l'australien-américain peut désormais lancer son projet de chaine de télévision chinoise, la chaîne Phœnix.

Avec ses présentateurs aussi surexcités qu'une matinale de NRJ et l'arrivée du Live et du On-air, les chinois font exploser l'audimat.

La stratégie Internet du groupe, dirigée au passage par la troisième de femme de Rupert Murdoch, reproduit la même stratégie, avec les mêmes effets. Lancé en 1997, le site ChinaByte devient l'année de son lancement le premier site visité du pays.

Pourtant, le groupe va rapidement va rapidement voir son aura pâlir.


La machine de guerre de Rupert Murdoch enrayée

Pour respecter tout à fait la chronologie des évènements, les ennuis ont commencé un peu plus tôt pour le groupe en Chine.

Dès le lancement de Star, le PCC a limité la pénétration du groupe en Chine en restreignant puis en interdisant l'achat de paraboles. Star est alors obligé de s'en remettre à la « tolérance » des autorités face au commerce illégal des paraboles pour avoir une audience. Et encore, une audience gratuite.

Pékin va utiliser la même méthode avec la chaîne Phœnix. Sa diffusion est limitée aux hôtels 3 étoiles !

Mais le pire est à venir. En 2003, Rupert Murdoch perd ses appuis politiques. L'arrivée de Hu Jintao à la tête de l'Etat signe la fin de son ascension. Murdoch avoue publiquement que désormais, il « se heurte à un mur ».


Le contenu de Star et de Phœnix siphonné

Le plus étonnant peut être dans cette aventure aura finalement été l'extraordinaire banalité des mésaventures de Rupert Murdoch en Chine. Comme un bon nombre d'industriels, Rupert Murdoch ne s'est pas méfié de l'ambition chinoise.

En multipliant les joint ventures, Murdoch a développé les programme de coopération. Les officiels chinois ont été invités à Londres se renseigner sur le bouquet satellite BskyB du groupe.

Les officiels ont très vite vu l'intérêt de reproduire ce schéma en Chine, à la nuance près que Murdoch ne faisait pas parti des plans. A partir des années 2000, Star, Phoenix et ChinaByte sont copiés de manière industrielle, et revendus sur les chaines nationales.

Comme Alstom, Chanel, Airbus, la Warner et d'autres, Rupert Murdoch s'est fait piraté son « contenu » en Chine.

Aujourd'hui, après avoir laissé 2 milliards de dollars et sa chemise en Chine, Rupert Murdoch ne croit plus en la Chine.

Pourtant le géant des médias est resté en Asie. Nouvel objectif : L'Inde !

(Bientôt l'occasion d'un nouveau post !)



dimanche 3 juillet 2011

Pourquoi les pays émergents ont raté la marche du FMI


Les pays émergents doivent actuellement se demander qu'est ce qu'ils ont fait de mal.

Alors que leurs économies sont toujours aussi florissantes, leur réserves de changes débordantes, et leurs Banques Centrales vigilantes, le FMI vient de se choisir une européenne comme présidente.

Bien sur, on connait la traditionnelle mainmise des européens sur le FMI, et comme toute tradition, elle bénéficie du poids de l'habitude (d'aucun dirait de l'immobilisme).

Pourtant le tour de passe-passe des pays européens reste un coup de maitre. L'espace de quelques semaines, on a remplacé le débat Keynes-Friedman par celui de Mandrake - Copperfield.


L'argument féministe

Tout le monde voyait la ficelle, mais personne n'a rien dire. Oui, l'«affaire DSK» (au vue des récents évènements, je ne sais plus s'il faut parler de tragédie ou de soap opera) a paradoxalement permis à l'Europe de faire un dernier baroud d'honneur à la tête du FMI.

En présentant Christine Lagarde à la tête du FMI, la candidature était inattaquable. Et peu importe que l'on frise le conflit d'intérêt, les banques françaises étant exposées à hauteur de 53 milliards sur la dette Grecque.

Mais le plus incroyable c'est que depuis 10 ou 15 ans, les pays émergents ont fait la preuve de leur bien meilleure gestion monétaire.


Quand les sur-endettés se reconvertissent dans le conseil financier

« Les pays responsables de la plus grande crise depuis la Grande Dépression....vont élaborer les codes de conduite pour le reste du monde ». La déclaration vient du vociférant ministre brésilien des finances Guido Mantega.

Le ministre brésilien a été récemment été conforté dans son opinion par le rapport annuel de la BRI, la Banque de Règlements Internationaux.

« Contrôle des risques systémiques », « réserves obligatoires de banques », « surveillance de l'équilibre financier », tous ces critères étaient déjà appliqués par les banques centrales émergentes selon le rapport.

Les pays développés commencent seulement à développer ces outils. Et encore, Ben Bernanke reste accroché à sa « crise de 29 pour les nuls » en gardant les taux directeurs de la FED à 1.5%.

Alors pourquoi les pays émergents restent ils désespérément dans l'antichambre des institutions internationales ?


Un union politique en devenir, et qui le restera...

Les pays émergents arrivent de mieux en mieux à faire valoir leurs intérêts nationaux, mais de moins en moins leur intérêt collectif. C'est bien ce qui se dégage de cet épisode.

Ces pays resteront en marge sur le plan multilatéral tant qu'ils n'arriveront pas à s'unir sur le plan politique. Et cet horizon m'apparaît bien lointain, comme je l'ai souvent exposé sur ce blog.

Si je ne vois pas de coalition de pays émergents possible, je suis convaincu que ces pays compteront dans la désignation du prochain président du FMI. Une coalition Emergés-Emergents sera bien plus facile à mettre sur pied.

Mais d'ici là, le concept d'émergent aura eu le temps de changer de sens une bonne dizaine de fois.

mardi 28 juin 2011

Le plus grand hub du monde émerge


Il y a des réalités qui nous échappe parce que l'on reste attaché à une émotion, à une idée reçue, à l'éclat d'un souvenir...« l'Afrique est un continent en guerre », « Martigues est une jolie ville », « les ONG nous veulent du bien »...j'ai moi-même longtemps cru que Jim Jarmush était un cinéaste parce qu'il utilisait le noir et blanc.

Il est en train de se produire le même phénomène dans le Golfe Persique.

A l'insu des pays développés, les pays du Golfe sont devenus en quelques années des pays émergents !


Les pays du Golfe ont deux inconvénients qui nous ont aveuglé

D'abord, ils possèdent du pétrole, ou sont entourés de pays qui en possèdent. Ensuite, ils ont pour voisin un pays récalcitrant à l'ordre occidental, l'Iran.

Ces deux raisons expliquent pourquoi les termes de Kirkouk, Aramco ou encore Pasdaran ont presque fini par devenir familiers à nos oreilles, alors que nous ignorons encore tout des voitures que préfèrent les Dubaïotes, le peintre à la mode à Abu Dhabi, où le tube de Shakira que les Qataris détestent.

Ce que je veux dire, c'est que l'omniprésence du pétrole dans nos rapports avec ces pays nous a empêché de voir l'essentiel : Ces pays émergent !


Le Golfe sort la tête du baril

Il y a avait pourtant quelques signes annonciateurs. L'arrivée fracassante de compagnies dans l'aérien, comme Emirates ou Qatar Airways, dans le transport maritime, avec Dubaï Ports World, ou dans la banque, avec la banque islamique Abu Dhabi Islamic Bank.

Mais 2011 devait être l'année du sacre. Le 22 juin dernier, le MSCI devait donner son avis sur le passage du Qatar et des Émirats Arabes Unis du groupe des « frontier markets » au groupe star des émergents, les « emerging markets ». L'annonce paraît anodine, l'importance est immense.

Le MSCI est le premier instrument d'investissement au monde. Vous voulez placer le bas de laine de votre grande mère sur la dette chilienne ? Sur les pays émergents avec un levier 2 mais

votre grand mère hésite avec un levier 3 ? Le MSCI a déjà créé un indice sur ces thèmes, et vous

permet d'y investir.

L'avantage ? Il vous donne un passeport et de la visibilité sur les places financières.

Beaucoup attendait un échec suite aux évènements dans le monde arabe. L'annonce a finalement été reporté pour décembre. Ce n'est qu'une question de mois pour que le Golfe parlent gros sous avec la Chine.


La stratégie du hub

Lorsque l'on trace une droite sur un planisphère en partant de l'Europe et en direction du Moyen Orient, notre droite s'arrête automatiquement sur le Golfe. Si on la prolonge, la droite croise l'Inde, Singapour, la Malaisie, c'est à dire le nouveau rond point commercial international.

Les pays du Golfe ont construit leur croissance comme ça, en devenant une étape essentielle des trajets inter-continentaux. D'ailleurs, les sociétés que j'ai cité plus haut sont toutes spécialisées dans le transport, que ce soit de personnes, de marchandises ou de capitaux.

L'important, c'est que ça se déplace !


Une stratégie de long terme

Cette stratégie sera également mise en valeur par un autre axe, l'axe Asie-Afrique, bientôt les deux continents les plus peuplés du monde.

Et les pays du Golfe pensent déjà à l'après « hub ». Ils commencent à mettre en place les infrastructures pour anticiper l'arrivée d'autre populations que les cabinets financiers ou les femmes de ménage philippines.

Les services et surtout le tourisme sont parmi les priorités du Conseil de Coopération du Golfe, la tête pensante du Golfe Persique.


Une émergence économique, qui le restera

Malheureusement, le pétrole a eu un autre effet autrement plus pervers pour la région que sa sur-médiatisation, il les a privé de poids politique.

Leur armées sont toutes sous la coupe des États-Unis.

Or sans influence politique, il est peut probable qu'Abou Dabi bénéficie un jour de l'aura international que Pékin, New Delhi ou Brasília ont su capter en prenant position sur des questions internationales.


Il est donc à craindre que les pays du Golfe subissent à terme le "syndrome japonais". Ils brilleront dans le commerce, mais seule une poignée de spécialistes connaîtra le nom de leur premier ministre.


dimanche 19 juin 2011

L'Amérique du Sud à nouveau sur le radar de Brasília


On connait les ambitions du Brésil sur la scène internationale (voir article du 16/04). On connait mal sa politique régionale.

Cette zone d'ombre s'explique facilement. Lula s'est longtemps senti plus à l'aise devant George Bush Jr, Hu Jin Tao ou Ban Ki Moon que devant les représentants du Mercosur (le marché commun sud-américain).


Le Brésil est-il devenu snob ?

Le rôle croissant que Brazilia joue à l'ONU ou au sein de BRICS a probablement contribué à détourner Brazilia de ses intérêts régionaux. Mais il faut reconnaître que la faiblesse de ses voisins n'a pas aidé.

L'Argentine, l'autre grande nation du continent, a déçu. Si la crise argentine de 2001 explique en partie cet échec (poussée dans sa chute par un FMI que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître....), les dirigeants n'ont pas réussi à placer leur pays parmi le groupe de tête des pays émergents. Avouons qu'un passage des BRICS aux BARICS n'aurait peut être pas été aussi accrocheur...

Aux cotés de l'Argentine, les relations avec le Venezuela et surtout avec la Bolivie sont toujours restées houleuses, sur fond de rente gazière et de nationalisme galopant.

La fraicheur des relations du Brésil avec ses voisins est paradoxalement devenu un handicape pour ses ambitions internationales. Les pays sud-américains ne semblent actuellement pas prêt à laisser Brasília représenter le continent dans les instances internationales. Le Mexique et l'Argentine en particulier bloquent pour l'instant la candidature du Brésil à un siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU.

La diplomatie brésilienne semble avoir un peu vite oublié l'adage de Napoléon, « les États font la politique de leur géographie ».


Sexe, drogue et fonds de placements

Brasília a donc commencé à s'intéresser à nouveau à ses frontières. Immigrés surinamiens, drogues vénézueliennes, gaz bolivien, armes colombiennes, électricité paraguayenne...les sujets de coopérations ne manquent pas.

Le Brésil a d'abord commencé par renforcer les capacités de l'Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) sur le plan sécuritaire. Mais c'est principalement sur le plan économique que le Brésil a décidé d'être plus entreprenant.

Banco do Brasil, la plus grande banque du continent, vient de déclarer vouloir s'implanter dans plusieurs pays sud-américains. La banque vise le Chili, l'Argentine et la Colombie, deux pays qui possèdent les économies les plus développées du continent. Du fait de ses taux de croissance exceptionnels depuis 10 ans, le Pérou fait également parti des plans de la banque brésilienne.

C'est également sur le plan des idées que le Brésil veut progresser en Amérique du Sud. Une raison de plus de multiplier les « fêtes de voisins » régionales.


L'influence du « lulismo »

L'influence du Brésil sur le plan des idées est en train de devenir une source d'influence majeure du pays sur le continent.

Lors de l''arrivé au pouvoir du candidat socialiste Ollanta Humala à la tête du Perou début juin, les observateurs ont un peu trop rapidement fait basculé ce pays dans le camp de la gauche « chaviste », traditionnellement opposée à la gauche « luliste » depuis 10 ans.

Or l'influence du modèle brésilien sur cette candidature a été bien plus grande qu'on ne le pense. Le candidat au passé chaviste a été conseillé tout au long de sa campagne par les propres conseillers de Lula. Cette victoire a ainsi contribué à brouiller les cartes de la gauche socialiste sud-américaine, annonçant peut être l'essoufflement de la dynamique anti-capitaliste et anti-américaine de Chavez.

Après la déferlante de l'École de Chicago dans les années 1970, l'École de Brazilia est-elle en passe de s'imposer sur toute l'Amérique du Sud ?




mardi 14 juin 2011

L'Asie troque ses électrons contre des neurones



Une Révolution !

Cette fois oui, on nous l'assure, c'est une vrai Révolution ! Plus de doute possible.

Après des années de dur labeur, il paraît que les géants de l'électricité ont trouvé LA solution pour consommer mieux de l'énergie, voire moins, en tout cas différemment...

Et cette Révolution a un nom : Les Smart Grid !

Remarquez, en français, l'expression « réseau intelligent » nous laisse un vague sentiment d'incompréhension rapidement dissipé par une vague de désintérêt. Alors qu'avec les « Smart grid », on imagine déjà notre maison dans un spectacle Son & Lumière version Chambord...

Mais on en est pas tout à fait là. Et pour tout dire, la Révolution se fait un peu attendre....


Du concept fumeux au compteur électrique

Vous partagez peut être cette impression. Attendre l'électricien qui nous installera un smart grid revient encore le plus souvent à attendre Godot.

Je n'ai pas noté de lueur particulièrement intelligente dans l'ampoule de mon frigidaire, ni dans cette celle de ma lampe de chevet, quand à Chambord dans ma salle de bain, j'attends encore....

L'explication est assez simple. Concrètement, en France, cette « Révolution » n'a consisté encore qu'à installer des « compteurs intelligents ». Cette fois, même l'expression en anglais, « smart meter », n'arrive pas à nous faire rêver. Il s'agit de compteurs dotés d'un écran numérique qui affiche notre consommation en direct. Révolutionnaire en somme.

Et nous en sommes qu'à la phase de teste. Seule un poignée de particuliers ont pu expérimenter la joie de lire en direct la consommation de leur friteuse ou de leur lave-linge.

D'ailleurs, au regard de la difficulté à équiper les quelques ménages du Rhone et de la Tourraine qui ont été choisis pour le test, le plaisir ne doit pas être si intense.

Non, la seule chose intéressante à ce stade qui existe sur les smart grid, c'est leur géographie.

Les smart grid sont actuellement testés en France, sont un peu plus répandus en Italie, et en phase de test aux États-Unis.

Mais vous savez où est ce que les constructeurs de réseaux s'installent ? En Chine et en Inde !


Consommer plus tout en produisant moins, la recette miracle pour les émergents

La Chine et l'Inde partagent deux problématiques. D'une part ils ont besoin de consommer toujours plus d'énergie. D'autre part ils sont conscient depuis longtemps du danger d'accroitre leur dépendance énergétique.

Et quand on veut consommer tout autant en polluant moins, il n'existe qu'une seule solution : consommer différemment.

C'est justement le rêve prométhéen des smart grid, et c'est bien ce rêve que veulent leur vendre les énergéticiens.

En l'espace de quelques mois seulement, des géants de l'énergie sont arrivés à coup de milliards sur le secteur des smart grid en Asie.

C'est d'abord Alstom qui a pris la décisions en mars d'installer son centre de R&D « Alstom Grid » en Chine.

En mai dernier, c'est Schneider Electric qui a racheté coup sur coup Telvent et surtout l'indien Luminous, tous les deux spécialisés dans les smart grid.

Enfin, Toshiba a annoncé fin mai le rachat de Landi+Gyr pour 2.3 milliards de dollars. Ce rachat lui permet de détenir la société qui a été choisie pour équiper les foyers chinois en « compteurs intelligents ».


Une tournant industriel et technologique

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'avenir des smart grid se jouera en Asie. Vu de France, le concept est fumeux, incertain, voire inutile. Vu de Chine, le marché est gigantesque, illimité voire délirant.

Surtout, ce tournant fera de l'Asie un des pôles technologiques internationaux. Le réseau intelligent, c'est l'enfant illégitime de la révolution des télécommunications des années 1970 et 1980.

C'est pourquoi les smart grid attireront bientôt à Shanghai et Shenzhen les noms les plus prestigieux des high tech. Après Toshiba suivront Google, Microsoft ou encore IBM.

La fuite des cerveaux, mêmes électriques, s'accélèrent.

dimanche 5 juin 2011

Pour en finir avec l'illusion des BRICS

Cela faisait tellement longtemps que l'on annonçait à cor et à cri la fin de l'Europe, le pourrissement des démocraties européennes, l'enfoncement dans un ecolo-pacifisme stérile, que la probable reconduction d'un européen à la tête du FMI a pris à rebours encore une fois la plupart des commentateurs.

Ce scénario tient a deux raisons.


Les BRICS, un malentendu

Cette reconduction ne tient pas tant à l'unité européenne qu'au manque de cohérence des pays émergents. Je suis souvent revenu dans ce blog sur l'inanité du groupe des BRIC, devenu BRICS récemment. Goldman Sachs, à l'origine de l'acronyme, n'a jamais désigné autre chose que l'émergence économique de ces pays.

Libre à ceux qui le désiraient de s'engouffrer dans la brèche et de prétendre émerger sur la scène politique. Ce qui fut fait avec l'institutionnalisation des rencontres annuelles des BRICS, rencontres régulièrement recouvertes d'une fine couche de politique.

Par un mystère aussi inexplicable que désespérant, les pays européens ont commencé à croire à la force cette union, et à entretenir un complexe d'infériorité devant celle-ci. Bien que cette union ait à mes yeux autant de poids géostratégique qu'une association de pêcheur à la palangrotte du marais poitevin, les BRICS ont fait irruption dans une presse internationale avide de simplification et de rapport de force imaginaire.

La deuxième raison tient davantage à la nature de la diplomatie européenne.


L'Europe comme table de négociation

Ce qui est déplaisant pour une table de négociation, c'est qu'on s'assoit dessus la plupart du temps. L'avantage, c'est qu'elle est au centre des discutions. A force de prôner des valeurs de tolérance, d'écoute plutôt que d'affrontement, l'Europe a compensé son déficit en « hard power » par une vrai capacité de dialogue sur la scène internationale.

Au prix d'un abandon d'une politique de défense de ses intérêts, l'Europe à réussi à s'attirer la confiance de plusieurs pays émergents. Le Brésil est depuis plusieurs années un allié de la France. L'Inde court depuis longtemps derrière un accord de libre échange avec l'Union Européenne.

En présentant Md Lagarde à la tête du FMI, l'Union Européenne semble jouer sur ce statut ambiguë de puissance inoffensive. Bien entendu, l'heure n'est pas aux programmes idéologiques, et cette candidature européenne de consensus convient à ces heures difficiles.

Mais il ne faudrait pas que l'Europe se recroqueville dans ce rôle de technicien. Alors que les Etats Unis se préparent à une rechute de leur économie, et que les BRICS, dans leur forme actuelle, restent incapables de s'unir pour proposer une gouvernance mondiale cohérente, l'Europe a encore une carte à jouer...si seulement Md Asheton se réveillait.


vendredi 27 mai 2011

La Chine bientôt en pénurie de charbon ?



Les Etats-Unis ont connu le pic du pétrole 30 ans avant tout le monde. La Chine imitera bientôt les Etats-Unis dans le charbon...

Alors que la consommation ne cesse d'augmenter dans l'Empire du milieu, le gouvernement commence à s'inquiéter de l'état de ses ressources. L'Etat a même été forcé de rationaliser la consommation.
L'image de "grenier à charbon" de la Chine pourrait bientôt disparaître.


Positif pour l'environnement ? Oui.
Positif pour le gouvernement ? Non.


Car la Chine aura besoin encore longtemps du charbon. Et avec l'épuisement de ses ressources, la Chine devient de plus en plus dépendante des importations. Or les prix internationaux du charbon explosent depuis un an.


L'appétit dévorant de la Chine fera des heureux : les producteurs de charbon qui sauront profiter de l'envolée des prix.

Les "cygnes noirs" font décoller le minerai
Les prix internationaux du charbon ont touché les 124 $ début mai.
Cette hausse a notamment été alimentée par deux événements inattendus (cygnes noirs):

  • le tsunami et la catastrophe nucléaire japonaise. La reconstruction nécessitera un surcroît d'importations de charbon.
  • les inondations. Les mines de charbon australiennes, sud-africaines et colombiennes ont été partiellement inondées. 15% de la production australienne serait perdue. L'offre est à la peine.

Mais surtout, c'est bien une tendance plus lourde qui porte le marché depuis un an : la consommation chinoise !


Le plus grand consommateur de charbon au monde
La Chine est à la fois le plus gros consommateur et le plus gros producteur de charbon au monde.

Qui plus est, le pays est assis sur les troisièmes réserves mondiales, derrière celles de la Russie et des Etats-Unis. En revanche, sa place sur le marché international du charbon était jusque-là relativement réduite, le pays étant auto suffisant en charbon jusqu'à très récemment.

Ces atouts lui ont tout de même permis de faire passer sa production de 646 millions de tonnes équivalents pétrole en 1999, à 1.552 milliards en 2009. Malgré ses efforts côté production, cela n'a pas suffi. Sa consommation exponentielle a changé la donne.

La production n'arrive plus à suivre
Rien que pour le premier trimestre 2011, la consommation d'électricité a augmenté de 12%. La rapidité de l'électrification du pays a laissé la production à la traîne.

Les producteurs chinois comme Shenhua Energy et Yanzhou Coal Mining ont longtemps permis de maintenir la production à des rythmes très élevés. La production a encore augmenté de 15% en 2010.

Mais ce rythme est désormais bien en dessous du niveau de la consommation. Les importations ont ainsi dû augmenter de 42% la même année.

Aujourd'hui, la Chine arrive à gérer la pénurie, forçant des industries énergivores à fermer ponctuellement (c'est le cas des hauts-fourneaux aluminium par exemple).

Les émergents font la fortune des charbonniers
La Chine n'est pas la seule à compter majoritairement sur le charbon qui fait 80% de son électricité.
L'Inde utilise énormément le charbon pour produire son électricité. Les rythmes de consommation ont ainsi été similaires. La consommation indienne a augmenté de 50% sur les
sept dernières années.


Une coûteuse rationalisation
A la consommation chinoise effrénée s'ajoute un autre phénomène qui pousse les cours à la hausse : la rationalisation de l'industrie charbonnière chinoise.

L'Etat communiste est de plus en plus concerné par les risques environnementaux liés au charbon. Le gouvernement a ainsi ordonné la fermeture des petites mines jugées illégales ou trop dangereuses.

La décision a été catastrophique pour les régions fortement accros au charbon. Pour la seule région du Shanxi, la production a baissé de 10% fin 2009 du fait de l'arrêt brutal des centrales. Cette région a dû augmenter de 171% ses importations pour faire face à l'arrêt brutal de sa production.

Cette rationalisation pourrait laisser le pays dans une situation d'importation jusqu'en 2015.

Le contrat sur le charbon décolle
La hausse de la consommation et la baisse de la production ont conduit tout naturellement à une explosion des prix.

Les contrats passés entre les producteurs et Pékin ont atteint des chiffres jamais vus. Pour 2011-2012, la géant minier Xstrata a conclu un contrat avec le Japon à 130 $ la tonne. C'est une augmentation de 32,6% en à peine un an.

L'Australie et l'Indonésie sortent gagnants
Les principaux producteurs de charbon asiatiques sont évidemment les grands bénéficiaires de l'appétit chinois et indien.

Selon l'Energy Information Administration, les exportations australiennes en direction de l'Asie devraient augmenter de 64% d'ici 2035. Sur la même période, les exportations de l'Indonésie devrait augmenter de 26%.


Cet article a été publié sur www.edito-matieres-premieres.fr

samedi 14 mai 2011

La Chine, art, spéculation et poissons monochromes

Il semble bien loin le temps où Simon Leys décrivait l'asphyxie culturelle de la Chine. Jiang Qing aux commandes, les bibliothèques regorgeaient alors des œuvres de Mao et les opéras étaient au nombre de 4. L'art avait alors été vidé, asséché, dévitalisé par la veuve Mao qui pourtant aurait excellé dans le rôle de la mère Thenardier.

En mars dernier, Pékin vient de mettre une corde de plus à son arc : l'art. Ou plutôt le marché de l'art. La Chine est devenue le deuxième marché de l'art dans le monde devant l'Angleterre, pourtant mère patrie de Christie's.


Quand Baishi Qi passe devant Andy Wharol

La Chine était déjà très présente sur le marché de l'art.

Parmi les 10 artistes les plus cotés au monde, 4 sont chinois. Picasso est suivi de Baishi Qi (photo), puis de Wharol, pour retrouver ensuite Daqian Zhang et Beihong Xu et Baoshi Fu. Et parmi les artistes contemporains, les chinois s'imposent également. Dans le top 10, après Basquiat, Koons et Prince, suivent 6 artistes chinois.

La Chine possède également des maisons de ventes. Derrière Sotheby's et Christie's pointe 7 maisons chinoises, comme Poly International ou China Guardian.

Je ne crois pas aux coïncidence, comme à l'émergence d'une génération spontanée de talent. J'ai plus tendance à croire aux coups de projecteurs et aux investissements spéculatifs. Dans ce secteur, la Chine s'en sort pas trop mal...


La subversion commerciale

On ne peut pas dissocier la montée en puissance de la Chine actuellement et le boom de son marché de l'art. Oui, j'enfonce les portes ouvertes. Les quelques lignes qui suivent s'adresseront donc à toi, lecteur naïf qui pense encore que Ben est original et Bernard Buffet a du talent.

Je me souviens d'un numéro de la série Strip Tease, de France 3, qui avait été consacré entièrement au collectionneur d'art Pierre Hubert. L'émission le suivait notamment en Chine faire le tour de plusieurs ateliers. La façon d'acheter les toiles m'avait sensiblement rappelé le choix attentif que je porte tous les samedi matin à acheter mes tranches de jambon. La comparaison vaut aussi lorsque je dois investir une forte somme dans une nouvelle paire de chaussettes.

Le collectionneur sillonnait au pas de charge les ateliers et achetait en vrac. Mais le plus intéressant était la qualité des toiles. Acidulées, faussement politiquement incorrect. On aurait pu les rapprocher de Lichtenstein si ces artistes avaient eu à leur disposition plus d'un stabilo jaune, et avaient eu du talent.

Mais le collectionneur avait repéré le trio gagnant :

    Sujets politiques + Couleurs fluos + Émergence de la Chine


Les fonds d'investissement, ou le goût de l'art

Cet exemple illustre une tendance, le marché de l'art chinois est devenu un eldorado pour les fonds d'investissement en quête de placements. L'art, c'est un peu comme les métaux précieux ou les sacs Hermès, leur marché est souvent épargné par les krachs boursiers.

Ce mouvement spéculatif a été illustré avec le succès foudroyant de Zhang Xiaogang (photo). Début Avril, cet artiste réalisait un record pour une œuvre contemporaine chinoise, avec la vente d'un triptyque pour 7.1 millions d'euros. L'artiste avait déjà flambé dans les années 2000, où une œuvre vendue à 40 000 euros en 2003 avait atteint 2.3 millions en 2006.

Le succès de la collection Ullens, décrite par les Echos du 15 avril, avait également été expliquée par l'arrivée d'un fonds d'investissement américain.


Les émergents déplacent le centre de gravité de l'art

Vous l'avez remarqué, la Chine n'est pas le seul pays émergents. Le Moyen Orient ou l'Inde décollent aussi depuis 10 ans. Et leur marché de l'art également....quand je vous dis que les coïncidences n'existent pas.

Sotheby's a annoncé récemment que le marché du Moyen Orient connaissait le plus fort taux de croissance dans le monde. De même, L'Inde commence à remuer, portée par le portefeuille sans fonds des grandes familles indiennes comme les Mittal ou les Ambani.

La conclusion apparaît bien simple. En art comme en immobilier, l'argent va là ou le marché est porteur. Peu importe que les artistes locaux se rapprochent plus de Combas que de Picasso....