Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

mardi 30 mars 2010

« Troisième paquet énergie » : La Commission Européenne multiplie les priorités énergétiques


La politique énergétique de l’Union Européenne a lancé un processus de libéralisation, amorcé dans les années 1980 en théorie, et appliqué à partir des années 1990. Après les directives de 1996 et 1998, puis de 2003, la libéralisation du secteur est rentrée dans sa troisième phase en 2009, avec l’adoption du « troisième paquet énergie».

Depuis l’adoption des deux premières directives, l’environnement européen et international a considérablement changé depuis 1990. La crise économique, ainsi que les résultats mitigés de la libéralisation, notamment concernant la baisse des prix du kWh, ont incité la Commission a modifier sa stratégie.

Ainsi le troisième paquet introduit deux nouvelles priorités : la lutte contre le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements. Louables en soit, la Commission devra cependant faire preuve d’habilité pour surmonter deux obstacles. D’une part, la Commission devra résoudre les contradictions potentielles de ces objectifs entre eux, et contenir l’influence des grands groupes énergétiques européens, favorables à une plus grande liberté sur les marchés.

Les invariances de la politique énergétique européenne
Malgré la crise économique et les demi-succès de sa politique, le principe du troisième paquet perpétue la politique anti-trust, censée conduire à la création d’un marché unique de l’énergie.

Le paquet accroît ainsi la séparation des activités du secteur (« unbundling »), en insistant sur la séparation entre les activités de gestion de réseaux et les activités de production et de distribution. Cette politique s’est accompagnée de mesures visant à intensifier les échanges intra-européens, et à développer les infrastructures communautaires.

La Commission a mis en avant le nivellement des réglementations techniques et l’homogénéisation de l’accès à l’énergie, afin de faciliter les échanges. Sur le plan des infrastructures, le président Barosso a lancé des pistes pour la construction d’un « nouveau super réseau européen de l’électricité et du gaz » sur le type des « smart grid » américains.

La politique énergétique, pilier de la politique climatique
Intégrée très vite dans les priorités de la Commission, la thématique environnementale tend aujourd’hui à être de plus en plus intégrée à la politique énergétique, et à se substituer à la théorie libérale comme principal justificatif de la libéralisation. Accessoirement, ce transfert permet de redonner une plus grande légitimité à la Commission.

Le volet énergétique de la politique climatique est particulièrement contraignant. D’ici à 2020, la commission s’est fixée l’objectif des 20-20-20 (- 20 % d’émissions de gaz à effet de serre, + 20% d’efficacité énergétique, 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie). Ces objectifs auront un impact direct sur le mix énergétique européen et sur le réseau énergétique.

Sur le mix énergétique, la Commission a décidé de subventionner les énergies renouvelables. Cette mesure permet d’équilibrer la rentabilité de certaines énergies « vertes », avec celle du charbon par exemple.

La nécessité de privilégier les énergies vertes devrait également conduire les acteurs européens à financer de nouveaux réseaux, reliant de nouveaux territoires, à l’instar des batteries de panneaux solaires dans le Sahara, ou d’éoliennes dans la Mer du Nord.

La sécurité énergétique, avec et contre qui ?
La sécurité énergétique est le dernier volet de la politique énergétique. A la fois pour répondre à la menace des « guerres du gaz » entre la Russie et l’Ukraine, et aux coupures d’électricité que plusieurs pays européens ont connus, notamment l’Italie en 2003 et l’Allemagne en 2006, le concept a été introduit dans le troisième paquet.

Ces préoccupations sont compatibles avec certains objectifs écologiques. Ainsi, les investissements dans les énergies renouvelables permettront de réduire la dépendance énergétique de l’Union. De même, l’investissement dans les « smart grid » renforceront la solidité de ces réseaux. Pourtant, certaines orientations risquent d’opposer sécurité et environnement.

Le dilemme de la « Trinité énergétique »
Le choix de ces trois objectifs pose un problème en terme de cohérence. Comme le souligne Thomas Veyrenc, dans son rapport sur la politique énergétique européenne, il est « impossibilité d’agir de manière symétrique sur les trois leviers ».

La volonté de réduire l’utilisation du charbon dans le mix énergétique européen ne pourra pas être compensée directement par les énergies renouvelables. Cette réduction sera certainement compensée par un plus grande utilisation du gaz. Or le principal fournisseur de gaz demeure la Russie. Ainsi, le choix environnemental pourrait se faire au détriment de la sécurité européenne.

La Commission, un gouvernement sans pouvoir
Le principal problème de la Commission est sont manque de pouvoir. En particulier, la commission reste faible financièrement pour soutenir les grands projets d’infrastructures, et faible politiquement dans ses relations extérieures.

Ces faiblesses ont permis à plusieurs pays, notamment propriétaires de grands groupes, de mener des politiques unilatérale. Ainsi, en traitant directement avec Moscou de leurs approvisionnements en gaz, la France et l’Allemagne ont empêché la Commission de proposer un projet de partenariat extérieur crédible.

Mr Oettinger, trop proche des grands groupes ?
De manière plus profonde, la récente nomination de Mr Oettinger à la tête de la Commission Energie marque peut être une inflexion de la politique énergétique européenne. Partisan de la libéralisation, Mr Oettinger est pourtant soupçonnée d’être proche des grands groupes allemands, tel que E.ON et RWE.

Dans un contexte de retour de l’Etat dans la politique, et d’échec relatif de la libéralisation, les grands pays européens pourraient effectivement choisir de préserver les structures de leurs grands groupes, d’une part pour défendre leur champions nationaux, et d’autre part pour leur permettre d’affronter la concurrence sur la scène internationale.

jeudi 25 mars 2010

Politique énergétique chinoise : L’heure des choix

Dans son ascension économique foudroyante, la Chine s’appuie sur une consommation énergétique gigantesque. Aidée par de considérables ressources charbonnières, la Chine a jusque là pu fournir à son industrie une énergie bon marché et en quantité, tout en préservant son autonomie énergétique.

Pourtant, la faible efficacité énergétique de cette ressource, couplée à une augmentation sans cesse croissante de la demande de l’industrie et des ménages, devraient mettre à mal dans les années à venir les choix énergétiques hérités des années 1950.

La recherche de l’indépendance énergétique
L’origine de l’attachement de la Chine à son indépendance énergétique est à rechercher dans son enfance communiste. Fidèle aux principes du communisme soviétique, auxquels la Chine était encore attachée au début des années 1950, le premier plan quinquennal imposa l’industrie lourde au centre de l’économie, tout en prônant l’indépendance énergétique. Le charbon, dont la Chine dispose des troisièmes réserves mondiales, permit de réaliser les plans de développement économique de Pékin.

Au tournant des années 1970, la Chine s’intéressa un temps à l’exploration pétrolière. Mais le plafonnement rapide de sa production, ainsi que la crainte d’une présence étrangère dans un secteur stratégique, fit rapidement abandonner toute velléité de diversification.

Aujourd’hui, le Charbon compte encore pour 70% des approvisionnements en énergie primaire, dont 70% sont consommés par l’industrie, bien que les importations de pétrole augmentent de façon croissante.

Un élément clef du modèle économique chinois
La grande domination du charbon sur l’énergie chinoise s’explique par le choix d’un modèle économique tourné vers l'exportation.

Grâce à la compétitivité du charbon, renforcée par les barrières posées à l’entrée des marchés pétroliers et gaziers, l’industrie a bénéficié jusqu’ici d’une énergie bon marché, lui permettant de gagner en compétitivité sur les marchés internationaux.

Au total, 40% de l’énergie consommée en Chine est utilisée pour exporter. Cette corrélation entre charbon et exportations se vérifie d’ailleurs dans la proximité respective de leur taux de croissance, 10% pour l’économie entre 2000 et 2007, 9.7% pour le charbon sur la même période.

Un modèle devenu insoutenable
Dans une période où les médias égrainent au fil des jours les nouveaux secteurs où la Chine est devenue leader, une analyse à long terme des perspectives de croissance de l’économie chinoise rend pourtant ce modèle énergétique non viable.

Face à l’augmentation sans cesse croissante de la consommation énergétique, la production de charbon s’avérera insuffisante dans les années à venir. Cette évolution risque d’entraîner de profonds bouleversements, qui affecteront autant l’industrie que la société dans son ensemble.

Le pays devra avant tout être capable de mettre en place des mécanismes de marchés lui permettant de s’approvisionner sur les marchés mondiaux. A titre d’exemple, l’abandon de la politique de subvention et de quotas à l’énergie, devrait permettre au gaz de redevenir compétitif face au charbon.

La Chine devra également être capable d’apporter une réponse aux déséquilibres économiques et sociaux qu’une libéralisation des prix de l’énergie entraînera chez les entreprises et les ménages.

Une politique énergétique, miroir des défis chinois
Une telle évolution constitue un profond bouleversement pour un pays qui a construit sa politique énergétique sur la double logique de l’ouverture et de l’autosuffisance énergétique. De manière plus large, l’abandon de la sacro-sainte autonomie énergétique obligera Pékin a assumer les responsabilités d’une puissance majeure sur la scène internationale. Ce n’est qu’à ce titre que la Chine pourra se hisser au rang de grande puissance.

A titre d’exemple, en freinant l’ouverture du marché du gaz, la Chine continue de sécuriser ses approvisionnements énergétiques. Pourtant, cette politique ralentit les transferts de technologies que des investissements étrangers apporteraient, et paradoxalement, accroît la vulnérabilité de son économie en ne permettant pas de réduire l’intensité énergétique de son industrie.

Sur un autre échelle, l’inflexibilité chinoise à Copenhague, ou sur le dossier iranien, protège son modèle économique énergétivore, mais hypothèque ses chances de voir les positions américaines ou européennes s’adoucir sur d’autres dossiers, comme Taiwan ou le Tibet.

La question énergétique chinoise pointe ainsi du doigt une question essentielle : La Chine sera t’elle capable d’adapter ses politiques aux exigences qui incombent à une grande puissance en devenir ?

La réponse sera partiellement donnée lorsque la Chine aura mis en place un mix énergétique durable. A ce titre, les récents investissements de la Chine dans le nucléaire et dans l’énergie éolienne pourraient prolonger cette période de relative autonomie énergétique, et repousser ainsi l’inflexion de la politique chinoise sur la scène internationale.

jeudi 18 mars 2010

La France regarde enfin vers l’Est

La France, à travers les célébrations de l’année de la Russie en 2010, essaie de rattraper son retard sur ses partenaires européens. Sur les ruines d’une hypothétique politique énergétique européenne, plusieurs pays européens avaient commencé à mener des politiques énergétiques unilatérales.

Longtemps demeurée à l’écart de ce mouvement, la France s’emploie désormais à concurrencer ces pays sur le thème du partenariat stratégique avec le grand voisin de l’est. La percée des fleurons énergétiques français, au premier rang desquels GDF Suez, Total et EDF, a ouvert la voie à ce rapprochement. Désormais, la tache de M Sarkozy est de gommer l’image rugueuse de la Russie, et sceller le rapprochement russo-européen.

De l’atlantique à l’Oural, la "maison commune" sur les rails
Les certitudes gaulliennes sur une Russie partenaire naturelle de l’Europe ont commencé à s’imposer, tant le centre de gravité de l’Europe semble s’être (à nouveau) déplacé vers l’Est depuis 10 ans.

Mais si la France regarde depuis peu vers l’Oural plutôt que vers les Rocheuses, elle apparaît encore loin derrière d’autres acteurs européens, tel l’Allemagne et l’Italie, plus prompt à saisir les modifications des équilibres au sein du continent européen.

La France à contre-temps
En 2007, les accents droits-de-l’hommiste de la diplomatie française, conjugués à l’atlantisme patenté de Nicolas Sarkozy, avaient suffit à geler les relations du quai d’Orsay avec le Kremlin, et à laisser les fruits du rapprochement aux pays voisins.

Ainsi, au début des années 2000, le groupe allemand E.ON et Gazprom s’entendaient pour construire le gazoduc Nord Stream, destiné à approvisionner l’Europe du nord-ouest en gaz, tout en contournant les pays de transit par la Mer Baltique.

En 2007, ENI, la compagnie énergétique italienne, s’associait avec Gazprom pour construire South Stream, un autre gazoduc construit pour approvisionner l’Europe en gaz.

Enfin, en 2009, Siemens signifiait abruptement la fin de sa collaboration avec Areva, pour se tourner vers Atomenergoprom, l’équivalent russe d’Areva.

Enfin EDF vint…
Depuis un an, la France a procédé à son « aggiornamento » diplomatique. Au cœur de ce renouveau, l’année Franco-Russe, célébrée aussi bien à l’Hermitage qu’au Louvre. Ce pragmatisme, a eu l’avantage de replacer la France au centre de la compétition européenne.

2009 a marqué le retour des grands groupes français. En novembre, lors de la visite de Vladimir Poutine, EDF obtenait la signature d’un accord cadre, lui octroyant 10% dans le projet de gazoduc South Stream, et laissait envisager un partenariat avec Inter RAO UES, le plus important électricien russe. Début mars, la visite de Medvedev à Paris satisfaisait les appétits d’un autre leader énergétique tricolore, GDF Suez, en lui permettant d’acquérir 9% du projet Nord Stream.

La coopération nucléaire était également fortement encouragée. Stratégie soutenue par François Roussely, l'ancien président d'EDF, à qui Nicolas Sarkozy a confié une mission sur l'avenir de la filière nucléaire, EDF annonçait début mars un projet d’accord avec Rosatom.

Aux coté de l'énergie, la France a également renforcé ses liens économiques grâce à la vente probable de quatre vaisseaux BPC de type Mistral à la Russie. De même, des partenariats ont été créé entre Alstom avec Transmashholding (TMH), ou entre Renault avec Lada.

Une puissance régionale
Ce rapprochement en fanfare ne doit pourtant rien à une récente découverte d’Alla Pugacheva par Nicolas Sarkozy, mais bien à un calcul économico-politique. La France a renforcé sa collaboration avec la Russie, car le pays-continent possède de sérieux leviers économiques et géopolitiques en Eurasie.

En Europe, la Russie, principale fournisseuse d’énergie, n’en est pas moins un partenaire économique majeur. Actuellement troisième partenaire commercial de l’Union Européenne, le potentiel du marché russe, notamment en ce qui concerne les hautes technologies, suscite des intérêts extrêmement forts.

Sur la scène internationale, la Russie demeure un acteur incontournable, tant dans le dossier afghan, grâce à ses liens historiques avec l’Inde et l’Asie Centrale, que sur le dossier iranien, et sa collaboration au programme nucléaire. Enfin, trop souvent ignoré, les récentes vagues d’immigrés russes vers Israël ont procuré à la Russie un levier important sur la politique de ce pays.

Une fenêtre d’opportunité
La construction d’une relation solide entre les européens et la Russie doit s’opérer tout de suite, car une fenêtre d’opportunité s’est récemment ouverte.

Tout d’abord, la fin des turpitudes européennes autour du Traité de Lisbonne permet désormais aux dirigeants de regarder au de-là de leurs frontières. La Russie, qui ne demande qu’à être considéré, serait probablement flattée d’être enfin traitée comme un partenaire stratégique éssentiel, ce qu’elle est par ailleurs.

Surtout, les européens devraient profiter de l’espace laissé vacant par Barack Obama. Absorbé par sa réforme de la politique de santé et sur l’Afghanistan, le président américain a offert aux européens l’opportunité de proposer un partenariat à la Russie, incluant aussi bien les questions de sécurité européenne que de collaboration économique.

vendredi 12 mars 2010

L'interdépendance énergétique remise en cause : la fin de la Pax Sovietica
Le cas de l’électricité en Asie centrale.

Si l’effondrement de l’URSS a entraîné dans sa chute l’idéal communiste, 1991 a également signifié la disparition d’un autre idéal léniniste, l’électrification du territoire. En effet, comme le proclamait le leader de la Révolution d’Octobre, le communisme se définit par « les Soviets, plus l’électricité ».

Or en 1991, l’effondrement signe la fin de l’architecture électrique soviétique. Nationalisme et quête d’identité pour les nouvelles Républiques se conjuguent pour célébrer l’indépendance retrouvée. Cet enthousiasme se heurta pourtant très vite à une réalité matérielles : Les pays étaient toujours reliés les uns des autres par des câbles électriques.

Souvent de manière autoritaire, le pouvoir soviétique avait pourtant réussit à créer des réseaux régionaux efficaces. En Asie Centrale en particulier, la structure de cette industrie permettait d’une part d’alimenter toutes les populations, et d’autres part de servir les ambitions économiques soviétiques dans la région.

L’Asie centrale et l’héritage de la guerre de sécession
En Asie centrale, la structuration du réseau électrique était une conséquence du choix de la mono-culture : le Coton. Historiquement, c’est pour palier la chute des importations de coton américain, les Etats Unis étant en plein guerre de sécession, que Moscou attribua à l’Asie centrale la charge de produire le coton pour ses filatures. Cette politique fut reprise et accentuée par les soviétiques, notamment lors du lancement en fanfare de la « Campagne des Terres Vierges » de Nikita Khrouchtchev.

Le coton demandant beaucoup d’eau, les importantes ressources hydrauliques de la région, situées dans les deux pays montagneux de la région, le Kirghizstan et le Tadjikistan, furent ainsi mises au service des pays de plaine producteurs de coton, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Moscou imposa ainsi aux « châteaux d’eau » de ne relâcher leur eau qu’au printemps, c’est à dire lors des périodes d’irrigation du coton.

Or bleu contre or noir
Les « châteaux d’eau » faisaient, et font toujours partis, des pays les plus pauvres de la CEI. Or leurs ressources hydrauliques étaient leur unique richesse, et leur seul moyen de produire de l’électricité en l’absence de ressources pétrolières et gazières.

Moscou imposa alors un troc, où l’Ouzbékistan et le Kazakhstan devaient fournir pétrole et gaz en hiver à ces deux pays, en contre partie de l’irrigation de leurs champs au printemps.

La révolte des « châteaux d’eau »
Or ce modèle se brisa en 1991, sous le double coup de la montée des nationalismes et du libéralisme économique.

Le Kirghizstan et le Tadjikistan prirent tout d’abord conscience que leur unique ressource demeurait largement sous-exploitée. L’hydroélectricité pouvait alimenter les industries et les foyers en hiver, tout en produisant des excédents destinés à être revendu, à la Russie, à la Chine ou l’Afghanistan. De toute façon, ces pays n’avaient pas les moyens de payer les importations d’hydrocarbures au prix du marché.

En conséquence, les pays de plaine, en particulier l’Ouzbékistan demeuré très dépendant de son coton, retrouvèrent à plusieurs reprise leur champs inondés en hiver. L’absence de coopération, en dépit de la création de plusieurs organisations intergouvernementales, exacerba les rancunes et les susceptibilités de ces nouveaux nés sur la scène internationale.

L’industrie électrique, victime de l’anarchie post-impérialiste
Si le conflit est en voie de règlement, notamment grâce à des projets d’infrastructures ménageant les intérêts de chacun, ce schéma s’est reproduit à diverses reprises depuis 1991. La question du transit du gaz ukrainien repose sur la même logique. Habitués à un système de troc, où intérêts politiques et économiques s’entremêlaient, les pays post-soviétiques eurent beaucoup de difficulté à établir des liens marchands entre eux.

On est tenté de comprendre la montée de ces tensions dans la CEI comme l’exemple typique du passage d’un système impérialiste stable, à l’anarchie d’une système multipolaire. Le « bandwagoning », pour reprendre une expression de Robert Gilpin, tel que le pratiquait les satellites soviétiques consistait à accepter un rôle économique peu profitable, pour eux ou pour la région (voir le destin de la Mer d’Aral), en contre partie d’autres avantages (fourniture de pétrole et de gaz, prestige politique).

1991 signa la fin de cette logique. 15 nouveaux Etats se mirent à rechercher désespérémment sécurité (énergétique notamment) et stabilité. Pour ce faire, les pays 'appuyèrent soit sur une politique de statu quo, conservant autoritarisme et centralisation soviétique, soit sur une politique national, parfois au mépris des solidarités régionales.

Dans cette optique, l’industrie électrique d’Asie Centrale est un bon témoin des contradictions rencontrées par les pays post-soviétiques, et de leur difficultés rencontrées à mettre en place des politiques nationales qui prennent en compte les ambitions nationales et l'héritage soviétique.

mardi 9 mars 2010

Turkménistan : La fin de l’isolationnisme



Le Turkménistan, peut être le pays le plus opaque d’Asie Centrale, est il en train de normaliser sa situation sur la scène internationale ? Le pays semble effectivement regarder au de-là de ses frontières, et accepter de jouer le jeu de la diplomatie, sous l’impulsion du nouvel homme fort du pays, Gurbanguly Berdimuhamedov.

Plus habitué à animer les rubriques folkloriques des pages « international » de nos magazines, le Turkménistan pourrait à l’avenir apparaître dans plusieurs autres rubriques, au premier rang desquelles la diplomatie régionale et la bataille de l’énergie.

Un pays Ermite
Au sortir de l’indépendance, le tout puissant président Niyazov, « Turkmenbashi » selon sa propre dénomination (Père des Turcs), avait choisit d’isoler son pays du reste du monde. Le pays acquit le statut de neutralité, et réussit à passer pratiquement inaperçu tout au long des années 1990, période qui connut pourtant une certaine agitation dans la région.

Le pays refusa également les contacts régionaux, en refusant d’adhérer à l'OTSC (l'Organisation du Traité de sécurité collective) et à l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le pays n’est également plus que simple observateur dans la CEI.

De timides réformes intérieures
En 2006, la mort de Saparmurat Niyazov, et l’arrivée au pouvoir du ministre de la santé, Gurbanguly Berdimuhamedov, avait laissé espérer un changement de trajectoire du pays. En 2010, le bilan s’avère nuancé.

Au plan économique, la situation économique du pays s’est améliorée. La population, bien que consciente de l’hypocrisie des chiffres officiels du chômage, apprécient désormais que les « les pensions [soient] versées aux retraités » (1). Le nouveau président a également déclaré son intention de diversifier l’économie, afin que les revenus des hydrocarbures ne représentent plus que 30% du PIB d’ici 2020 (80% aujourd’hui).

Sur le plan des libertés individuelles, quelques avancées ont été remarquées, comme l’autorisation de partir travailler à l’étranger, ou l’amélioration de l’accès à Internet.

Gurbanguly Berdimuhamedov n’est pas Gorbatchev
Pourtant, l’heure est plutôt à la déception parmi les diplomates étrangers. S’il est désormais incontestable que le nouveau président turkmène n’est pas un nouveau Gorbatchev (d’ailleurs le souhaite t’on vraiment au Turkménistan ?), le rythme des changements des débuts avait laissé éspérer une réelle transformation du pays.

Quatre ans après, force est de constater que le rythme des réformes s’est ralentit. Le régime demeure extrêmement oppressif, et le récent frein mis aux échanges universitaires à l’étranger témoigne d’une volonté de préserver une certaine autarcie, héritée du régime précédent.

L’évolution majeure concerne au final surtout la politique étrangère. En développant ses contacts avec ses voisins, et en multipliant les projets de coopération, le Turkménistan semble vouloir exploiter au maximum ses richesses et sa position géographique.

Gaz Turkmène : La fin du tête à tête russo-turkmène
Le gaz du Turkménistan représente une autre pièce du puzzle de la géopolitique des tubes de l’Eurasie. « Gazprom » était jusqu’à récemment dans une situation de quasi monopole d’achat du gaz turkmène, à l’exception d’un gazoduc iranien construit en 1998. Mais en quelques années, les réserves turkmènes, sur lesquelles il existe pourtant beaucoup d’incertitudes (de 7.94 trillion m3 selon BP, à 2.7 trillion m3 selon Cedigaz), ont attiré de nouveaux investisseurs. Les rapport de force s’est alors inversé avec Moscou, ce qui a permis au pays d’aligner les prix du gaz vendu à la Russie sur les prix du gaz acheté par les européens.

Aschabat courtisé de toutes parts
Aschabat a tout d’abord développé ses relations avec son voisin iranien. En 2010, un deuxième gazoduc était mis en service vers ce pays, portant ses exportations à 20 milliards de m3 vers ce pays.

L’Union européenne a également manifesté un intérêt pour le gaz turkmène, afin d’assurer la viabilité de son projet gazier « Nabucco ». Moscou et Bruxelles se sont d’ailleurs livrés une bataille d’influence rappelant le « Great Game » anglais, ou de la « danse des ombres » version russe, afin de faire basculer le Turkménistan du bon coté de la barrière.

Mais c’est un autre partenaire qui, à force de pragmatisme, semble pour l’instant avoir réussi à tirer son épingle de l’écheveau de gazoducs, la Chine. En un temps record, alors que russes et turkmènes s’enlisaient dans des négociations sans fin depuis 2007, elle réussit à construire un gazoducs reliant le Turkménistan à la chine occidentale, et acheminant désormais 40m3.

Le « model chinois » enfin exporté ?
Le Turkménistan commence à se saisir, à nouveau, de sa géographie, et apparaît conscient des opportunités qui s’offrent à lui. Glissera t’il vers une réorganisation de ses alliances régionales, autour d’une identité Turque, regroupant l’Ouzbékistan, la Turquie et les minorités disséminées dans les pays voisins, ou autour d’une identité plus asiatique, autour d’un bloc comprenant l’Iran et le Pakistan ?

Le pays fera t’il le choix du statu quo, arguant que la relation avec la Russie, en dépit des anicroches du printemps dernier, demeure la plus stable des relations que le pays puisse avoir, alors que les autres pays voisins sont soit pointés du doigt par la communauté internationale, soit en guerre ?

Un dernier scénario existe encore, l’adoption d’un modèle chinois, qui mêlerait ouverture économique, et rigidité politique. S’il est encore trop tôt pour juger, il faut garder à l‘esprit que le pays se sent naturellement plus proche d’un « quiet partner » comme la Chine que d’un donneur d’ordre version américaine.

mardi 2 mars 2010

La « Révolution » du gaz non-conventionnel !

Selon les propres termes de Tony Hayward, le patron de BP, les récentes avancées technologiques permettant désormais d’exploiter des gaz non-conventionnels préparent une vrai « révolution » sur les marchés du gaz. Cette avancée pourrait notamment remettre en cause nombre de stratégies des acteurs du gaz, au premier rang desquelles celle du géant gazier russe « Gazprom ».

« Gazprom » déjà affaibli par la crise économique
C’est effectivement dans un contexte déjà déprimé que « Gazprom » doit affronter cette question des gaz non-conventionnels. Au premier semestre de 2009, le quotidien « Kommersant » révélait que les pays européens avaient réduit leurs achats de gaz de 29% (-21% pour la France), tendance qui s’est prolongée tout au long de l’année. La Turquie avait même émis l’hypothèse de revenir sur le principe du « take or pay », sacro-saint principe des contrats gaziers obligeant les pays à acheter une part minimale (autour de 80%) des quantités distribués par la société gazière.

Si la firme à la flamme bleue est consciente qu’elle devra faire des compromis sur cette dette européenne (après tout, les européens se sont gardés de passer aux actes lorsqu’ils ont dénoncé l’arrêt des approvisionnements russes lors de la crise Ukrainienne en 2009), il est un autre événement, autrement plus dangereux, qui pourrait amener à redéfinir complètement l'équilibre du marché du gaz européen : les gaz non –conventionnels.

Le gaz non conventionnel à l’essai
Ces gaz conventionnels, où « shale gaz », sont l’équivalent de ce que sont les sables bitumineux du Canada pour le pétrole. Ils constituent potentiellement des ressources en gaz considérables, pour des pays qui jusque là étaient obligés de l’importer.

Au Etats Unis, pionnier dans l’exploitation du gaz non-conventionnel, sa production représente 4% de la consommation, mais pourrait passer à 50% à l’horizon 2020, selon certains experts. C’est ici que l’on touche du doigt le point essentiel: les "shale gaz" pourraient à l’avenir dégager certains pays de leur dépendance énergétique !

L’Europe bénéficiaire
Ces gaz, dont la production demeure encore faible, soulèvent pourtant de nombreux espoirs en Europe.

D’abord, la mise en exploitation de gisements de gaz non-conventionnels en Europe contribuerait mécaniquement à faire baisser les prix du gaz, conséquence de l’accroissement de l’offre. Ce mécanisme est déjà à l’œuvre aux Etats Unis.
Cet exemple serait probablement repris comme argument par les grandes majors du gaz en Europe pour exiger une baisse des prix du gaz, fixés par les contrats bilatéraux de long terme avec « Gazprom », voire à dissocier leurs calculs des prix du pétrole.

Un deuxième argument en faveur de leur mise en exploitation de ces nouveaux champs gaziers serait la réduction de la dépendance des pays d’Europe de l’Est aux gazoducs russes. Cette dépendance s'était d'ailleurs renforcée après le lancements des projets "Nord Stream" et "South Stream", censés contournés les pays d’Europe orientale. Si l’état des réserves européennes ne sont pas encore établies, nous savons que des réserves existeraient en Europe de l’Est.

Avis de tempête pour « Gazprom »
Ces divers scénarios participent à rendre « Gazprom » nerveux depuis quelques mois. Et en effet, ces développements pourraient sérieusement mettre en périle sa stratégie industrielle.

La principale conséquence consisterait à saper la compétitivité de ses projets géants, actuellement mis en oeuvre en Mer de Barents (Chtokman) et dans l’océan arctique (Yamal). Ces gisements, à l’origine exploités pour approvisionner les nouveaux ports GNL américains, pourraient perdre de leur compétitivité depuis que la production de « shale gas » a remplacé les importations américaines de gaz.

Selon la « Sobietsky Institute », un think tank polonais, « Gazprom » pourrait même voir la rentabilité de son principal projet européen, le gazoduc « Nord Stream », remise en cause.

Les gaz non conventionnels , « Mythe » ou « Révolution » ?
Dans ce contexte tendu, deux discours radicaux se sont opposés. Alexandre Medvedev, le directeur du service exportation de la compagnie, a dénoncé le « mythe » construit autour des gaz non conventionnels, et a rappelé que leur exploitation demeurait très coûteuse.

A l’inverse, Greg Pytel, analyste de la « Sobieski Institute », a prédit « que de nombreuses livraisons russes seraient remplacées par des productions de gaz conventionnel, éffectuées par les multinationales ». Ce pronostique a été repris par l’Agence Internationale de l’Energie.

L'avenir peu favorable de « Gazprom »
Si ces déclarations ne peuvent pas être dissociées des relations compliquées qu'entretiennent russes et polonais, l’enjeux apparaît pourtant crucial pour chacun. La fin du monopole russe sur les exportations de gaz signifierait la perte d’un levier économique et politique majeur pour le Kremlin.

En Pologne, la découverte de « shale gaz » lui permettrait de prendre sa revanche sur la Russie et l’Allemagne, et sur leur projet de gazoduc contournant son territoire.

Si aucune réserve n’est prouvée à ce jour, les résultats des prochains forages en Europe se révéleront essentiels pour l’avenir du marché du gaz européen.