Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

mercredi 7 septembre 2011

Pétrole, gaz et ballon rond, la nouvelle puissance Russe !


Il existe des signes de puissance classique, mais qu'il est désormais habituel de cacher. Le hard power est toujours employé, mais de moins en moins de manière affiché. Il y a au contraire des signes de soft power qu'il est de plus en plus fréquent d'afficher.

La Russie, temple de la realpolitik et de la geopolitique à visage humain, a décidé de s'essayer au soft power : le Football !

Samuel Eto'o, ancien joueur de Barcelone et jusqu'il y a peu sous contrat avec l'Inter Milan, est devenu le joueur le mieux payé de l'histoire en acceptant de recevoir un salaire de 20 millions de dollars annuel. Ni à Manchester, ni au Real, le jouer revêtira les couleurs du club de Anzhi

Makhachkala, dans la province méridionale russe du Daghestan.

Ayant fait fortune dans le pétrole, puis dans la potasse, lié au pouvoir, régional et probablement national, le propriétaire du club, Suleiman Kerimov a toutes les caractéristiques de l'oligarque russe triomphant.


Pourtant, le folklore de l'annonce (Eto'o touchera 20 000 dollars à chaque but marqué et 10 000 par passe décisive), ne doit pas cacher la tendance de fond que révèle ce transfert.

Si le pétrole et les engrais financeront ce football, ce n'est véritablement pas l'intérêt central de cette annonce. Après tout, Marseille n'était-il pas financé par un négociant en matières premières et Milan par la télé privé ? Non, l'intérêt est ailleurs. En frappant les esprits avec le plus haut salaire de l'histoire, l'oligarque russe a surtout voulu faire passer un message, la Russie est de retour !


Le football érigé en trophée politique
L'émergence du football russe est déjà une réalité depuis quelques années. En 2005, le CSKA Moscou donne à la Russie pour la première fois de son histoire un trophée européen, avec la Coupe UEFA. 3 ans plus tard, le Zénith St Pétersbourg confirme la percée russe en remportant à son tour ce trophée. Ces coupes s'ajoutent au succès de la Russie et d'Andreï Archavine lors de l'Euro 2008, ou de l'arrivée de l'oligarque russe Roman Abramovitch à la tête du club de Chelsea. Ce qui est plus frappant, c'est que le mouvement est orchestré depuis le Kremlin.


Lorsque l'on se penche sur les grands rendez vous de la Russie à venir, on se rend compte qu'intérêts sportifs et politiques concordent. L'éclosion du club d'Anzhi fait suite à l'étonnant publicité faite autour du club de Terek Grozny, en Tchéchénie, mise en musique par le satrape local Ramzan Kadhirov. Le Caucase reconvertit dans le tourisme de luxe pour joueurs fortunés est quelque peu surprenant. Le battage médiatique autour de ces deux club Potemkine a en réalité un premier objectif, réhabiliter une région ou se tiendra les Jeux Olympiques d'hiver en 2014 à Sotchi.

Au de-là de ce projet, la grande ambition de Vladimir Poutine sera de préparer le triomphe de sa ambition, l'organisation de la Coupe du Monde de football en 2018 !
Paradoxalement, c'est par la soft power que Vladimir Poutine devrait triompher, lui qui s'était fait le chantre de la renaissance de la puissance russe. Sans aller jusqu'à imaginer que l'ancien membre du KGB a fait son aggionamiento, le théorique premier ministre a fait preuve d'une grande capacité d’adaptation.



Le foot européen bientôt insolvable
Pour autant, la Russie n'est pas la seule à s'être saisie du football pour faire briller son étoile. A vrai dire, c'est pratiquement devenu une stratégie classique. Désormais, il n'y a bien que les chinois qui arrivent à terrifier trois européens en faisant défiler leurs derniers missiles sol-air sur la place rouge.

Désormais, pour exprimer sa puissance, on construit des tours d'un kilomètre de haut, on organise des expositions universelles, et on organise des compétitions sportives ! Après l'Afrique du sud, et avant la Russie, le Brésil organisera coup sur coup Jeux Olympiques ET Coupe du monde.

Pourtant cette évolution n'est pas le seul fait de pays en mal de visibilité. Le football se déplace car il stagne en Europe. C'est moins l'essor des pays émergents qui l'attire, que la faiblesse des nos pays européens.

Alors que les joueurs espagnoles et italiens se sont mis en grève devant les risques d'impayés de salaire, démontrant au passage qu'il n'y a pas que les joueurs français qui sont nuls en com, l'Europe représente désormais un marché saturé pour la Fifa. Les transferts de Chritiano Ronaldo ou de Wayne Rooney ont fissuré le football européen comme la crise de la dette grecque est en train de ruiner la finance européenne.



Sao Paulo ou Nijni-Novgorod bientôt en final de la Ligue des champions ?
Comme le souligne Fabio Liberti de l'IRIS, dans une interview donnée à l'Expresse, la Fifa « veut conquérir de nouveaux marchés, de nouveaux pays ». Le foot ne fait que suivre les flux financiers, à la recherche de nouvelles perspectives de croissance. Le mouvement a d'ailleurs été amorcé depuis un certain temps, avec le départ d'un nombre croissant de joueurs hors d'Europe.

Le football européen, après l'automobile, l'informatique ou le textile, devra à son tour affronter la concurrence internationale, sans que la Commission Européenne n'y puisse rien. Bientôt les clubs russes ou brésiliens, en attendant les clubs chinois, pourront payer des salaires assez élevés pour attirer les meilleurs joueurs européens, Il se pourrait que des joueurs comme Eto'o soit considéré à l'avenir comme des pionniers, et plus seulement comme des mercenaires.

La Ligue 1 sera d'ici là redevenu un jeu, avec des poteaux en t-shirt...