Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 8 janvier 2012

Pékin allergique aux cents fleurs américaines

Dans un discours prononcé en octobre dernier, lors du 17e congrès du Parti Communiste Chinois, le président chinois Hu Jintao a dénoncé l'« occidentalisation » du monde.

Destiné aux cadres du parti communiste, ce discours s'inquiétait
de ce « que les forces hostiles internationales intensifient leur complot stratégique pour occidentaliser et diviser la Chine, les domaines culturel et idéologique sont leur point principal d'infiltration à long terme ».

Le discours est direct et offensif, mâtiné d'une légère couche de marxisme-léninisme. Par les thèmes abordés, la « puissance culturelle », et les cibles implicites, les États-Unis, ce discours a fait rapidement écho au débat sur la diversité culturelle que Paris a participé à faire émerger au début des années 2000.


Pourtant les motivations du président chinois apparaissent bien éloignées des préoccupations françaises.



La France se trompe de débat
Comme la France, la Chine se méfie des États-Unis. Comme la France, la Chine a une culture profonde, millénaire. Comme la France, la Chine voit dans le « soft power » américain une menace.

Aussi familières que soient ces thématiques développées par Pékin, elles restent pourtant très loin du débat qui s'est cristallisé à l'UNESCO autour de la « Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle » de 2001.

On s'en souvient, c'est Jacques Chirac qui avait été un avocat particulièrement passionné de la diversité culturelle, plastronnant et pourfendant de sommets internationaux en sommets
internationaux la culture mainstream américaine.

La Chine a fait l'inverse.

Hu Jintao a prononcé son discours dans le cadre feutré et discret du PCC. Le texte a ensuite été publié discrètement dans Qiu Shi, la revue théorique du Parti communiste chinois.

Cette différence d'approche doit nous éclairer sur les motivations réelles de ce discours.


Une nation de 5000 ans
Jacques Chirac donnait l'impression de mener un combat d'arrière-garde. Si son combat pouvait apparaitre légitime, le déclin de la culture contemporaine française dans le monde a donné à son discours une tonalité très défensive.

Rien de tel avec la Chine.

Comme le rappelle régulièrement le sinologue Jean-luc Domenach, la Chine a plus souvent pêché par excès de confiance que par complexe d'infériorité. Lorsque Richard Nixon eu la machiavélique idée de renouer contact avec la Chine communiste dans les années 1970, les Etats-Unis s'aventurèrent a donner des leçons de démocratie au dirigeant de l'époque Deng Xioping. La réponse du leader chinois fut cinglante. Comment une nation qui avait à peine 200 ans pouvait faire la leçon à une civilisation vielle de plus de 5000 ans.

En réalité, le discours du président chinois ne s'inquiétait pas de l'influence du nombre de copies du dernier films de Brad Pitt circulant en Chine, mais bien des valeur que ce genre de films diffusent.

Ainsi derrière le terme de « culture », le président chinois veut avant tout mettre en garde le PCC contre les germes d'une déstabilisation.


Une déclaration de guerre à la diversité
S'adressant avant tout aux cadres du parti, le message du président chinois relevait donc d'abord de la politique intérieure. Et son message, à rebours de ce que la France s'est empressée de comprendre, était moins une apologie de la culture qu'une déclaration de guerre à la diversité.

En 1957, pendant la « Campagne des 100 fleurs », c'est bien par un appel aux intellectuels que Mao a fait vaciller le régime pendant plusieurs mois. Aujourd'hui, le PCC sait que les fleurs sont cultivées aux États-Unis, et craint que la greffe ne prenne en Chine.

Mais la culture n'est pas le seul domaine concerné par cette lutte contre la diversité.


Pékin verrouille sa transition
L'offensive contre la diversité culturelle intervient après une première vague de répression contre la liberté politique (les deux dissidents Chen Wei et Chen Xi Xi, ancien de Tian'anmen, ont été condamnés à 9 et 10 ans de prison en décembre dernier) et contre la liberté du corps (Ai Wei Wei accusé de « pornographie »).

Cette politique globale s'inscrit dans le cadre d'une préparation de la passation de pouvoir à la tête de l'État qui doit avoir lieu en novembre prochain. Les dirigeants actuellement au pouvoir, Hu Jintao et Wen Jiabao, seront remplacés par respectivement Xi Linping et Li Kequiang.

Or la Chine est en train de ralentir sur le plan économique. Pékin sait que les immenses bouleversements qu'à connu la Chine depuis plusieurs années ont transformé le paysage social. Un arrêt de la croissance ne permettrait plus financièrement de faire supporter ces changements à la population. Un soulèvement populaire serait alors possible.

Pour plus de détails sur la transition à la tête du pouvoir, vous pourvez retrouver le blog d'Eric Meyer ici.

Quel rôle pour l'« occident » alors ?
Prétendre que Pékin pourrait désormais être un allié de circonstance contre les États-Unis sur la question de la diversité culturelle au sein de l'OMC est donc une illusion.

Plutôt, la France serait inspirée de prendre la Chine au mots, et de lutter contre son « occidentalisation » en soutenant les artistes contemporains chinois. De nombreux cinéastes politiques, que l'on retrouve notamment dans le documentaire « Chinese Independent Cinema in the Post-Tiananmen Era », ne sont toujours pas distribués publiquement.

Leur distribution leur permettrait peut être de rivaliser avec Justin Timberlake et Julia Roberts.
Ce n'est pas ce qu'espère Hu Jintao ?

lundi 2 janvier 2012

Les États-Unis sur la voie de l'indépendance énergétique ?




Article publié sur Atlantico.fr le 12 décembre 2011. Pour retrouver l'article, cliquez ici.


Le 30 mars 2011, lorsque Barack Obama a déclaré dans un discours à l'université Georgetown vouloir réduire la dépendance des États-Unis aux importations de pétrole, la promesse sonnait comme une vielle antienne américaine.

Car quel président américain n’a pas promis un jour l’indépendance énergétique à son pays ?

En 1973, en pleine crise pétrolière, Richard Nixon promettait déjà l’indépendance énergétique en 7 ans. Ce ne fut pas son plus grand succès. Entre 1973 et 2005, les importations de pétrole sont passées de 35% à 60% de la consommation totale. Et pourtant, depuis 2006, les États-Unis sont réellement en train de réduire leurs importations de pétrole. Cette prouesse au pays du pétrole roi est due à une seule chose : le pétrole de schiste.

Pas de pic pétrolier dans le Dakota du Nord
Le pétrole de schiste reprend les mêmes arguments qui ont permis l'essor du gaz de schiste aux États-Unis. En employant à son tour la technologie du forage horizontal et de la fracturation hydraulique, l’industrie pétrolière est en train de révolutionner le paysage pétrolier américain. Si les États-Unis importent encore 9 millions de barils, ces importations sont néanmoins en baisse depuis 2006.

Et cette révolution est menée par un petit État américain. Il y a eu le Klondike pour l’or, le Texas pour le pétrole, il y a aura le Dakota du nord pour le pétrole de schiste. Car c’est dans le bassin de Bakken, situé dans l’Etat américain du Dakota du nord, que pour la première fois a jailli du pétrole de schiste. Ce graphique de la production pétrolière mensuelle du Dakota du nord, entre 2005 et 2011, parle de lui-même :

Source : Agence Internationale de l'Energie

Plus connu pour ses cultures de blé et d’orge, le Dakota est désormais le quatrième producteur de pétrole des Etats Unis. L’Utah, le Colorado et le Wyoming pourraient bientôt produire du pétrole à leur tour. Selon une étude de Bank of America et Merrill Lynch Global Research, la production de pétrole non conventionnel pourrait atteindre 2.5 millions de barils par jour en 2015 aux États-Unis.

Une indépendance énergétique encore lointaine
Le potentiel de production semble considérable, et surtout unique. Selon le Survey of Energy Resources du World Energy Council de 2010, les États-Unis possèdent les ressources potentielles les plus importantes au monde.

Pourtant ces richesses ne permettront pas d'isoler le marché américain du marché international du pétrole. Si la hausse de la production a permis aux États-Unis de devenir un exportateur net de gazoline et de diesel depuis 10 ans, la production de pétrole de schiste ne sera jamais suffisante pour remplacer la totalité des 9 millions de barils importer quotidiennement. Et à supposer que les ressources s'avèrent plus larges que prévues et le permettent, l'effondrement des prix qui en résulterait pousserait un certain nombre de producteurs à arrêter leur activité.

Si Washington restera donc dépendant de la géopolitique des pays du Golfe ou des pays d'Amérique Latine, l'arrivée de ce pétrole de schiste sur les marchés internationaux permettra cependant de modérer quelque peu les prix sur le marché international, et de rééquilibrer la balance énergétique de Washington.