Mondes Emergents

Another BRICS in the world...

dimanche 27 mars 2011

Le cinéma indien, Tour de Babel ou marché émergent ? (1)


Jim Carrey dans le prochain Shekhar Kapur !

C'est le genre de couverture auquel « Première » et « Cinéma » devraient s'attendre dans les années à venir.

Encore récemment, c'est Steven Spielberg qui faisait sensation en annonçant sa collaboration avec le conglomérat indien « Reliance ADA ».

Oui, Hollywood et Bollywood travaillent ensemble, au point de ne pas savoir lequel a piqué le nom de l'autre en premier....

La raison est simple, le cinéma indien évolue. Plutôt, le marché du film indien s'étend. Vers ses voisins d'abord, en Asie ensuite, et désormais aux États-Unis.

Ça y est, vous arrivez à voir Jim Carrey avec un Bindi sur le front ?

L'ouverture à l'international
Le marché indien fait figure d'exception parmi les émergents. Relativement fermé sur les grands secteurs (distribution, énergie, finance), l'industrie du divertissement s'est ouverte très tôt aux investissements étrangers.

C'est en 1991 que le mouvement est lancé. En 1992, l'interdiction de sous-titrer les films est levée. Avec une population majoritairement analphabète et non-anglophone, la barrière ressemblait plus à un rempart...

Des groupes comme News Corp débarquent alors, attirés par l'ampleur du marché et l'importance du cinéma.

La déferlante des blockbusters endiguée
Ce mouvement contraste fortement avec la fermeture de pans entier de l'économie (la distribution multimarque est carrément interdite aux étrangers).

Habituellement, un secteur ne s'ouvre pas à la concurrence s'il n'a pas un avantage compétitif à l'international (ou alors c'est un ordre de Michel Camdessus ou de DS...). Est ce que l'industrie indienne du film se sentait assez forte pour pouvoir rivaliser avec les géants américains ?

Quoiqu'il en soit, les majors hollywoodiennes sont arrivées sur les écrans indiens, les classes moyennes citadines dans le viseur. L'échec fut immédiat.

Les studios américains ne digèrent pas les épices
En s'aventurant en Inde, les studios américains affrontaient un pan de la culture indienne adossée à plus de 60 ans d'histoire. Plus difficile à oublier qu'un film de Sundance...

Surtout, les studios concurrençaient une culture du cinéma profondément populaire, ce que l'on a appelé le cinéma masala. Le masala, c'est un mélange d'épices. Par extension, il désigne les films où l'on trouve de la danse, des chansons, du drame, de l'action et du romantisme....bref, la caricature du film dit de « Bollywood ».

C'est cette puissance du marché locale qui est apparue comme la principale force du secteur. Et aussi sa principale faiblesse...

La Tour de Babel du cinéma
La même cause a longtemps empêché le marché indien de s'internationaliser et les hommes de toucher le ciel : la Langue !

Associer Bollywood au cinéma indien a autant de sens que réduire la gastronomie française à la tête de veau, pourtant excellente... Chaque région produit ses propres films en fonction de sa langue. Au coté de Bollywood, on trouvera pêlemêle Mollywood, de l'État du Kerala, Tollywood, le cinéma bengalî, ou encore Kollywood, à Chennai (ancienne Madras).

Cette particularité, associée à des barrières tarifaires fortes pour les films étrangers, a longtemps isolé le cinéma indien des influences étrangères. Isolé oui, jusqu'à aujourd'hui...

A suivre...


vendredi 18 mars 2011

La Chine sauvera t-elle la "renaissance" du nucléaire ?



Chaque jour les « Une » de nos journaux se font de plus en plus tranchantes sur la question. Fin du nucléaire, divorce avec les marchés, survie de l'Atome, le nucléaire semble condamné.

Et embraient les opposants historiques au secteur, au son des « c'est pas faute de vous l'avoir dit ! »

Dans l'autre camps, le défenseurs du nucléaire se réfugient derrière un mot : Audit !

Clarté, transparence et honnêteté, les dirigeants se raccrochent à cette sainte trinité comme on se réfugie dans la prière lorsque l'on reçoit sa première feuille de paie (j'ai payé ce jour là mes longues années d'agnosticisme...)

Malgré ces vœux de sureté, le nucléo-scepticisme semble s'installer...en Europe.

Tchernobyl est dans toute les têtes. Pourtant la comparaison est loin d'être évidente.

L'accident de 1986 avait fait prendre conscience des dangers de l'atome. Une nouvelle génération de militants verts était ainsi rentrée en politique. Les gouvernements n'ont alors plus eu le choix. Ils ont donné un brutal coup de frein à leur programme nucléaire et les acteurs de l'atome ont sabré dans les effectifs et la R&D. Accessoirement, j'avais été privé de thym et de lait (particulièrement radioactifs) pour mes repas. N'ayant que 2 ans à l'époque, j'avais relativement bien supporté ces privations...

La glaciation des programme avait été permise par le contexte internationale. Le contre-coup du choc pétrolier avait fait sombrer le baril en dessous des 20$. Le gaz naturel était également en pleine chute. La transition était donc possible économiquement.

En 30 ans, c'est fou comme le monde a changé.

Une chose a changé en particulier, la Chine !
La « renaissance » du nucléaire est annoncée depuis quelques années. D'Allemagne, d'Italie, ou d'Europe de l'Est, nous nous réjouissons de voir des bataillons d'ingénieurs en herbe venir en France se former aux rudiments du proton et du notron... 

Pourtant, l'Europe ne fait rien à l'affaire. La « renaissance », ce sont les émergents qui l'ont faite. Et ce sont eux qui décideront de sa poursuite...

Depuis 2000, sur les 37 nouvelles centrales construites, 28 se trouvent chez les émergents. Pire, sur l'ensemble des projets prévus pour les 10 prochaines années, les pays du G7 sont responsables de seulement 3% d'entre eux ! 

C'est bien sur l'Asie qui tire le secteur.

En début de semaine, Pékin s'est rangé prudemment du coté des « auditeurs ». Un « examen exhaustif » de toutes les centrales a été lancé. Mais tout indique que la Chine n'a aucun intention d'abandonner son programme nucléaire. Elle ne le peut pas de toute façon...

Pékin a de moins en moins le choix de sa politique énergétique. Sa croissance incandescente, conjuguée à l'arrivée de 300 millions de nouveaux urbains d'ici 10 ans, va continuer de faire décoller ses besoins énergétiques. Si vous ajoutez les risques de la pollution, elle pourrait couter entre 6% et 10% de PIB, le calcul est simple :

Exode rurale + Pollution menaçante + Expansion économique = 

                                           E . P . R !

Le nucléaire est la clef de voute de la politique énergétique chinoise. Il lui permettra de réduire sa consommation d'énergie fossile tout en attendant que les technologies du renouvelable soient matures.

Si vous doutez encore des intentions chinoises, ce dernier détail est pour vous. Alors que l'« équipe de France » du nucléaire (l'équipe de 2010, pas de 1998) se met en ordre de bataille pour vendre son EPR de 3e génération, la Chine vient tout juste d'annoncer la construction d'un réacteur 4e génération !

vendredi 11 mars 2011

Les Révolutions arabes signent elles l'échec du consensus de Pékin ?


La réalité d'une Révolution proprement Arabe semble prendre forme jour après jour. Mais il ne faut pas se tromper. Ce ne sont pas les manifestations de la place Tahrir qui ont amené le changement de société, c'est le changement de société qui a amené la place Tahrir.

Je ne crois pas aux Révolutions Spontanées, comme je ne crois pas qu'il suffise d'envoyer sa lettre de motivation pour diriger Areva (bon, je l'ai envoyé quand même, sur un malentendu....)

C'est là que la thèse devient intéressante (je vous laisse juger de l'impartialité de ce dernier commentaire...). Intéressante pas forcément par les réponses qu'elle apporte, mais par les questions qu'elle pose. Karl Jasper considérait que « les questions sont plus essentielles que les réponses ». ça m'arrange bien, j'ai peu de réponse.....

Qu'est ce qui a changé si radicalement dans ces pays pour qu'un jour, la population décide de contester le pouvoir ?

En bon économiste de non-formation, je crois que l'économie a été un des facteurs majeurs qui a permis de faire bouger les lignes.

Les dictatures arabes, victimes de leur succès
Vous saviez que l'Égypte et plusieurs pays du Golfe faisaient partis des pays néo-émergents jusqu'en janvier dernier ?

L'Égypte avait même été officiellement intégrée dans un de ces acronymes qui réjouissent les financiers et soulagent les maquettistes des Echos. Michael Geoghegan, président d'HSBC, probablement partenaire de scrabble de Jim O'Neil, avait sorti l'acronyme « CIVETS ». Dans ce nouvel ensemble de pays émergents, le « E » désignait l'Égypte.

Le premier enseignement que j'en retire, c'est que l'émergence est un concept bien plus globale qu'un simple indice de richesse. Le deuxième, c'est que les dictatures ne sont pas capables de gérer un pays émergent.

Or la moitié de l'humanité est considérée comme « émergente » !

Si cette incompatibilité entre autoritarisme et émergence se vérifie, je connais un grand nombre de pays qui ont du soucis à se faire.

Le cocktail Dicature + Emergence a d'ailleurs un nom. C'est la définition même du « consensus de Pékin ».

La première concernée, la Chine et ses 11% de croissance, est bien consciente de la précarité de sa situation. Le pouvoir laisse régulièrement se déchainer sur Internet les campagnes anti-corruption pour éviter les explosions de colère dans la rue. Au passage, depuis quelques semaines, le PCC a arrêté de comptabiliser ces révoltes devant leur multiplication....

Ce phénomène n'affecte d'ailleurs pas seulement les dictatures. Le mouvement Naxalite en Inde, mouvement communiste révolutionnaire, ne s'est jamais mieux porté depuis que New Delhi enregistre 8% de croissance par an. L'énorme scandale actuel dans l'industrie des télécoms pourrait très bien servir de détonateur à un mouvement de révolte.

La question qui me permettra de finir sans apporter la moindre réponse est celle-ci : Est ce que les régimes autoritaires ou corrompus peuvent survivre à leur propre émergence ?

A votre bon cœur...

samedi 5 mars 2011

Les révolutions arabes, ou l'émergence d'un monde multipolaire

Depuis bientôt 2 mois, les populations arabes réveillent leur gouvernement à grands coups de manifestations géantes et de « tweeting » intensifs.

Le mouvement est abondamment commenté. « Historique », « Fondateur »......nous rivalisons tous de lourdeur pour louer ce soi-disant réveil des populations arabes.

Je crois que nous célébrons trop bruyamment des révolutions que nous ne comprenons pas. Sous un vernis moyen-oriental, notre analyse se résume à comparer ces mouvements à notre propre histoire.

« Printemps arabe », « casse toi pauv'con », enfin un vocabulaire que l'on connait ! Nous oublions que c'est le notre….

Nous commentons ces révolutions comme si nous nous regardions dans un miroir, et en plus, nous applaudissons.

Comme le remarquait Nabokov dans « la Méprise » (lisez Nabokov, évitez « La Méprise »), il est toujours plus facile de repérer les ressemblances que les différences.

Alors essayons de parler des différences. De toute façon, depuis que mon père a trouvé que je ressemblais à Raymond Marcellin, j'ai arrêté de chercher les ressemblances...

Les pays étrangers nous serons de plus en plus étrangers

Si les manifestants ont emprunté certains de nos codes révolutionnaires, leur ambition profonde reste de se réapproprier leur pays.

Je ne sais pas si la « démocratie » ou la « laïcité » seront célébrées par l'Egypte ou la Tunisie dans les années à venir. Mais quoiqu'il en soit, les régimes qui s'installeront dans ces pays seront plus « égyptien » et plus « tunisien » que les précédents.

Finalement, ces révolutions consacrent nos différences. Elles viennent de mettre un terme au monopole du modèle occidental. Un grand gouffre vient de s'ouvrir devant nous. Les dictatures laïques ne nous étaient au fond pas si étrangères. Nous savions comment traiter avec elles. Seront nous capable de nous adresser à un gouvernement islamique par exemple ? Nos bredouillements devant le gouvernement turc nous a donné un premier aperçu, et je ne parle pas de notre paralysie devant l'Iran....

Après l'émergence économique, voici donc venu le temps de l'émergence des valeurs et des intérêts.

Bienvenue dans un monde « multipolaire » !

Ce concept dont nous parlons tant et qui nous fait si peur....