Mondes Emergents

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jeudi 1 avril 2010

Moscou, à l’assaut des marchés de l’atome


Depuis plusieurs années, l’énergie nucléaire s’impose, par raison ou par choix, comme une énergie d’avenir dans le futur bouquet énergétique mondiale. La Russie, fruit de son glorieux passé soviétique, possède de formidables compétences techniques dans le secteur du nucléaire civile. Le pays peut également s’appuyer sur les septièmes réserves d’uranium dans le monde.

Fort de ces atouts, Rosatom, l’équivalent russe d’Areva, pourrait s’imposer très vite comme un acteur international majeur sur le marché du nucléaire, estimé à 1000 milliards de dollars sur les 20 prochaines années. La stratégie initiée par le Kremlin témoigne de la conscience du potentiel russe.

Pour s’imposer comme un acteur majeur, Moscou devra être capable de conquérir des marchés en dehors de sa sphère d’influence traditionnelle. En particulier, Moscou devra être capable de proposer une offre adaptée aux marchés émergents, principalement asiatiques, qui tireront la demande mondiale d’énergie.

La construction d’un « champion national »
La santé retrouvée du nucléaire russe est due à la réorganisation de la filière opérée en 2008. En début d’année, Vladimir Poutine fusionne les différents acteurs du secteur afin de former ce que la France appellerait un « champion national » : Rosatom.

En concentrant toutes les activités de l’atome, de l’extraction au retraitement en passant par la construction de centrales, Rosatom atteint une taille internationale. La centralisation du secteur atomique procure ainsi à Moscou les leviers nécessaires pour conduire le développement de la société à l’étranger.

Afin d’alimenter la compagnie d’état, le gouvernement lance en parallèle le programme de renouvellement des centrales nucléaires russes. Actuellement responsable de la construction de 7 réacteurs, le nombre de projet concernera 26 nouveaux réacteurs au total, et permettra à Rosatom de bénéficier d’un marché captif en plein expansion.

La « sphère d’influence » russe
Moscou jouie d’une position de leader sur le marché de l’enrichissement d’uranium, avec 40% de parts. Cet atout stratégique s’est renforcé grâce à la coopération avec le Kazakhstan, qui permet désormais à la Russie d’avoir accès aux 3ème réserves mondiales d’uranium. Moscou a d’ailleurs décidé de constituer un stock d’uranium, en collaboration avec l’AIEA. Estimé à 120 tonnes, ce stock permettra à Moscou de peser sur le marché de l’enrichissement et des livraisons de combustible.

Pour l’instant, Rosatom est présent essentiellement dans la « sphère d’influence » traditionnelle russe. La société construit, ou doit construire, 2 réacteurs en Slovaquie, 2 en Bulgarie, et réhabiliter l’unique centrale d’Asie Centrale, au Kazakhstan. De même, Moscou est le principal fournisseur de combustible aux centrales de l’ancien bloc de l’Est. Rosatom s'est également impliqué dans des projets en Asie Centrale et en Turquie.

Anticiper l’émergence de l’Asie
Pourtant le kremlin nourrit de grandes ambitions. Moscou entend profiter de sa proximité géographique et politique avec les pays émergents pour conquérir 25% du marché du nucléaire mondial, contre 16% aujourd’hui. Cette ambition passera par la conquête des marchés asiatiques, qui devraient être responsable à 50% de la hausse de la consommation mondiale d’énergie primaire d’ici 2030.

La croissance de la consommation d’électricité en Chine en Inde a ouvert les perspectives les plus prometteuses. Ainsi, la Chine a programmé la construction de 60 réacteurs sur 10 ans. La Russie, impliquée actuellement dans la construction de 4 réacteurs, devrait obtenir entre 20% et 25% du marché chinois.

En Inde, la construction de 30 réacteurs est prévue. Bénéficiant de relations privilégiées avec ce pays, Moscou a signé récemment un projet de construction de 10 réacteurs. New Delhi s’est particulièrement réjouie d’avoir conclue un second accord avec Moscou assurant l’approvisionnement en combustible.

Enfin, Rosatom a conquis la quasi totalité du marché vietnamien, stratégie qui pourrait permettre au géant russe de prendre pied en Asie du sud est, notamment en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie.

Un leadership occidental déjà contesté
Ce retour de Moscou sur les marchés internationaux du nucléaire coïncide avec une période de retour en grâce du nucléaire. La croissance mondiale de la consommation d’énergie, et la fin annoncée des énergies fossiles d’ici 2050, ont en effet converti les plus réticents au nucléaire.

Pourtant, les opportunités offertes sur les marchés asiatiques pourraient rapidement se refermer. L’émergence d’une offre spécifiquement asiatique pourrait bientôt concurrencer les plus grandes entreprises occidentales, comme Rosatom, Areva ou Westinghouse. L’échec français à Abu Dhabi est apparu comme un premier avertissement.

Les Coréens avec Kepco, et bientôt les chinois avec CNNC et CGNPC, sont désormais capable de proposer une offre à moindre coût, et surtout mieux adaptée aux marchés émergents. Le salut de Rosatom, d’Areva ou de Toshiba, viendra de leurs capacités à adapter leur offre, en développant des technologiques de pointe tout en restant accessibles économiquement aux marchés émergents.

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