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mardi 30 mars 2010

« Troisième paquet énergie » : La Commission Européenne multiplie les priorités énergétiques


La politique énergétique de l’Union Européenne a lancé un processus de libéralisation, amorcé dans les années 1980 en théorie, et appliqué à partir des années 1990. Après les directives de 1996 et 1998, puis de 2003, la libéralisation du secteur est rentrée dans sa troisième phase en 2009, avec l’adoption du « troisième paquet énergie».

Depuis l’adoption des deux premières directives, l’environnement européen et international a considérablement changé depuis 1990. La crise économique, ainsi que les résultats mitigés de la libéralisation, notamment concernant la baisse des prix du kWh, ont incité la Commission a modifier sa stratégie.

Ainsi le troisième paquet introduit deux nouvelles priorités : la lutte contre le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements. Louables en soit, la Commission devra cependant faire preuve d’habilité pour surmonter deux obstacles. D’une part, la Commission devra résoudre les contradictions potentielles de ces objectifs entre eux, et contenir l’influence des grands groupes énergétiques européens, favorables à une plus grande liberté sur les marchés.

Les invariances de la politique énergétique européenne
Malgré la crise économique et les demi-succès de sa politique, le principe du troisième paquet perpétue la politique anti-trust, censée conduire à la création d’un marché unique de l’énergie.

Le paquet accroît ainsi la séparation des activités du secteur (« unbundling »), en insistant sur la séparation entre les activités de gestion de réseaux et les activités de production et de distribution. Cette politique s’est accompagnée de mesures visant à intensifier les échanges intra-européens, et à développer les infrastructures communautaires.

La Commission a mis en avant le nivellement des réglementations techniques et l’homogénéisation de l’accès à l’énergie, afin de faciliter les échanges. Sur le plan des infrastructures, le président Barosso a lancé des pistes pour la construction d’un « nouveau super réseau européen de l’électricité et du gaz » sur le type des « smart grid » américains.

La politique énergétique, pilier de la politique climatique
Intégrée très vite dans les priorités de la Commission, la thématique environnementale tend aujourd’hui à être de plus en plus intégrée à la politique énergétique, et à se substituer à la théorie libérale comme principal justificatif de la libéralisation. Accessoirement, ce transfert permet de redonner une plus grande légitimité à la Commission.

Le volet énergétique de la politique climatique est particulièrement contraignant. D’ici à 2020, la commission s’est fixée l’objectif des 20-20-20 (- 20 % d’émissions de gaz à effet de serre, + 20% d’efficacité énergétique, 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie). Ces objectifs auront un impact direct sur le mix énergétique européen et sur le réseau énergétique.

Sur le mix énergétique, la Commission a décidé de subventionner les énergies renouvelables. Cette mesure permet d’équilibrer la rentabilité de certaines énergies « vertes », avec celle du charbon par exemple.

La nécessité de privilégier les énergies vertes devrait également conduire les acteurs européens à financer de nouveaux réseaux, reliant de nouveaux territoires, à l’instar des batteries de panneaux solaires dans le Sahara, ou d’éoliennes dans la Mer du Nord.

La sécurité énergétique, avec et contre qui ?
La sécurité énergétique est le dernier volet de la politique énergétique. A la fois pour répondre à la menace des « guerres du gaz » entre la Russie et l’Ukraine, et aux coupures d’électricité que plusieurs pays européens ont connus, notamment l’Italie en 2003 et l’Allemagne en 2006, le concept a été introduit dans le troisième paquet.

Ces préoccupations sont compatibles avec certains objectifs écologiques. Ainsi, les investissements dans les énergies renouvelables permettront de réduire la dépendance énergétique de l’Union. De même, l’investissement dans les « smart grid » renforceront la solidité de ces réseaux. Pourtant, certaines orientations risquent d’opposer sécurité et environnement.

Le dilemme de la « Trinité énergétique »
Le choix de ces trois objectifs pose un problème en terme de cohérence. Comme le souligne Thomas Veyrenc, dans son rapport sur la politique énergétique européenne, il est « impossibilité d’agir de manière symétrique sur les trois leviers ».

La volonté de réduire l’utilisation du charbon dans le mix énergétique européen ne pourra pas être compensée directement par les énergies renouvelables. Cette réduction sera certainement compensée par un plus grande utilisation du gaz. Or le principal fournisseur de gaz demeure la Russie. Ainsi, le choix environnemental pourrait se faire au détriment de la sécurité européenne.

La Commission, un gouvernement sans pouvoir
Le principal problème de la Commission est sont manque de pouvoir. En particulier, la commission reste faible financièrement pour soutenir les grands projets d’infrastructures, et faible politiquement dans ses relations extérieures.

Ces faiblesses ont permis à plusieurs pays, notamment propriétaires de grands groupes, de mener des politiques unilatérale. Ainsi, en traitant directement avec Moscou de leurs approvisionnements en gaz, la France et l’Allemagne ont empêché la Commission de proposer un projet de partenariat extérieur crédible.

Mr Oettinger, trop proche des grands groupes ?
De manière plus profonde, la récente nomination de Mr Oettinger à la tête de la Commission Energie marque peut être une inflexion de la politique énergétique européenne. Partisan de la libéralisation, Mr Oettinger est pourtant soupçonnée d’être proche des grands groupes allemands, tel que E.ON et RWE.

Dans un contexte de retour de l’Etat dans la politique, et d’échec relatif de la libéralisation, les grands pays européens pourraient effectivement choisir de préserver les structures de leurs grands groupes, d’une part pour défendre leur champions nationaux, et d’autre part pour leur permettre d’affronter la concurrence sur la scène internationale.

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