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vendredi 12 mars 2010

L'interdépendance énergétique remise en cause : la fin de la Pax Sovietica
Le cas de l’électricité en Asie centrale.

Si l’effondrement de l’URSS a entraîné dans sa chute l’idéal communiste, 1991 a également signifié la disparition d’un autre idéal léniniste, l’électrification du territoire. En effet, comme le proclamait le leader de la Révolution d’Octobre, le communisme se définit par « les Soviets, plus l’électricité ».

Or en 1991, l’effondrement signe la fin de l’architecture électrique soviétique. Nationalisme et quête d’identité pour les nouvelles Républiques se conjuguent pour célébrer l’indépendance retrouvée. Cet enthousiasme se heurta pourtant très vite à une réalité matérielles : Les pays étaient toujours reliés les uns des autres par des câbles électriques.

Souvent de manière autoritaire, le pouvoir soviétique avait pourtant réussit à créer des réseaux régionaux efficaces. En Asie Centrale en particulier, la structure de cette industrie permettait d’une part d’alimenter toutes les populations, et d’autres part de servir les ambitions économiques soviétiques dans la région.

L’Asie centrale et l’héritage de la guerre de sécession
En Asie centrale, la structuration du réseau électrique était une conséquence du choix de la mono-culture : le Coton. Historiquement, c’est pour palier la chute des importations de coton américain, les Etats Unis étant en plein guerre de sécession, que Moscou attribua à l’Asie centrale la charge de produire le coton pour ses filatures. Cette politique fut reprise et accentuée par les soviétiques, notamment lors du lancement en fanfare de la « Campagne des Terres Vierges » de Nikita Khrouchtchev.

Le coton demandant beaucoup d’eau, les importantes ressources hydrauliques de la région, situées dans les deux pays montagneux de la région, le Kirghizstan et le Tadjikistan, furent ainsi mises au service des pays de plaine producteurs de coton, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Moscou imposa ainsi aux « châteaux d’eau » de ne relâcher leur eau qu’au printemps, c’est à dire lors des périodes d’irrigation du coton.

Or bleu contre or noir
Les « châteaux d’eau » faisaient, et font toujours partis, des pays les plus pauvres de la CEI. Or leurs ressources hydrauliques étaient leur unique richesse, et leur seul moyen de produire de l’électricité en l’absence de ressources pétrolières et gazières.

Moscou imposa alors un troc, où l’Ouzbékistan et le Kazakhstan devaient fournir pétrole et gaz en hiver à ces deux pays, en contre partie de l’irrigation de leurs champs au printemps.

La révolte des « châteaux d’eau »
Or ce modèle se brisa en 1991, sous le double coup de la montée des nationalismes et du libéralisme économique.

Le Kirghizstan et le Tadjikistan prirent tout d’abord conscience que leur unique ressource demeurait largement sous-exploitée. L’hydroélectricité pouvait alimenter les industries et les foyers en hiver, tout en produisant des excédents destinés à être revendu, à la Russie, à la Chine ou l’Afghanistan. De toute façon, ces pays n’avaient pas les moyens de payer les importations d’hydrocarbures au prix du marché.

En conséquence, les pays de plaine, en particulier l’Ouzbékistan demeuré très dépendant de son coton, retrouvèrent à plusieurs reprise leur champs inondés en hiver. L’absence de coopération, en dépit de la création de plusieurs organisations intergouvernementales, exacerba les rancunes et les susceptibilités de ces nouveaux nés sur la scène internationale.

L’industrie électrique, victime de l’anarchie post-impérialiste
Si le conflit est en voie de règlement, notamment grâce à des projets d’infrastructures ménageant les intérêts de chacun, ce schéma s’est reproduit à diverses reprises depuis 1991. La question du transit du gaz ukrainien repose sur la même logique. Habitués à un système de troc, où intérêts politiques et économiques s’entremêlaient, les pays post-soviétiques eurent beaucoup de difficulté à établir des liens marchands entre eux.

On est tenté de comprendre la montée de ces tensions dans la CEI comme l’exemple typique du passage d’un système impérialiste stable, à l’anarchie d’une système multipolaire. Le « bandwagoning », pour reprendre une expression de Robert Gilpin, tel que le pratiquait les satellites soviétiques consistait à accepter un rôle économique peu profitable, pour eux ou pour la région (voir le destin de la Mer d’Aral), en contre partie d’autres avantages (fourniture de pétrole et de gaz, prestige politique).

1991 signa la fin de cette logique. 15 nouveaux Etats se mirent à rechercher désespérémment sécurité (énergétique notamment) et stabilité. Pour ce faire, les pays 'appuyèrent soit sur une politique de statu quo, conservant autoritarisme et centralisation soviétique, soit sur une politique national, parfois au mépris des solidarités régionales.

Dans cette optique, l’industrie électrique d’Asie Centrale est un bon témoin des contradictions rencontrées par les pays post-soviétiques, et de leur difficultés rencontrées à mettre en place des politiques nationales qui prennent en compte les ambitions nationales et l'héritage soviétique.

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