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mardi 9 mars 2010

Turkménistan : La fin de l’isolationnisme



Le Turkménistan, peut être le pays le plus opaque d’Asie Centrale, est il en train de normaliser sa situation sur la scène internationale ? Le pays semble effectivement regarder au de-là de ses frontières, et accepter de jouer le jeu de la diplomatie, sous l’impulsion du nouvel homme fort du pays, Gurbanguly Berdimuhamedov.

Plus habitué à animer les rubriques folkloriques des pages « international » de nos magazines, le Turkménistan pourrait à l’avenir apparaître dans plusieurs autres rubriques, au premier rang desquelles la diplomatie régionale et la bataille de l’énergie.

Un pays Ermite
Au sortir de l’indépendance, le tout puissant président Niyazov, « Turkmenbashi » selon sa propre dénomination (Père des Turcs), avait choisit d’isoler son pays du reste du monde. Le pays acquit le statut de neutralité, et réussit à passer pratiquement inaperçu tout au long des années 1990, période qui connut pourtant une certaine agitation dans la région.

Le pays refusa également les contacts régionaux, en refusant d’adhérer à l'OTSC (l'Organisation du Traité de sécurité collective) et à l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le pays n’est également plus que simple observateur dans la CEI.

De timides réformes intérieures
En 2006, la mort de Saparmurat Niyazov, et l’arrivée au pouvoir du ministre de la santé, Gurbanguly Berdimuhamedov, avait laissé espérer un changement de trajectoire du pays. En 2010, le bilan s’avère nuancé.

Au plan économique, la situation économique du pays s’est améliorée. La population, bien que consciente de l’hypocrisie des chiffres officiels du chômage, apprécient désormais que les « les pensions [soient] versées aux retraités » (1). Le nouveau président a également déclaré son intention de diversifier l’économie, afin que les revenus des hydrocarbures ne représentent plus que 30% du PIB d’ici 2020 (80% aujourd’hui).

Sur le plan des libertés individuelles, quelques avancées ont été remarquées, comme l’autorisation de partir travailler à l’étranger, ou l’amélioration de l’accès à Internet.

Gurbanguly Berdimuhamedov n’est pas Gorbatchev
Pourtant, l’heure est plutôt à la déception parmi les diplomates étrangers. S’il est désormais incontestable que le nouveau président turkmène n’est pas un nouveau Gorbatchev (d’ailleurs le souhaite t’on vraiment au Turkménistan ?), le rythme des changements des débuts avait laissé éspérer une réelle transformation du pays.

Quatre ans après, force est de constater que le rythme des réformes s’est ralentit. Le régime demeure extrêmement oppressif, et le récent frein mis aux échanges universitaires à l’étranger témoigne d’une volonté de préserver une certaine autarcie, héritée du régime précédent.

L’évolution majeure concerne au final surtout la politique étrangère. En développant ses contacts avec ses voisins, et en multipliant les projets de coopération, le Turkménistan semble vouloir exploiter au maximum ses richesses et sa position géographique.

Gaz Turkmène : La fin du tête à tête russo-turkmène
Le gaz du Turkménistan représente une autre pièce du puzzle de la géopolitique des tubes de l’Eurasie. « Gazprom » était jusqu’à récemment dans une situation de quasi monopole d’achat du gaz turkmène, à l’exception d’un gazoduc iranien construit en 1998. Mais en quelques années, les réserves turkmènes, sur lesquelles il existe pourtant beaucoup d’incertitudes (de 7.94 trillion m3 selon BP, à 2.7 trillion m3 selon Cedigaz), ont attiré de nouveaux investisseurs. Les rapport de force s’est alors inversé avec Moscou, ce qui a permis au pays d’aligner les prix du gaz vendu à la Russie sur les prix du gaz acheté par les européens.

Aschabat courtisé de toutes parts
Aschabat a tout d’abord développé ses relations avec son voisin iranien. En 2010, un deuxième gazoduc était mis en service vers ce pays, portant ses exportations à 20 milliards de m3 vers ce pays.

L’Union européenne a également manifesté un intérêt pour le gaz turkmène, afin d’assurer la viabilité de son projet gazier « Nabucco ». Moscou et Bruxelles se sont d’ailleurs livrés une bataille d’influence rappelant le « Great Game » anglais, ou de la « danse des ombres » version russe, afin de faire basculer le Turkménistan du bon coté de la barrière.

Mais c’est un autre partenaire qui, à force de pragmatisme, semble pour l’instant avoir réussi à tirer son épingle de l’écheveau de gazoducs, la Chine. En un temps record, alors que russes et turkmènes s’enlisaient dans des négociations sans fin depuis 2007, elle réussit à construire un gazoducs reliant le Turkménistan à la chine occidentale, et acheminant désormais 40m3.

Le « model chinois » enfin exporté ?
Le Turkménistan commence à se saisir, à nouveau, de sa géographie, et apparaît conscient des opportunités qui s’offrent à lui. Glissera t’il vers une réorganisation de ses alliances régionales, autour d’une identité Turque, regroupant l’Ouzbékistan, la Turquie et les minorités disséminées dans les pays voisins, ou autour d’une identité plus asiatique, autour d’un bloc comprenant l’Iran et le Pakistan ?

Le pays fera t’il le choix du statu quo, arguant que la relation avec la Russie, en dépit des anicroches du printemps dernier, demeure la plus stable des relations que le pays puisse avoir, alors que les autres pays voisins sont soit pointés du doigt par la communauté internationale, soit en guerre ?

Un dernier scénario existe encore, l’adoption d’un modèle chinois, qui mêlerait ouverture économique, et rigidité politique. S’il est encore trop tôt pour juger, il faut garder à l‘esprit que le pays se sent naturellement plus proche d’un « quiet partner » comme la Chine que d’un donneur d’ordre version américaine.

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